La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/12/1996 | FRANCE | N°171012

France | France, Conseil d'État, 4 ss, 30 décembre 1996, 171012


Vu la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 13 juillet 1995, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ; le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 10 juin 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 23 mai 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Mimouna X... Veuve Y... de nationalité algérienne ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du d

ossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde de droits de l'homme et d...

Vu la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 13 juillet 1995, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ; le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 10 juin 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 23 mai 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Mimouna X... Veuve Y... de nationalité algérienne ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord entre la France et l'Algérie en date du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France de ressortissants algériens et de leur famille ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Desrameaux, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 7 bis de l'accord francoalgérien du 27 décembre 1968 modifié : "Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit : b) ( ...) aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y..., entrée en France en juillet 1994 munie d'un visa de tourisme d'une durée de 30 jours et accompagnée de deux de ses enfants mineurs, a présenté le 16 septembre 1994 une demande d'autorisation de séjour en qualité d'ascendant de conjoint de français sur le fondement des dispositions précitées de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a rejeté ladite demande par un arrêté du 28 mars 1995, notifié à l'intéressée le 5 avril 1995 ainsi qu'une invitation à quitter le territoire dans un délai d'un mois ; qu'après rejet du recours gracieux de l'intéressée, et faute pour Mme Y... d'avoir déféré à l'invitation susmentionnée dans le délai imparti, le préfet a pris à son encontre l'arrêté contesté en date du 23 mai 1995 ordonnant qu'elle soit reconduite à la frontière ;
Considérant, d'une part, qu'en estimant qu'il lui appartenait d'apprécier, pour reconnaître à Mme Y... le bénéfice de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 28 décembre 1968 modifié, si les ressources dont justifiaient le fils de la requérante, résidant régulièrement en France, et son conjoint de nationalité française étaient suffisantes pour leur permettre de prendre en charge l'intéressée et deux de ses enfants mineurs, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a fait légalement application des stipulations précitées et n'a, par suite, pas entaché d'une erreur de droit son arrêté du 28 mars 1995 rejetant la demande de titre de séjour présentée par Mme Y... ;
Considérant, d'autre part, que si le préfet a estimé que les ressources dont justifiaient le fils de Mme Y... et son conjoint, qui ont eux-mêmes un enfant à charge, n'étaient pas suffisantes pour leur permettre de subvenir aux besoins de Mme Y... et de deux de ses enfants mineurs encore à charge, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'auteur de l'arrêté susmentionné du 28 mars 1995 aurait fondé cette décision sur des faits matériellement inexacts ou aurait entaché une telle appréciation d'une erreur manifeste ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur l'illégalité, invoquée par la voie de l'exception, de l'arrêté préfectoral du 28 mars 1995 portant refus de séjour pour annuler l'arrêté contesté du 23 mai 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y... ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme Y... devant le tribunal administratif de Toulouse ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1°- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que Mme Y... n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie, dès lors que quatre de ses huit enfants y résident ; que, si l'intéressée fait valoir que ses deux enfants mineurs arrivés avec elle en 1994 résident et sont scolarisés en France, une telle circonstance n'est pas de nature à établir qu'elle serait dans l'impossibilité d'emmener ses enfants avec elle ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée du séjour de Mme Y... en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE du 23 mai 1995 n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté en date du 23 mai 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y... ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse en date du 10 juin 1995 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de l'arrêté du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE du 23 mai 1995 ordonnant sa reconduite à la frontière est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA HAUTE-GARONNE, à Mme Mimouna Y... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 4 ss
Numéro d'arrêt : 171012
Date de la décision : 30/12/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Accord du 27 décembre 1968 France Algérie art. 7 bis
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 1996, n° 171012
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Desrameaux
Rapporteur public ?: Mme Roul

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:171012.19961230
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award