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27/11/1996 | FRANCE | N°170941

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 27 novembre 1996, 170941


Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme Elias X... demeurant ... ; M. et Mme X... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 21 mars 1995 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en tant que celui-ci a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du recteur de l'académie de Clermont-Ferrand, en date du 26 janvier 1995, confirmant l'exclusion de leur fille Ensieh prononcée par le conseil de discipline du collège Albert Camus (Clermont-Ferrand) le 16 décembre

1994 ;
2°) d'annuler ladite décision ;
3°) de condamner l'Et...

Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme Elias X... demeurant ... ; M. et Mme X... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 21 mars 1995 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en tant que celui-ci a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du recteur de l'académie de Clermont-Ferrand, en date du 26 janvier 1995, confirmant l'exclusion de leur fille Ensieh prononcée par le conseil de discipline du collège Albert Camus (Clermont-Ferrand) le 16 décembre 1994 ;
2°) d'annuler ladite décision ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation ;
Vu le décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d'enseignement ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Japiot, Auditeur,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le foulard par lequel Mlle Ensieh X... entendait exprimer ses convictions religieuses ne saurait être regardé comme un signe présentant par sa nature un caractère ostentatoire ou revendicatif, et dont le port constituerait dans tous les cas un acte de pression ou de prosélytisme ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mlle X... l'aurait porté dans des conditions conférant à ce port le caractère d'un tel acte ; qu'ainsi, c'est à tort que le recteur de l'académie de Clermont-Ferrand s'est fondé sur le motif tiré de ce port pour confirmer l'exclusion de Mlle X... du collège Albert Camus (Clermont-Ferrand) ;
Considérant, il est vrai, que le recteur, puis le ministre ont soutenu en défense devant le juge administratif que Mlle X... aurait manqué à l'obligation d'assiduité et porté son foulard dans des conditions susceptibles de menacer sa sécurité et celles des élèves de sa classe ; que ces motifs sont de la nature de ceux qui auraient pu être invoqués pour fonder légalement une décision d'exclusion ; qu'ils ne sauraient toutefois rendre légale la décision du recteur, qui a été prise sur la base d'un autre motif, lequel ainsi qu'il a été dit ci-dessus, est erroné ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme X... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du recteur de l'académie de Clermont-Ferrand confirmant l'exclusion de leur fille Ensieh ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. et Mme X... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement en date du 21 mars 1995 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. et Mme X... tendant à l'annulation de la décision du recteur de l'académie de Clermont-Ferrand, en date du 26 janvier 1995, confirmant l'exclusion de leur fille Ensieh prononcée par le conseil de discipline du collège Albert Camus (Clermont-Ferrand) le 16 décembre 1994.
Article 2 : La décision du recteur de l'académie de Clermont-Ferrand, en date du 26 janvier 1995, confirmant l'exclusion de leur fille Ensieh prononcée par le conseil de discipline du collège Albert Camus (Clermont-Ferrand) le 16 décembre 1994, est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme X... la somme de 10 000 F au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Elias X... et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 170941
Date de la décision : 27/11/1996
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 ENSEIGNEMENT - QUESTIONS GENERALES - QUESTIONS GENERALES CONCERNANT LES ELEVES - Principe de laïcité et de neutralité de l'enseignement public - Port par les élèves de signes d'appartenance religieuse - Elève exclue au motif que le port d'un foulard présentait le caractère d'un acte de pression ou de prosélytisme religieux - Motif erroné - Administration ne pouvant invoquer utilement devant le juge d'autres motifs d'exclusion (1).

30-01-03, 54-07-01-06 Elève exclue d'un établissement d'enseignement secondaire au motif, dont le bien-fondé ne ressort pas des pièces du dossier, que le port d'un foulard présentait en l'espèce le caractère d'un acte de pression ou de prosélytisme religieux. Si l'administration a soutenu devant le juge que l'intéressée aurait manqué à l'obligation d'assiduité et porté son foulard dans des conditions de nature à menacer sa sécurité et celle des élèves de sa classe, ces motifs, qui sont de la nature de ceux qui auraient pu fonder légalement une décision d'exclusion, ne sauraient en tout état de cause rendre légale la décision attaquée qui a été prise sur la base d'un autre motif (1). Annulation.

- RJ1 PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - SUBSTITUTION DE MOTIFS - Substitution impossible - Elève exclue au motif que le port d'un foulard présentait le caractère d'un acte de pression ou de prosélytisme religieux - Motif erroné - Administration ne pouvant invoquer utilement devant le juge d'autres motifs d'exclusion (1).


Références :

Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1.

Cf. Section 1976-07-23, Ministre du travail c / Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Jura, p. 362


Publications
Proposition de citation : CE, 27 nov. 1996, n° 170941
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Japiot
Rapporteur public ?: M. Schwartz

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:170941.19961127
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