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28/02/1997 | FRANCE | N°104544

France | France, Conseil d'État, Section, 28 février 1997, 104544


Vu le recours du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget enregistré le 13 janvier 1989 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre d'Etat, ministre de l'économie des finances et du budget demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 23 mars 1988 de la Cour des comptes en tant qu'il a déclaré M. X..., ancien agent comptable du Conservatoire national des arts et métiers, débiteur de diverses sommes dues par le régisseur de cet établissement, auquel le ministre a accordé la remise gracieuse ;
Vu les autres pièces du dossier ;


Vu la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée e...

Vu le recours du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget enregistré le 13 janvier 1989 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre d'Etat, ministre de l'économie des finances et du budget demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 23 mars 1988 de la Cour des comptes en tant qu'il a déclaré M. X..., ancien agent comptable du Conservatoire national des arts et métiers, débiteur de diverses sommes dues par le régisseur de cet établissement, auquel le ministre a accordé la remise gracieuse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée et notamment son article 60 ;
Vu la loi n° 67-483 du 22 juin 1967 modifiée relative à la Cour des comptes ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant réglement général sur la comptabilité publique ;
Vu le décret n° 64-1022 du 29 septembre 1964 relatif à la constatation et à l'apurement des débets des comptables publics et assimilés ;
Vu le décret n° 66-850 du 15 novembre 1966 modifié relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des régisseurs ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle de Silva, Auditeur,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le ministre d'Etat, ministre de l'économie des finances et du budget demande l'annulation de l'arrêt de la Cour des comptes du 23 mars 1988 en tant qu'il a mis en débet le comptable du Conservatoire national des arts et métiers pour des sommes qui, d'une part, résultaient de déficits imputables à M. Y..., régisseur de cet établissement, auquel le ministre avait accordé une remise gracieuse, et qui, d'autre part, avaient fait l'objet de deux mandats émis sur le budget de l'établissement au profit du comptable ;
Considérant qu'il résulte du II, du IV et du IX de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée que "la responsabilité pécuniaire des comptables s'étend à toutes les opérations du poste comptable qu'ils dirigent", ce qui inclut "celles des régisseurs", et que cette responsabilité "se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en deniers ou en valeurs a été constaté ..." ; que, dans les conditions fixées par un décret, "les comptables publics dont la responsabilité a été engagée ... peuvent, en cas de force majeure, obtenir décharge partielle ou totale de leur responsabilité. Dans les conditions prévues par ce même décret, les comptables publics peuvent obtenir la remise gracieuse des sommes laissées à leur charge ..." ;
Sur le moyen tiré de ce que l'exécution des deux mandats émis sur le budget de l'établissement au profit du comptable, du montant des sommes remises au régisseur, aurait fait disparaître l'existence d'un déficit dans la caisse du comptable :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 du décret du 15 novembre 1966 : "Les sommes allouées en décharge ou en remise gracieuse sont supportées par le budget de l'organisme public intéressé. Toutefois, lorsque le régisseur de l'Etat exécute des opérations pour le compte d'autres organismes publics, les sommes allouées en décharge ou en remise gracieuse sont supportées par le budget de l'Etat si le débet ne provient pas de pièces irrégulières établies ou visées par l'ordonnateur. Si le débet résulte pour partie de pièces irrégulières établies ou visées par l'ordonnateur, le ministre de l'économie et des finances décide, pour chaque cas, la fraction de la décharge ou de la remise gracieuse prise en charge par l'Etat (...) "; que cette disposition a pour objet de déterminer la collectivité publique qui supportera, en définitive, sur son budget propre, les sommes litigieuses, et est sans incidence sur la responsabilité du comptable ;

