Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 11 octobre 1995 et 13 novembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-François K..., demeurant 8, place Aubertin à Bar-sur-Aube (10200) ; M. K... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 5 septembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées les 11 et 18 juin 1995 dans la commune de Bar-sur-Aube ;
2°) annule ces opérations électorales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Biancarelli, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Monod, avocat de M. Jean-François K... et de Me Blanc, avocat de M. Jean-Pierre B... et autres,
- les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;
Sur les griefs tirés d'irrégularités commises pendant la campagne électorale :
Considérant, en premier lieu, que les circulaires de M. B... diffusées le 9 et le 15 juin 1995 n'excèdent pas les limites de la polémique électorale ; que si M. K... soutient que la circulaire du 9 juin 1995 aurait comporté une information mensongère présentant le parc d'activités du Halloy comme une réalisation de la municipalité sortante alors qu'il ne s'agit que d'un projet, il ne résulte pas de l'instruction qu'eu égard notamment à sa formulation, ladite circulaire ait été de nature à induire les électeurs en erreur sur ce point ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du moyen tiré du contenu de la circulaire du 9 juin 1995, la diffusion de ces circulaires, quelles que soient son ampleur et ses dates, n'a pas constitué une manoeuvre de nature à fausser les résultats du scrutin ;
Considérant, en deuxième lieu, que si M. K... soutient que M. B... serait à l'origine de la diffusion entre les deux tours d'un tract comportant des allégations injurieuses contre lui même, susceptibles de provoquer chez les électeurs un sentiment d'indignation dont il aurait pu bénéficier, il ne résulte pas de l'instruction que la diffusion de ce tract, dont l'origine n'est pas établie, ait présenté le caractère d'une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition législative n'interdit ou ne limite les prises de position politiques de la presse écrite dans les campagnes électorales ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le journal "l'Est Eclair" aurait délibérément favorisé la campagne de M. B... ne saurait entacher d'irrégularité le scrutin litigieux ; que si le titre d'un article rendant compte de propos tenu par M. K..., paru dans "l'Est Eclair", comportait une erreur qui en déformait le sens, cette erreur purement matérielle, qui a d'ailleurs fait l'objet d'un rectificatif publié le lendemain dans le même quotidien, n'a pas altéré la sincérité du scrutin ;
Sur les griefs tirés d'irrégularités entachant certaines procurations :
Considérant que si M. K... soutient qu'une fraude généralisée aurait entaché le vote par procuration des personnes âgées de l'hôpital Saint-Nicolas, ni la circonstance, d'ailleurs non établie, que trois votes par procuration et non un seul, comme l'a estimé le tribunal, auraient été entachés d'irrégularité et qu'un proche de M. B... aurait tenté d'obtenir une procuration frauduleusement, ni la circonstance que cinq personnes âgées de plus de 75 ans ont voté par procuration au bureau de vote de Gambetta ne sont de nature à établir le bien fondé de ce grief ;
Sur le grief tiré de l'inéligibilité de M. B... :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 228 du code électoral : "Sont éligibles au conseil municipal tous les électeurs de la commune et les citoyensinscrits au rôle des contributions directes ou justifiant qu'ils devaient y être inscrits au 1er janvier de l'année de l'élection" ; qu'il n'est pas contesté que M. B... était inscrit sur la liste électorale de Bar-sur-Aube pour l'année 1995 ; qu'il n'appartient pas au juge de l'élection d'apprécier, en l'absence de manoeuvres frauduleuses, si un électeur inscrit sur les listes électorales remplit effectivement l'une des conditions exigée par l'article L. 11 du code électoral pour y être inscrit ; que l'existence d'une telle manoeuvre ne résulte pas de l'instruction ; que, dès lors, le grief tiré de ce que, en raison de l'irrégularité de son inscription sur la liste électorale, M. B... serait inéligible ne peut être accueilli ;
Sur les conclusions de M. B... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner M. K... à payer à M. B... la somme qu'il demande au titre des sommes exposées par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. K... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-François K..., à M. Jean-Pierre B..., à M. Georges D..., à M. Claude R..., à M. Jean-Jacques I..., à M. Pierre E..., à M. Alain P..., à M. Luc Y..., à M. Claude X..., à Mme Michèle N..., à M. Charles O..., à M. Jean G..., à M. Etienne S..., à Mme Denise A..., à Mme Sylvie C..., à Mme Paulette T..., à M. Daniel M..., à M. Michel Q..., à Mme Marie-Pierre Z..., à M. Michel L..., à M. Eric H..., à M. Pierre J..., à M. André F... et au ministre de l'intérieur.