Vu la requête enregistrée à la cour administrative d'appel de Nantes le 2 novembre 1989, renvoyée au Conseil d'Etat, par ordonnance du président de la Cour, en date du 6 novembre 1989, et enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 14 novembre 1989, présentée pour M. Archange Y..., demeurant à Poggiolo (Corse du Sud) ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement, en date du 11 juillet 1989, par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du ministre de l'intérieur du 5 mai 1980 le réintégrant et le mettant à la retraite pour limite d'âge, d'autre part, de la décision du ministre de l'intérieur, du 25 août 1980, rejetant ses demandes d'indemnité et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 600 000 F ;
2°) d'annuler les décisions attaquées ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 600 000 F avec intérêts et capitalisation de ces derniers ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Thiellay, Auditeur,
- les observations de Me Delvolvé, avocat de M. Y...,
- les conclusions de Mme Pécresse, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une décision en date du 23 novembre 1979, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé, pour vice de forme, la décision du ministre de l'intérieur, en date du 6 février 1974, mettant M. Y..., inspecteur principal de police, à la retraite d'office ; qu'à la suite de cette annulation, le ministre de l'intérieur a, par un arrêté en date du 5 mai 1980, réintégré, à compter du 1er mars 1974, M. Y... au grade et à l'échelon qu'il détenait au moment de son éviction et l'a admis à faire valoir, pour limite d'âge, ses droits à la retraite, à compter du 8 mars 1979 ;
Sur les moyens relatifs à la légalité externe de l'arrêté du 5 mai 1980 :
Considérant que, contrairement à ce qu'affirme le requérant, M. X..., directeur du personnel et des écoles du ministère de l'intérieur, avait reçu délégation, régulièrement publiée au Journal officiel de la République française du 8 juin 1978, pour signer les décisions portant réintégration et mise à la retraite de fonctionnaires relevant de ce ministère ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée ne peut qu'être écarté ; que l'absence, dans les visas de l'arrêté attaqué, de la mention de cette délégation de signature est sans incidence sur sa régularité ;
Considérant qu'eu égard au caractère nécessairement rétroactif des mesures susceptibles d'intervenir pour reconstituer la carrière d'un fonctionnaire dont l'éviction a été annulée par le juge administratif, l'administration est tenue d'appliquer la législation et la réglementation en vigueur à la date à laquelle de telles mesures seraient appelées à prendre effet et après accomplissement des procédures alors prescrites par ces législation et réglementation ;
Considérant, toutefois, que lorsque la reconstitution de carrière est soumise à l'avis d'un organisme consultatif de caractère permanent dont les membres ont changé, il appartient à l'administration de saisir de l'affaire l'organisme consultatif qui, au moment où il y a lieu de procéder à l'examen de la situation du fonctionnaire, est compétent pour se prononcer sur des mesures de même nature ne présentant pas un caractère rétroactif ; que, dans les cas où les règles de composition de l'organisme consultatif initialement saisi ont été modifiées, il appartient également à l'administration de saisir l'organisme consultatif dans sa nouvelle composition si celle-ci présente des garanties équivalentes pour les intéressés ;
Considérant que, dans ces conditions, l'administration n'a pas commis d'irrégularité en consultant la commission administrative paritaire compétente dans la composition qui était la sienne en 1980 ;
Considérant que la décision attaquée se borne à réintégrer rétroactivement M. Y... dans ses fonctions et à prononcer sa mise à la retraite à la date à laquelle il a atteint la limite d'âge de son grade ; que cette mesure n'a pas le caractère d'une sanction disciplinaire ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'absence d'audition de M. Y... par la commission administrative paritaire doit être écarté ; que cette décision, prise après examen de la vocation de l'intéressé à recevoir un avancement de grade entre 1974 et 1979, n'avait pas, en raison de son objet, à être précédée de la communication de son dossier ;
Considérant enfin que la décision attaquée n'est pas au nombre de celles qui, au regard de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, doivent être motivées ;
Sur les moyens relatifs à la légalité interne de l'arrêté attaqué :
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en suivant la commission administrative paritaire, qui a donné un avis défavorable à l'inscription de M. Y... aux tableaux d'avancement d'inspecteur divisionnaire relatifs aux années 1975, 1976, 1977, 1978 et 1979 et, par suite, en ne procédant pas à la promotion de l'intéressé au grade supérieur, le ministre ait commis, dans les circonstances de l'affaire, une erreur de droit ou une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant que si, à la suite de l'annulation susmentionnée, l'administration a réintégré l'intéressé, elle n'était pas tenue, en revanche, comme il a été précisé ci-dessus, de le promouvoir au grade supérieur ; qu'elle ne pouvait, en l'absence de service fait, lui verser un traitement pour la période allant du 1er mars 1974 au 8 mars 1979 et que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la gravité des faits, elle n'était pas tenue de lui verser une indemnité en raison du vice de forme ayant entaché d'illégalité la sanction dont M. Y... avait fait l'objet le 6 février 1974 ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'administration n'aurait pas tiré toutes les conséquences de la décision du Conseil d'Etat en date du 23 novembre 1979 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. Y... dirigées contre l'arrêté du 5 mai 1980 ainsi que ses conclusions à fin d'indemnisation doivent être rejetées ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Archange Y... et au ministre de l'intérieur.