Vu, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 21 novembre 1995, l'ordonnance en date du 21 novembre 1995 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris transmet au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le dossier de la requête dont cette juridiction a été saisie pour M. Y... Prakash KIRAN demeurant ... ;
Vu la requête sommaire présentée le 15 novembre 1995 à la cour administrative, ladite requête enregistrée sous le n° 95PA03737 et le mémoire complémentaire enregistré le 28 décembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat et présenté pour M. X... à l'appui de son pourvoi n° 175178 ; M. X... demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) l'annulation du jugement en date du 16 octobre 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 12 septembre 1995, décidant sa reconduite à la frontière ;
2°) l'annulation pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 23 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les observations de Me Choucroy, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que M. X..., de nationalité indienne, soutient sans être sérieusement contredit qu'il vit en France depuis 1979, exception faite de la période allant de novembre 1993 à septembre 1994 au cours de laquelle il a dû se rendre en Inde pour des raisons familiales graves et a été contraint de prolonger son séjour pour des raisons tenant au fonctionnement de l'administration sur place ; que son épouse réside régulièrement en France où elle est venue le rejoindre en 1982 ; que les époux X... ont trois enfants dont deux sont nés sur le territoire français respectivement le 8 mars 1983 et le 1er mars 1984 ; que leurs enfants sont régulièrement scolarisés en France et que l'état de santé de leur plus jeune fils, qui souffre d'une maladie chronique, nécessite un suivi médical spécialisé et régulier en milieu hospitalier et la présence de son père ; que, dans les circonstances de l'affaire, eu égard notamment à la durée du séjour de M. X... sur le territoire français et à l'intérêt de sa présence pour sa famille résidant en France, la mesure de reconduite prise à l'encontre de l'intéressé porte au droit de celui-ci au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été décidée cette mesure ; qu'elle a donc été édictée en méconnaissance des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, le jugement attaqué, lequel a été régulièrement rendu, a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 12 septembre 1995 par lequel le préfet de police de Paris a décidé sa reconduite à la frontière ;
Article 1er : Le jugement rendu le 16 octobre 1995 par le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris, ensemble l'arrêté du 12 septembre 1995 prononçant la reconduite à la frontière de M. X..., sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Y... Prakash KIRAN, au préfet de police et au ministre de l'intérieur.