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31/01/1997 | FRANCE | N°165553

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 31 janvier 1997, 165553


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 février 1995 et 15 juin 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société COMPTOIRS MODERNES Z..., dont le siège est ... ; la société COMPTOIRS MODERNES Z... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 15 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Limoges a, sur la demande de Mlle Jocelyne X..., annulé la décision du 10 novembre 1992 du ministre du travail, confirmant la décision du 15 mai 1992 de l'inspecteur du travail de Châteauroux, l'autorisan

t à licencier Mlle X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Ml...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 février 1995 et 15 juin 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société COMPTOIRS MODERNES Z..., dont le siège est ... ; la société COMPTOIRS MODERNES Z... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 15 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Limoges a, sur la demande de Mlle Jocelyne X..., annulé la décision du 10 novembre 1992 du ministre du travail, confirmant la décision du 15 mai 1992 de l'inspecteur du travail de Châteauroux, l'autorisant à licencier Mlle X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Limoges ;
3°) de condamner Mlle X... à lui payer une somme de 11 860 F, en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Musitelli, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société COMPTOIRS MODERNES Z...,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 425-1 du code du travail, les délégués du personnel, titulaires et suppléants, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi, et, le cas échéant, au ministre du travail, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant que, par une décision du 15 mai 1992, l'inspecteur du travail de Châteauroux a autorisé la société COMPTOIRS MODERNES Z... à licencier pour faute Mlle Jocelyne X..., qui exerçait dans cette société les fonctions de chef-caissière et détenait un mandat de délégué du personnel suppléant ; que, par une décision du 10 novembre 1992, le ministre du travail a confirmé cette autorisation ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé ces deux décisions ;
Considérant que Mlle X... avait, notamment, pour tâche de calculer chaque matin, avant l'ouverture du magasin, la recette de la veille, de faire un rapprochement avec le contenu du coffre et de procéder à la saisie informatique de l'état quotidien de la caisse centrale ; qu'il ressort des pièces du dossier que, le 11 janvier 1992, avant l'arrivée des employés, la directrice du magasin a, en présence de témoins, ajouté deux billets de cinquante francs lui appartenant dans une sacoche contenant la recette de la veille afin de mettre à l'épreuve la probité de Mlle X... ; que bien qu'elle ait constaté un excédent de caisse de cent francs, celle-ci s'est abstenue de le signaler à la direction et a placé cette somme dans le tiroir de son bureau ;qu'interrogée par la directrice sur l'existence d'une erreur de caisse, elle a immédiatement reconnu qu'il y avait un excédent et a restitué la somme qu'elle avait dissimulée ; qu'un tel fait était constitutif d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de Mlle X... ; que le fait que l'employeur ait usé du procédé ci-dessus décrit pour tester son comportement n'est pas susceptible, dans les circonstances de l'espèce, à faire obstacle à son licenciement, eu égard à la nature des fonctions qu'elle exerçait et au fait qu'elle n'ignorait pas que sa caisse pouvait faire l'objet, à son insu, de contrôles de la part de la direction de la société ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges s'est fondé sur ce que la faute commise par Mlle X... n'était pas d'une gravité suffisante pour annuler la décision du ministre du travail autorisant la société COMPTOIRS MODERNES Z... à la licencier ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle X... devant le tribunal administratif ;
Considérant, en premier lieu, que, ni le fait que le comité d'entreprise a été consulté après l'expiration du délai fixé par l'article R. 436-8 du code du travail, ni celui que l'inspecteur du travail a statué après l'expiration du délai prévu par l'article R. 436-4 du même code, ne sont de nature à entacher d'illégalité la procédure de licenciement ;
Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée n'est pas fondé ;
Considérant, en troisième lieu, que cette décision était suffisamment motivée quant à l'absence de caractère discriminatoire de la mesure de licenciement ;
Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que le licenciement de Mlle X... est sans rapport avec l'exercice de ses fonctions représentatives ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société COMPTOIRS MODERNES Z... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du 10 novembre 1992 du ministre du travail qui l'a autorisée à licencier Mlle X... ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la société COMPTOIRS MODERNES Z..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à Y... David la somme qu'elle demande, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner Mlle X... à payer à la société COMPTOIRS MODERNES Z... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 15 décembre 1994 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle Jocelyne X... devant le tribunal administratif de Limoges est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société COMPTOIRS MODERNES Z... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mlle X... au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société COMPTOIRS MODERNES MAJORUNIDIS, à Mlle Jocelyne X... et au ministre du travail et des affaires sociales.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 165553
Date de la décision : 31/01/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-01-04-02-01 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - LICENCIEMENT POUR FAUTE - EXISTENCE D'UNE FAUTE D'UNE GRAVITE SUFFISANTE -Appréhension d'excédents de caisse par la chef-caissière d'un magasin, nonobstant le fait que ces agissements ont été révélés par un stratagème de l'employeur.

66-07-01-04-02-01 Chef-caissière d'un magasin, chargée de calculer chaque matin la recette de la veille, de faire un rapprochement avec le contenu du coffre et de procéder à la saisie informatique de l'état quotidien de la caisse centrale, s'étant abstenue, après avoir constaté un excédent de caisse; de le signaler à la direction et ayant placé cette somme dans le tiroir de son bureau. Un tel comportement est constitutif d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement. Le fait que l'employeur ait sciemment introduit les sommes en question dans la recette de la veille afin de tester le comportement de l'intéressée et de la confondre n'est pas susceptible, dans les circonstances de l'espèce, de faire obstacle à son licenciement, eu égard à la nature des fonctions qu'elle exerçait et au fait qu'elle n'ignorait pas que sa caisse pouvait faire l'objet, à son insu, de contrôle de la part de l'employeur.


Références :

Code du travail L425-1, R436-8, R436-4
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 31 jan. 1997, n° 165553
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: M. Musitelli
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:165553.19970131
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