La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/1997 | FRANCE | N°141459;150985

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 28 février 1997, 141459 et 150985


Vu, 1°) sous le n° 141459, le recours sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 septembre 1992 et 6 janvier 1993 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le ministre du budget ; celui-ci demande que le Conseil d'Etat annule les articles 1er, 3, 5, 6, et 7 de l'arrêt du 25 juin 1992 par lesquels la cour administrative d'appel de Nancy a, en premier lieu, déchargé Mme X... des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels elle avait été assujettie au titre de l'année 1979 en conséquence de l'imposition, à son nom, des résultats de l'exploitati

on entre le 1er octobre 1978 et le 17 février 1979 du fonds de com...

Vu, 1°) sous le n° 141459, le recours sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 septembre 1992 et 6 janvier 1993 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le ministre du budget ; celui-ci demande que le Conseil d'Etat annule les articles 1er, 3, 5, 6, et 7 de l'arrêt du 25 juin 1992 par lesquels la cour administrative d'appel de Nancy a, en premier lieu, déchargé Mme X... des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels elle avait été assujettie au titre de l'année 1979 en conséquence de l'imposition, à son nom, des résultats de l'exploitation entre le 1er octobre 1978 et le 17 février 1979 du fonds de commerce de produits de beauté dont elle a fait apport à la société anonyme "Pascale X...", ainsi que de la plus-value qu'elle a réalisée à l'occasion de cet apport et de la requalification en revenus de capitaux mobiliers d'une fraction des salaires que ladite société lui a versés entre le 1er octobre 1978 et le 17 février 1979, en second lieu, ordonné un supplément d'instruction concernant notamment l'imposition d'une somme de 150 000 F dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
Vu, 2°) sous le n° 150985, le recours du ministre du budget enregistré le 19 août 1993 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre du budget demande que le Conseil d'Etat annule les articles 1er, 2, et 4 de l'arrêt du 6 juillet 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, statuant au vu du supplément d'instruction ordonné par l'arrêt du 25 juin 1992, qui fait l'objet du recours n° 141459 susvisé, a déchargé Mme X... des suppléments d'impôt sur le revenu issus de l'imposition, au titre de l'année 1979, d'une somme de 150 000 F dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi du 24 juillet 1966, modifiée ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Racine, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, avocat de Mme Pascale X... ;
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les recours du ministre du budget enregistrés sous les n°s 141459 et 150985 sont dirigés contre deux arrêts successivement rendus par la cour administrative d'appel de Nancy dans le même litige ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966 sur les société commerciales : "Les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce ... Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société" ; qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 209 du même code : "1 - Le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises ... 2 - Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminué des suppléments d'apports et augmenté des prélèvements effectués au cours de cette période ... par les associés" ;
Considérant qu'en application de ces dispositions, pour la détermination des bénéfices imposables d'une société anonyme créée par apport d'un fonds de commerce d'une entreprise individuelle, le premier bilan dans lequel doivent être prises en compte les conséquences des stipulations relatives à la constitution de la société est le bilan de clôture de l'exercice au cours duquel la société a été légalement constituée ; que, lorsque les parties sont convenues de donner effet à cette constitution à une date antérieure à celle à laquelle la personnalité morale de la société est acquise, une telle convention ne peut, en vertu du principe de l'annualité de l'impôt et de la spécificité des exercices, avoir d'effet antérieurement au jour d'ouverture de l'exercice au cours duquel la société a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés et reste sans influence sur l'imposition des résultats de l'exercice précédent ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société anonyme "Pascale X..." a été constituée, principalement, par l'apport du fonds de commerce de l'entreprise individuelle de vente de produits de beauté exploité par Mme X..., qui est devenue propriétaire de 3 482 des 3 540 actions constituant le capital social de la société anonyme "Pascale X..." ; que celle-ci a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 9 novembre 1979 ; qu'en application des dispositions précitées de l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966, cette date est celle de sa constitution légale ; que les statuts consignés dans un acte du 17 février 1979 indiquaient que la date du 1er octobre 1978 serait celle du début de l'exploitation ; que la constitution de la société n'a donc pu avoir, du point de vue fiscal, d'effet rétroactif que jusqu'au 1er octobre 1979 ;
Considérant que l'administration a néanmoins admis que les résultats de l'exploitation du fonds de commerce soient imposés au nom de la société anonyme "Pascale X..." à compter du 17 février 1979 ; qu'elle a, en revanche, estimé que le fonds de commerce avait continué d'être exploité, à titre individuel, par Mme X... entre le 1er octobre 1978 et le 16 février 1979 et, par suite, que les résultats de cette exploitation, qui avaient été compris dans la déclaration souscrite par la société anonyme "Pascale X..." au titre de l'exercice clos le 30 septembre 1979 devaient être imposés au nom de Mme X..., et que la plus-value réalisée par cette dernière à l'occasion de l'apport de son fonds de commerce, qu'elle avait déclarée au titre de l'année 1978, mais n'avait pas été effectivement imposée, devait être soumise à l'impôt au titre de l'année 1979 ; que l'administration a, en outre, estimé qu'une somme de 122 153 F versée à Mme X... par la société au titre de la période du 1er octobre 1978 au 17 février 1979 ne pouvait être regardée comme un salaire, et devait être imposée, au nom de l'intéressée, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu'elle a aussi imposé, dans la même catégorie, une somme de 150 000 F portée, selon elle, sans justification d'une contrepartie, par la société anonyme "Pascale X..." au crédit du compte courant ouvert dans ses écritures, au nom de Mme X..., le 30 septembre 1979 ;
Considérant que la cour administrative d'appel, pour juger que le fonds de commerce, bien qu'insusceptible, pour le motif ci-dessus indiqué, d'être réputé avoir été exploité par la société anonyme "Pascale X..." entre le 1er octobre 1978 et le 16 février 1979, n'avait cependant pas été davantage exploité personnellement par Mme X..., a estimé qu'il l'avait été par une société de fait existant entre Mme X... et ses associés, alors même que ces autres associés n'avaient pas participé effectivement à la gestion du fonds ;
Mais considérant que l'existence d'une société de fait pour l'exploitation d'une entreprise résulte à la fois des apports faits à cette dernière par au moins deux personnes et de la participation de celles-ci tant à l'administration et au contrôle de l'affaire qu'aux bénéfices et aux pertes ; qu'ainsi, la cour, après avoir constaté, par une appréciation souveraine des faits, que les associés de Mme X... n'avaient pris aucune part à la direction et au contrôle de l'affaire, n'a pu légalement en déduire que le fonds de commerce avait été exploité par une société de fait entre le 1er octobre 1978 et le 16 février 1979 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à demander l'annulation des arrêts attaqués, en tant qu'ils ont déchargé Mme X..., d'une part, des sommes résultant de l'imposition à son nom, au titre de l'année 1979, des résultats de l'exploitation du fonds de commerce entre le 1er octobre 1978 et le 17 février 1979, ainsi que des sommes correspondant à l'imposition de la plus-value consécutive à l'apport de son fonds de commerce à la société anonyme "Pascale X...", d'autre part et au motif que les sociétés de fait ne sont pas au nombre de celles qui sont susceptibles de distribuer des revenus à leurs associés, au sens des articles 109 à 117 du code général des impôts, des sommes résultant de l'imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des versements mentionnés plus haut, de 122 153 F et 150 000 F ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy ;
Article 1er : Les articles 1er, 3, 5, 6 et 7 de l'arrêt du 25 juin 1992 de la cour administrative d'appel de Nancy et les articles 1er, 2 et 4 de l'arrêt de la même cour du 6 juillet 1993 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à Mme Pascale X....


