Vu la requête, enregistrée le 26 mai 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Fabrice X..., demeurant ... ; M. X... demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 13 mars 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 10 mars 1995 par lequel le préfet de police a décidé la reconduite à la frontière de M. Fabrice X... ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire au-delà d'un mois suivant l'expiration de ce titre" ; que, d'autre part, selon les dispositions de l'article 3 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers, modifié par l'article 1er du décret n° 90-583 du 9 juillet 1990, l'étranger qui séjourne déjà en France doit présenter sa demande de titre de séjour : 4° Dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... bénéficiait d'un titre de séjour temporaire dont la validité expirait le 25 novembre 1993 ; qu'il n'en a pas sollicité le renouvellement ; qu'ainsi les deux conditions posées par les dispositions de l'article 22-4° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée précitées se trouvaient remplies ;
Mais considérant que M. X..., de nationalité malgache, entré en France en 1983 à l'âge de 9 ans fait valoir qu'il a été abandonné par sa famille et qu'il n'a plus aucune attache dans son pays d'origine ; qu'il a été recueilli par sa tante qui avait obtenu du tribunal pour enfants de Paris une ordonnance du 4 septembre 1985 lui confiant la garde du jeune homme ; que dans ces conditions, en décidant par l'arrêté attaqué la reconduite à la frontière de M. X..., le préfet de police a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris ; qu'il a donc méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête et à demander l'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de verser à M. X... 2 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 13 mars 1995 et la décision du préfet de police en date du 10 mars 1995 sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X... la somme de 2 000 F au titre des frais irrépétibles.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Fabrice X..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.