Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet 1994 et 16 août 1994 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL Entreprise générale d'électricité Noël Béranger, dont le siège social est ... ; la SARL Entreprise générale d'électricité Noël Béranger demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 15 juillet 1994 par laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, en application de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à ce qu'il suspende la procédure de passation du contrat conclu par l'Office public d'aménagement et de construction "Habitat Marseille Provence" en vue de procéder à l'aménagement des espaces intérieurs de son nouveau siège social, et qu'il ordonne à l'office public de se conformer à ses obligations légales et de suspendre l'exécution de toute décision se rapportant au contrat précité ;
2°) de condamner l'office public d'aménagement et de construction "Habitat Marseille Provence" à lui verser la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Lesquen, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Tiffreau, Thouin-Palat, avocat de la SARL Entreprise générale d'électricité Noël Béranger,
- les conclusions de M. Chantepy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 153-1 du même code : "Sauf dans les cas mentionnés au premier alinéa de l'article L. 9 et à l'article R. 149, lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent présenter leurs observations" ; qu'aux termes de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Le président du tribunal administratif, ou son délégué, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public ( ...) Le président ... peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ( ...) Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés" ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à l'application des dispositions de l'article R. 153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à la procédure prévue par l'article L. 22 de ce code ; que, par suite, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Marseille était tenu d'informer les parties avant la séance des moyens d'ordre public sur lesquels sa décision lui paraissait susceptible d'être fondée ; qu'il ressort des pièces du dossier qui lui a été soumis qu'il a rejeté, par une ordonnance du 15 juillet 1994, la demande de la SARL Entreprise générale d'électricité Noël Béranger formée sur le fondement de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en se fondant sur un moyen soulevé d'office sans en avoir préalablement informé les parties ; que, dès lors, son ordonnance en date du 15 juillet 1994 est entachée d'une irrégularité ; que, par suite, la SARL Entreprise générale d'électricité Noël Béranger est fondée à en demander l'annulation ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision de la juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 241-21 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Toute personne habilitée à introduire un recours dans les conditions prévues par l'article L. 22 doit, si elle entend engager une telle action, demander préalablement à la personne morale tenue aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des contrats et marchés mentionnés audit article de s'y conformer" ;
Considérant que la SARL Entreprise générale d'électricité Noël Béranger a présenté un recours tendant à ce que, sur le fondement de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le juge suspende la procédure de passation du marché que l'office public d'aménagement et de construction "Habitat Marseille Provence" se proposait de conclure en vue de l'aménagement des espaces intérieurs de son nouveau siège social, ordonne à l'office public de se conformer à ses obligations légales et suspende toutes décisions se rapportant à la passation du contrat ; qu'il ressort des pièces du dossier que la lettre du 2 juin 1994 par laquelle la société requérante a demandé au directeur général de l'office public de lui fournir les motifs détaillés ayant conduit au rejet de son offre ne contient aucune demande tendant à ce que l'office se conforme aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation du contrat en cause ; que, par ailleurs, les deux lettres du 2 juin 1994 qui n'ont pas été adressées à l'office public responsable du marché mais respectivement au directeur régional de la concurrence et de la consommation et au préfet des Bouches-du-Rhône ne peuvent constituer le recours préalable prévu à l'article R. 241-21 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que, par suite, le recours formé par la SARL Entreprise générale d'électricité Noël Béranger en application des dispositions de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est irrecevable et doit, par suite, être rejeté ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'office public d'aménagement et de construction "Habitat Marseille Provence", qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SARL Entreprise générale d'électricité Noël Béranger la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'ordonnance du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Marseille en date du 15 juillet 1994 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la SARL Entreprise générale d'électricité Noël Béranger devant le président du tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SARL Entreprise générale d'électricité Noël Béranger, à l'office public d'aménagement de construction "Habitat Marseille Provence" et au ministre de l'intérieur.