Vu 1°) sous le n° 163746, la requête enregistrée le 29 décembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Charles X..., demeurant au Moulin de Veyrial, à Brousse (63490) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 8 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 8 avril 1994 de l'inspecteur du travail refusant à la société anonyme "Clinique des Cezeaux" l'autorisation de le licencier ;
2°) rejette la demande présentée par la société anonyme Clinique des Cezeaux devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Vu 2°) sous le n° 164 472, le recours du MINISTRE DU TRAVAIL enregistré le 18 janvier 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DU TRAVAIL demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 8 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 8 avril 1994 de l'inspecteur du travail refusant à la société anonyme "Clinique des Cezeaux" l'autorisation de licencier M. Charles X... ;
2°) rejette la demande présentée par la société anonyme Clinique des Cezeaux devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Struillou, Auditeur,
- les observations de Me Blanc, avocat de la société anonyme "Clinique des Cezeaux",
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête de M. X... et le recours du MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-24-4 du code du travail : " ... si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail" ; qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des représentants du personnel, qui bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent d'une protection exceptionnelle, est subordonnée à une autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'inspecteur du travail, saisi du cas d'un salarié protégé reconnu inapte à son emploi, doit vérifier, dans les conditions prévues par l'article L. 122-24-4 précité et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, des caractéristiques de l'emploi exercé par le salarié à la date à laquelle son inaptitude est constatée et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise, notamment par des mutations ou transformations de postes de travail ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par deux avis des 3 et 17 janvier 1994 du médecin du travail, M. X..., a été déclaré inapte au poste de brancardierqu'il occupait au sein de la société anonyme "Clinique des Cezeaux "; que le médecin a constaté que l'intéressé n'était apte à exercer qu'"un poste de travail assis-debout sans monter d'étage à pied et sans porter plus de 10 kg" ; que, saisi par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement de M. X..., l'inspecteur du travail de Clermont-Ferrand l'a rejetée par une décision du 8 avril 1994 ; que, pour annuler cette décision, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a estimé que, en l'absence de toute contestation par l'employeur de l'appréciation émise par le médecin du travail sur l'état de santé de M. X... ou sur la nature des postes que cet état de santé pouvait lui permettre d'occuper, l'inspecteur du travail n'était pas compétent pour faire application des dispositions de l'article L. 241-10-1 du code du travail, en vertu desquelles, en cas de désaccord ou de difficulté sur les propositions individuelles formulées par le médecin du travail et justifiées par l'état de santé du salarié, la décision est prise par l'inspecteur du travail après avis du médecin-inspecteur du travail ;
Considérant que M. X..., qui détenait les mandats de délégué du personnel, de membre du comité d'entreprise, et de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et avait, en outre, été élu conseiller prud'homme, bénéficiait de la protection accordée par le code du travail en faveur des représentants du personnel en cas de licenciement ; que la demande de son employeur tendant à ce que soit autorisée la rupture de son contrat de travail du fait de son inaptitude physique, devait être regardée comme une demande d'autorisation de licenciement ; qu'il suit de là que, comme il a été dit ci-dessus, l'inspecteur du travail était bien compétent, même en l'absence de toute contestation de l'état de santé de M. X..., pour apprécier si l'inaptitude de ce dernier était de nature à justifier son licenciement et si l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement, notamment au regard des dispositions de l'article L. 122-24-4 précité ; que c'est donc à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le motif ci-dessus rappelé pour annuler la décision du 8 avril 1994 de l'inspecteur du travail ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société anonyme "Clinique des Cezeaux" devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société anonyme "Clinique des Cezeaux" n'a pas sérieusement recherché si M. X... pouvait être affecté à une autre tâche que celle de brancardier au sein de l'entreprise, notamment par transformation de postes de travail ; que, dès lors, l'inspecteur du travail était tenu, pour ce seul motif, de refuser l'autorisation sollicitée ; que, par suite, les moyens critiquant le second motif retenu par l'inspecteur du travail sont inopérants ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... et le ministre du travail sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 8 avril 1994 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 novembre 1994 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société anonyme "Clinique des Cezeaux" devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au ministre du travail et des affaires sociales et à la société anonyme "Clinique des Cezeaux".