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10/07/1996 | FRANCE | N°132918

France | France, Conseil d'État, 7 /10 ssr, 10 juillet 1996, 132918


Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Andrée Z..., M. Pierre-Jack Z... et Mlle Agnès Z..., demeurant ... ; les requérants demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 5 novembre 1991 en tant que la Cour, saisie d'un appel formé contre un jugement du tribunal administratif de Paris en date du 24 mars 1988, les a condamnés à payer une indemnité de 516 201,48 F au Syndicat intercommunal à vocation multiple des Essarts-le-Roi, Le Perray et envi

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Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Andrée Z..., M. Pierre-Jack Z... et Mlle Agnès Z..., demeurant ... ; les requérants demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 5 novembre 1991 en tant que la Cour, saisie d'un appel formé contre un jugement du tribunal administratif de Paris en date du 24 mars 1988, les a condamnés à payer une indemnité de 516 201,48 F au Syndicat intercommunal à vocation multiple des Essarts-le-Roi, Le Perray et environs en réparation des conséquences des désordres ayant affecté une piscine construite par cet établissement public sur le territoire de la commune des Essarts-le-Roi et a rejeté leurs conclusions tendant à ce que la Société d'études et de réalisations industrielles Renault-Ingénierie fût condamnée à les garantir à concurrence du montant des condamnations prononcées à leur encontre ;
2°) de renvoyer l'affaire, dans les limites mentionnées ci-dessus, devant une cour administrative d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Lesquen, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Roger, avocat des CONSORTS Z..., de Me Parmentier, avocat du syndicat intercommunal à vocation multiple des Essarts-le-Roi, Le Perray et de Me Baraduc-Bénabent, avocat de la Société Renault-Automation,
- les conclusions de M. Fratacci, Commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne la requête des CONSORTS Z... :
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt attaqué en tant que la cour administrative d'appel a condamné les CONSORTS Z... envers le Syndicat intercommunal à vocation multiple des Essarts-le-Roi, Le Perray et environs :
Considérant qu'en application des stipulations d'un contrat passé avec l'Etat le 8 janvier 1973, MM. Z..., X... et Y..., architectes, ont été chargés d'une mission de maîtrise d'oeuvre relative à la réalisation d'une piscine pour le Syndicat intercommunal à vocation multiple des Essarts-le-Roi, Le Perray et environs ; que, par suite, même si l'Etat n'a reçu de cet établissement public délégation de certaines attributions de la maîtrise d'ouvrage que par une convention du 16 avril 1974, les architectes devaient être regardés comme ayant la qualité de constructeurs, débiteurs de la garantie décennale envers le maître de l'ouvrage ; qu'ainsi, en leur reconnaissant cette qualité, la cour administrative d'appel de Paris n'a entaché l'arrêt attaqué ni d'une erreur de droit, ni d'une inexactitude matérielle ; que, dès lors, les requérants, ayants droit de M. Alain Z... décédé, ne sont pas fondés à demander l'annulation de cet arrêt en tant que la Cour les a condamnés à verser une indemnité au syndicat intercommunal en réparation des désordres ayant affecté les installations de la piscine ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt attaqué en tant que la cour administrative d'appel a rejeté l'action en garantie formée par les CONSORTS Z... contre la Société d'études et de réalisations industrielles Renault Ingénierie :
Considérant que le contrat passé par l'Etat, pour le compte du syndicat intercommunal, avec les architectes en vue de la réalisation de la piscine susmentionnée présentait le caractère d'un contrat administratif ayant pour objet une opération de travaux publics ; que, si le "contrat d'études" conclu antérieurement par l'Etat avec la Société d'études et de réalisations industrielles Renault Ingénierie pour l'élaboration d'un projet de construction de piscines en série n'était pas directement relatif à la réalisation de l'un de ces ouvrages pour le compte du syndicat intercommunal, la société et les architectes n'en ont pas moins participé à la même opération de travaux publics ; que, par suite, la juridiction administrative était compétente pour connaître de l'action en garantie formée par M. Z... contre cette société ; que, dès lors, la société "Renault-Automation", substituée dans les droits et obligations de ladite société, n'est pas fondée à prétendre que la cour administrative d'appel aurait, sur ce point, excédé sa compétence ;

