Vu la requête, enregistrée le 7 juin 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Michel Bussy, agissant comme représentant légal de la Caisse d'épargne Rhône Alpes Lyon dont le siège est ... ; la Caisse d'épargne Rhône Alpes Lyon demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir :
1°) la décision en date du 15 juillet 1993, par laquelle la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a refusé de délivrer récépissé de la déclaration déposée par la Caisse d'épargne Rhône Alpes Lyon le 25 juin 1993 ;
2°) la décision née du silence gardé pendant plus de quatre mois par ladite commission suite au dépôt d'une nouvelle déclaration transmise à la commission le 7 décembre 1993 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Pêcheur, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;
Sur la compétence du Conseil d'Etat :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 30 septembre 1953 : "Le Conseil d'Etat reste compétent pour connaître en premier et dernier ressort : ... 6°- Des recours en annulation dirigés contre les décisions administratives des organismes collégiaux à compétence nationale" ... ; que la Caisse d'épargne Rhône Alpes Lyon demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision en date du 15 juillet 1993 par laquelle la Commission nationale de l'informatique et des libertés a refusé de lui délivrer le récépissé de la déclaration qu'elle avait déposée le 25 juin 1993, en application de l'article 16 de la loi susvisée du 6 janvier 1978, en vue de la mise en oeuvre d'un traitement automatisé d'informations nominatives, d'autre part, la décision née du silence gardé pendant plus de quatre mois par ladite commission comme suite au dépôt d'une nouvelle déclaration transmise à la commission le 7 décembre 1993 ; que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, en premier et dernier ressort, de la demande d'annulation dirigée contre la décision en date du 15 juillet 1993, laquelle émane d'un organisme collégial à compétence nationale et qu'il est, par suite, également compétent pour connaître des conclusions connexes dirigées contre la décision implicite rejetant la nouvelle déclaration de la Caisse d'épargne Rhône Alpes Lyon, déposée auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés le 7 décembre 1993 ; que celle-ci n'est pas fondée à soutenir que l'affaire devrait être attribuée au tribunal administratif de Paris ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés :
Considérant que le moyen présenté au soutien de cette fin de non-recevoir, et tiré de ce que M. Michel Bussy, président du directoire, n'aurait pas produit le mandat l'habilitant à représenter la Caisse d'épargne Rhône Alpes Lyon dans le présent litige manque en fait ; que, dès lors, la Commission nationale de l'informatique et des libertés n'est pas fondée à soutenir que la requête présentée pour la Caisse d'épargne Rhône Alpes Lyon serait irrecevable ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la loi susvisée du 6 janvier 1978 : "Les traitements automatisés d'informations nominatives effectués pour le compte de personnes autres que celles qui sont soumises aux dispositions de l'article 15 doivent, préalablement à leur mise en oeuvre, faire l'objet d'une déclaration auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Cette déclaration comporte l'engagement que le traitement satisfait aux exigences de la loi. Dès qu'il a reçu le récépissé délivré sans délai par la commission, le demandeur peut mettre en oeuvre le traitement. Il n'est exonéré d'aucune de ses responsabilités" ; qu'aux termes de l'article 19 de la même loi : "La demande d'avis ou la déclaration doit préciser : - la personne qui présente la demande et celle qui a pouvoir de décider la création du traitement ou, si elle réside à l'étranger, son représentant en France ; - les caractéristiques, la finalité et, s'il y a lieu, la dénomination du traitement ; - le service ou les services chargés de mettre en oeuvre celui-ci ; - le service auprès duquel s'exerce le droit d'accès défini au chapitre V ci-dessous ainsi que les mesures prises pour faciliter l'exercice de ce droit ; - les catégories de personnes qui, à raison de leurs fonctions ou pour les besoins du service, ont directement accès aux informations enregistrées ; - les informations nominatives traitées, leur origine et la durée de leur conservation ainsi que leurs destinataires ou catégories de destinataires habilités à recevoir communication de ces informations ; - les rapprochements, interconnexions ou tout autre forme de mise en relation de ces informations ainsi que leur cession à des tiers ; - les dispositions prises pour assurer la sécurité des traitements et des informations et la garantie des secrets protégés par la loi ... Toute modification aux mentions énumérées ci-dessus, ou toute suppression de traitement, est portée à la connaissance de la commission ..." ;
Considérant que la Caisse d'épargne Rhône Alpes Lyon a déposé, en application de l'article 16 précité, à deux reprises, une déclaration relative à la constitution d'un fichier informatisé, en vue d'offrir un livret d'épargne aux enfants dès leur naissance ;
Considérant que, s'il appartient à la Commission nationale de l'informatique et des libertés de s'assurer de la régularité de la déclaration effectuée auprès d'elle au regard des prescriptions des articles 16 et 19 précités, et notamment de ce que les précisions exigées par l'article 19 figurent dans la déclaration, il résulte des termes mêmes de l'article 16 que la commission ou son président ne peut refuser de délivrer récépissé du dépôt de déclaration, dès lors que le dossier présenté comporte bien l'engagement prévu à l'article 16 précité et est conforme aux prescriptions de l'article 19 précité ; que par suite, la Caisse d'épargne Rhône Alpes Lyon est fondée à soutenir que les décisions attaquées refusant de lui délivrer récépissé, lesquelles n'étaient pas motivées par l'absence soit de l'engagement susmentionné, soit de l'un des éléments énumérés à l'article 19, sont entachées d'illégalité ;
Article 1er : La décision de la Commission nationale de l'informatique et des libertés en date du 15 juillet 1993 et la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés sur la demande qui lui avait été adressée le 7 décembre 1993 sont annulées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Caisse d'épargne Rhône Alpes Lyon, au Premier ministre, au garde des sceaux, ministre de la justice et au président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.