Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 avril 1992, la requête présentée par le Préfet de la Région de Haute-Normandie, PREFET DE LA SEINE MARITIME, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 28 janvier 1992 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté son déféré tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 avril 1990 du maire de Saint-Sauveur-d'Emalleville refusant d'accorder le permis de construire un chenil à la Société havraise de protection des animaux ;
2°) annule cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 et la loi n° 82-623 du 22 juillet 1982 ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Medvedowsky, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, dans sa rédaction issue de la loi du 22 juillet 1982, applicable en l'espèce : "Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés au paragraphe II de l'article précédent qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a adressé le 3 mai 1990 au maire de Saint-Sauveur-d'Emalleville une lettre lui exposant que l'arrêté du 6 avril précédent par lequel il a refusé de délivrer un permis de construire à la Société havraise de protection des animaux en vue de l'édification d'un refuge pour animaux abandonnés était illégal et lui demandant de la retirer ; qu'en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires organisant une procédure particulière en la matière, cette demande doit être regardée comme ayant constitué un recours gracieux qui, formé dans le délai du recours contentieux, a interrompu le cours de ce délai ; que, par une délibération du 18 mai 1990, le conseil municipal de Saint-Sauveur-d'Emalleville, saisi par son maire, a émis un avis défavorable au retrait de la décision contestée par le préfet ; que, toutefois, cet avis n'a pu, portant sur une matière relevant, non des attributions du conseil municipal, mais des pouvoirs propres du maire, constituer un rejet du recours gracieux du préfet ; que ce n'est qu'à la date du 4 juillet 1990, à laquelle le maire de Saint-Sauveur-d'Emalleville a informé le PREFET DE LA SEINE-MARITIME du maintien de son refus de délivrer le permis de construire sollicité par la Société havraise de protection des animaux, que ledit recours gracieux a été rejeté ; que, par suite, le déféré du préfet de Seine-Maritime, enregistré au greffe du tribunal administratif de Rouen le 3 septembre 1990, moins de deux mois après le rejet, n'était pas tardif ; que le jugement par lequel le tribunal administratif l'a rejeté comme irrecevable doit donc être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer le déféré présenté par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME devant le tribunal administratif de Rouen et d'y statuer immédiatement ;
Considérant, d'une part, que, selon les dispositions de l'article NC2 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Sauveur-d'Emalleville, ne peuvent être autorisées, dans la zone NC, que les constructions à usage d'habitation et d'activités directement liées et nécessaires aux activités agricoles ; que, contrairement à ce que soutient la commune, un chenil doit être regardé comme une installation liée à une activité agricole, au sens des dispositions précitées ; que, dès lors, le maire de Saint-Sauveur-d'Emalleville n'a pu se prévaloir de ces dernières pour rejeter la demande de permis de construire présentée par la Société havraise de protection des animaux ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est, en conséquence, fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 6 avril 1990 du maire de Saint-Sauveur-d'Emalleville ;
Considérant, d'autre part, que pour refuser d'accorder ce permis de construire le maire de la commune de Saint-Sauveur-d'Emalleville a également estimé que l'édification d'un refuge pour animaux abandonnés serait de nature à engendrer de nombreuses nuisances, notamment, en ce qui concerne le bruit, les odeurs et la divagation des chiens errants ; qu'il résulte, toutefois, des pièces du dossier que de nombreuses mesures ont été prises pour éviter les éventuelles nuisances de ce type d'établissement, notamment la prescription de murs pleins et de plantations de haies vives sur talus ; que, eu égard à l'ensemble de ces mesures, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, la direction départementale de l'agriculture et de la forêt et la direction des services vétérinaires ont émis un avis favorable à la construction envisagée ; qu'il résulte, en outre, de l'instruction que l'habitation la plus proche de celle-ci est située à 250 mètres ; qu'ainsi, le maire de Saint-Sauveur-d'Emalleville a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation, en refusant, pour les motifs ci-dessus rappelés, de délivrer à la Société havraise de protection des animaux le permis de construire qu'elle avait sollicité ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 28 janvier 1992 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du maire de Saint-Sauveur-d'Emalleville du 6 avril 1990 est annulé.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME, à la commune de Saint-Sauveur-d'Emalleville, à la Société havraise de protection des animaux et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.