Considérant que, devant la cour administrative d'appel, les CONSORTS Z... s'étaient prévalus des fautes que la Société d'études et de réalisations industrielles Renault Ingénierie aurait commises dans l'exécution de la mission qui lui avait été confiée par l'Etat ; qu'ainsi, la société "Renault-Automation" n'est pas fondée à soutenir que le moyen tiré par les requérants de ce que ces fautes pourraient justifier qu'elle fût condamnée à garantir les architectes des condamnations prononcées à leur encontre serait présenté pour la première fois devant le juge de cassation et, par suite, irrecevable ;
Considérant que, si la Société d'études et de réalisations industrielles Renault Ingénierie, dont le contrat a pris fin avant que l'Etat ne passe pour le compte du syndicat intercommunal un marché relatif à la construction de la piscine susmentionnée, n'avait pas la qualité de constructeur dont la responsabilité soit susceptible d'être engagée envers le maître de l'ouvrage sur le fondement de la garantie décennale, cette circonstance ne s'opposait pas à ce que les architectes puissent appeler en garantie la société, avec laquelle ils n'avaient aucun lien contractuel, sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle ; qu'ainsi, en se fondant exclusivement, pour rejeter cette action en garantie, sur ce que la responsabilité décennale de la société ne pouvait être engagée envers le syndicat intercommunal, sans rechercher si les fautes imputées à cette dernière par les architectes, s'agissant de la réalisation des études préliminaires, étaient de nature à justifier que la société garantisse ceux-ci du montant des condamnations prononcées contre eux au profit du maître de l'ouvrage, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, dès lors, les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant que la Cour a rejeté leur action en garantie contre ladite société ;
En ce qui concerne le pourvoi incident du Syndicat intercommunal à vocation multiple des Essarts-le-Roi, Le Perray et environs :
Considérant que, devant la cour administrative d'appel, les CONSORTS Z... avaient fait valoir que la responsabilité encourue par eux envers le syndicat intercommunal devait être atténuée en raison des fautes commises par l'Etat en qualité de maître de l'ouvrage délégué ; qu'ainsi, cet établissement public n'est pas fondé à soutenir que, pour limiter à 60 pour 100 des conséquences des désordres la responsabilité mise à la charge des architectes, la cour administrative d'appel aurait statué au-delà des conclusions qui lui étaient soumises ou aurait dénaturé les écritures produites devant elle par les CONSORTS Z... ;
Considérant qu'en fixant à trente pour cent, compte tenu de la date de l'apparition des désordres, l'abattement pour vétusté qui devait être appliqué au coût des travaux nécessaires à la réfection de la piscine et en évaluant à 70 000 F le préjudice subi par le syndicat intercommunal en raison de l'impossibilité de laisser l'ouvrage à la disposition du public, la cour administrative d'appel, dont l'arrêt est suffisamment motivé sur ces points, s'est livrée à une appréciation qui ne peut être discutée devant le juge de cassation dès lors qu'elle ne repose pas sur une dénaturation des faits ;