Sens de l'arrêt : Annulation partielle renvoi
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - QUESTIONS COMMUNES - PERSONNES IMPOSABLES - SOCIETES DE FAIT - Absence - Exploitation d'un fonds de commerce pendant la période de constitution d'une société anonyme - Défaut de participation des associés à la direction et au contrôle de l'affaire (1).

19-04-01-01-02-02 L'existence d'une société de fait pour l'exploitation d'une entreprise résulte à la fois des apports faits à cette dernière par au moins deux personnes et de la participation de celles-ci tant à l'administration et au contrôle de l'affaire qu'aux bénéfices et aux pertes. Alors même qu'un fonds de commerce insusceptible d'être réputé avoir été exploité par une société en formation avant le jour de l'ouverture de l'exercice au cours duquel cette société a été immatriculée au registre du commerce, n'aurait pas été davantage exploité personnellement, durant cette période, par l'exploitant individuel qui en avait fait apport à cette société, ce fonds ne peut être regardé comme exploité par une société de fait constituée entre cet exploitant et les autres associés de la société en formation, dès lors que ces derniers n'ont pris aucune part à la direction et au contrôle de l'affaire (1).

- RJ2 - RJ3 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES - DETERMINATION DU BENEFICE IMPOSABLE - Etablissement du bilan - Effet des stipulations contractuelles rétroactives - Stipulations relatives à la constitution d'une société - Effet limité au bilan de clôture de l'exercice au cours duquel la société a été immatriculée au registre du commerce (2) (3).

19-04-01-04-03 Pour la détermination des bénéfices imposables d'une société anonyme créée par apport d'un fonds de commerce d'une entreprise individuelle, le premier bilan dans lequel doivent être prises en compte les conséquences des stipulations relatives à la constitution d'une société est le bilan de clôture de l'exercice au cours duquel la société a été légalement constituée. Lorsque les parties sont convenues de donner effet à la constitution à une date antérieure à celle à laquelle la personnalité morale de la société est acquise, une telle convention ne peut, en vertu du principe de l'annualité de l'impôt et de la spécificité des exercices, avoir d'effet antérieurement au jour d'ouverture de l'exercice au cours duquel la société a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés et reste sans influence sur l'imposition des résultats de l'exercice précédent (2) (3). Alors même que l'article 1843-1 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978, prévoit que "l'apport d'un bien ou d'un droit soumis à publicité pour son opposabilité aux tiers peut être publié dès avant l'immatriculation et sous la condition que celle-ci intervienne. A compter de celle-ci les effets de la formalité rétroagissent à la date de son accomplissement" la circonstance que le traité d'apport d'un tel fonds de commerce ait été publié avant l'exercice au cours duquel la société a été immatriculée est sans influence sur cette solution (sol. impl.).


Références :

CGI 38, 209, 109 à 117
Loi 66-537 du 24 juillet 1966 art. 5

1. Inf. CAA de Nancy, 1992-06-25, n° 91NC00185 et 91NC00186, Mme Pinaton, p. 549. 2.

Cf. CE, 1985-04-22, S.A. "Transports Paul Pacquet", p. 114. 3. Comp. CE, 1991-10-11, S.A. "Union internationale immobilière", T. p. 857


Publications
Proposition de citation: CE, 28 fév. 1997, n° 141459;150985
Publié au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: M. Racine
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain Avocat

Origine de la décision
Formation : 8 / 9 ssr
Date de la décision : 28/02/1997
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 141459;150985
Numéro NOR : CETATEXT000007969806 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1997-02-28;141459 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award