Considérant que si des mandats ont été émis au bénéfice du comptable à la suite de la remise gracieuse accordée au régisseur, il résulte des dispositions précitées du IV de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 que la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en deniers ou en valeurs a été constaté ; que le comptable n'ayant pas apporté la preuve du reversement des sommes manquantes dans la caisse de l'établissement ou une autre justification de nature à l'exonérer de sa responsabilité, la Cour des comptes a pu sans commettre d'erreur de fait ni d'erreur de droit déclarer M. X... débiteur des sommes manquantes ;
Sur le moyen tiré de ce que la remise gracieuse accordée par le ministre au régisseur faisait obstacle à ce que le comptable assignataire fût mis en débet :
Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 que tout déficit ou manquant en deniers ou en valeurs constaté dans la caisse du régisseur engage, en principe, la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable assignataire, responsabilité qui s'étend notamment aux opérations des régisseurs ; que si l'article 11 du décret du 15 novembre 1966 susvisé prévoit que le ministre de l'économie et des finances peut accorder une remise gracieuse au régisseur, aucune disposition de ce décret ne prévoit que cette remise bénéficie de plein droit au comptable ; qu'il suit de là que lorsque le ministre a accordé une remise au régisseur sans s'être expressément prononcé sur la situation corrélative du comptable, la Cour des comptes est tenue d'apprécier la régularité des comptes de ce dernier par référence aux seules dispositions de l'article 60 précité de la loi du 23 février 1963 ;
Considérant, d'autre part, que les dispositions des articles 5 et 7 du décret susvisé du 29 septembre 1964 prévoient que le comptable peut demander au ministre de l'économie et des finances la décharge ou la remise gracieuse des sommes laissées à sa charge ; que la mise en débet du comptable par la Cour du montant des sommes remises au régisseur n'a ni pour objet ni pour effet d'empiéter sur la compétence que ces dispositions donnent au seul ministre pour apprécier l'opportunité d'accorder cette décharge ou cette remise gracieuse ; que le ministre garde la possibilité, après même l'intervention de l'arrêt de la cour, d'accorder décharge ou remise au comptable ; qu'il en va d'ailleurs de même, dans les conditions prévues par l'article 12 du décret du 15 novembre 1966, dans le cas où le régisseur aurait été déchargé de sommes mises à sa charge ou dans le cas où le régisseur aurait été déclaré responsable de sommes qui ne pourraient pas être recouvrées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen selon lequel la Cour aurait méconnu la portée de la décision du ministre accordant remise gracieuse au régisseur, ou aurait empiété sur les pouvoirs d'appréciation de la responsabilité du comptable que les décrets du 15 novembre 1966 et du 29 septembre 1964 donnent au seul ministre, ne saurait être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours du ministre d'Etat, ministre de l'économie des finances et du budget dirigé contre l'arrêt attaqué de la Cour des comptes n'est pas fondé ;
Article 1er : Le recours du ministre d'Etat, ministre de l'économie des finances et du budget est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : Section
Numéro d'arrêt : 104544
Date de la décision : 28/02/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES - JUGEMENT DES COMPTES - (1) Existence d'un déficit - Régularisation par l'émission de mandats au bénéfice du comptable - Absence - (2) - RJ1 Déficit constaté dans la caisse du régisseur - Responsabilité du comptable - Etendue (1).

18-01-04(1) La circonstance que des mandats aient été émis au bénéfice du comptable à la suite de la remise gracieuse accordée au régisseur n'est pas de nature à faire disparaître le déficit constaté. Ces mandats ne pouvant être regardés comme le reversement des sommes manquantes sont sans incidence sur la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable.

- RJ1 COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES - JUGEMENT DES COMPTES - COUR DES COMPTES - Pouvoirs respectifs de la Cour des comptes et du ministre de l'économie et des finances - Possibilité pour le ministre d'accorder la décharge ou la remise gracieuse après la mise en débet du comptable par la Cour des comptes - Existence (1).

18-01-04(2) Il résulte des dispositions de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 que tout déficit ou manquant en deniers constaté dans la caisse du régisseur engage en principe la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable assignataire, responsabilité qui s'étend notamment aux opérations des régisseurs. Est sans incidence sur la responsabilité du comptable la circonstance que le ministre aurait accordé une remise gracieuse au régisseur sur le fondement de l'article 11 du décret du 15 novembre 1966 dès lors qu'il ne s'est pas prononcé expressément sur la situation corrélative du comptable.

18-01-04-01 Le ministre de l'économie et des finances peut accorder la décharge ou la remise gracieuse des sommes laissées à la charge du comptable même après l'intervention de l'arrêt de la Cour des comptes prononçant la mise en débet du comptable. L'arrêt de la Cour des comptes ne peut donc être regardé comme portant atteinte aux pouvoirs que le ministre tient des articles 5 et 7 du décret du 29 septembre 1964 d'accorder la décharge ou la remise gracieuse.


Références :

Décret 64-1022 du 29 septembre 1964 art. 5, art. 7
Décret 66-850 du 15 novembre 1966 art. 13, art. 11, art. 12
Loi 63-156 du 23 février 1963 art. 60

1.

Cf. Assemblée, 1981-11-20, Ministre du budget c/ Rispail et autres, p. 434


Publications
Proposition de citation : CE, 28 fév. 1997, n° 104544
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Gentot
Rapporteur ?: Mlle de Silva
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:104544.19970228
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