Considérant qu'il suit de là que le syndicat intercommunal n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant que la cour administrative d'appel a limité à 516 201,48 F le montant de l'indemnité due par les CONSORTS Z... ;
En ce qui concerne le pourvoi provoqué du Syndicat intercommunal à vocation multiple des Essarts-le-Roi, Le Perray et environs :
Considérant que, postérieurement au délai qui lui était imparti pour se pourvoir en cassation, le syndicat intercommunal a présenté des conclusions tendant à l'annulation del'arrêt en tant que la cour administrative d'appel a limité à 516 201,48 F le montant de l'indemnité que les sociétés "Billon Structures" et "Eurolast" ont été condamnées à lui payer conjointement et solidairement avec les architectes ; que ces conclusions, qui ont été provoquées par la requête des CONSORTS Z..., ne seraient recevables qu'au cas où ceux-ci obtiendraient l'annulation dudit arrêt en tant que la Cour les a condamnés à verser une indemnité à l'établissement public ; que la présente décision rejetant sur ce point les conclusions des requérants, le pourvoi provoqué du syndicat intercommunal n'est pas recevable ;
En ce qui concerne le pourvoi provoqué de la société "Renault-Automation" :
Considérant que, devant la cour administrative d'appel, la société d'études et de réalisations industrielles Renault Ingénierie n'avait pas présenté de conclusions tendant à ce que l'Etat fût condamné à la garantir du montant des condamnations pouvant être prononcées contre elle ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué, en tant que la Cour n'a pas mis une obligation de garantie à la charge de l'Etat, ne fait pas grief à la société "Renault-Automation" ; que, dès lors, le pourvoi provoqué formé sur ce point par ladite société n'est pas recevable ;
En ce qui concerne l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner les CONSORTS Z... à verser à la société "Renault-Automation" et au Syndicat intercommunal à vocation multiple des Essarts-le-Roi, Le Perray et environs les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que les sociétés "Billon Structures" et "Eurolast", qui ne sont pas les parties perdantes, soient condamnées à verser la somme que la société "Renault-Automation" demande pour ces mêmes frais ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 5 novembre 1991 est annulé en tant que la Cour a rejeté l'action en garantie formée par les CONSORTS Z... contre la Société d'études et de réalisations industrielles Renault Ingénierie.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris pour qu'il soit statué sur les conclusiuons de l'appel en garantie formé par les CONSORTS Z... contre la Société d'études et de réalisations immobilières Renault Ingénierie.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête des CONSORTS Z..., les pourvois incident et provoqué du Syndicat intercommunal à vocation multiple des Essarts-le-Roi, Le Perray et environs et le pourvoi provoqué de la société "Renault-Automation" sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions présentées sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 par le Syndicat intercommunal à vocation multiple des Essarts-le-Roi, Le Perray et environs et par la société "Renault-Automation" sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Andrée Z..., à M. Pierre Jack Z..., à Mlle Agnès Z..., au Syndicat intercommunal à vocation multiple des Essarts-le-Roi, Le Perray et environs à la société "Renault-Automation", à la société "Billon Structures", à la société "Eurolast" et au ministre délégué à la jeunesse et aux sports.


Synthèse
Formation : 7 /10 ssr
Numéro d'arrêt : 132918
Date de la décision : 10/07/1996
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PREJUDICE INDEMNISABLE - EVALUATION - ABATTEMENT POUR VETUSTE - Fixation du pourcentage de l'abattement - Appréciation souveraine des juges du fond insusceptible d'être discutée en cassation.

39-06-01-07-03-02-02, 39-08-04-02, 54-08-02-02-01-03 Le juge du fond se livre à une appréciation souveraine insusceptible d'être discutée en cassation lorsque, accordant une indemnité au maître de l'ouvrage sur le fondement de la garantie décennale, il fixe le pourcentage de l'abattement devant être appliqué au coût des travaux de réfection pour tenir compte de la vétusté de l'ouvrage au moment de l'apparition des désordres.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - VOIES DE RECOURS - CASSATION - Contrôle du juge de cassation - Appréciation souveraine du juge du fond - Fixation du pourcentage d'un abattement pour vétusté.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTROLE DU JUGE DE CASSATION - REGULARITE INTERNE - APPRECIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Fixation du pourcentage d'un abattement pour vétusté.


Références :

Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 1996, n° 132918
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. de Lesquen
Rapporteur public ?: M. Fratacci

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:132918.19960710
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