Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 29 juillet 1994 et 29 novembre 1994, présentés pour le ministre de l'économie ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 16 février 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a, à la demande de la société "Pathé France Holding", dont le siège est à Joinville-le-Pont (94340), agissant par son vice-président directeur général M. Giancarlo X..., annulé sa décision du 15 juin 1990 prononçant l'ajournement de l'opération d'investissement direct que la société précitée envisageait de réaliser en faisant l'acquisition de 52% du capital social de la société "Pathé Cinéma" ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société "Pathé France Holding" devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966, modifiée, relative aux relations financières avec l'étranger ;
Vu le décret n° 89-938 du 29 décembre 1989, modifié, réglementant les relations financières avec l'étranger ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle de Silva, Auditeur,
- les observations de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat du ministre de l'économie et de Me Cossa, avocat de la société "Pathé France Holding",
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi susvisée du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l'étranger, "Le gouvernement peut, pour assurer la défense des intérêts nationaux ... 1° Soumettre à déclaration, autorisation préalable ou contrôle ... c) La constitution et la liquidation des investissements étrangers en France" ; qu'aux termes de l'article 11 du décret susvisé du 29 décembre 1989 réglementant les relations financières avec l'étranger : "Les investissements directs étrangers réalisés en France, dans une entreprise existante, par des personnes physiques ayant leur résidence habituelle dans un autre Etat membre de la Communauté économique européenne, ou par une personne morale, sous contrôle direct ou indirect de personnes physiques résidant dans un autre Etat membre ou d'une collectivité publique située dans un de ces Etats ou d'un de ces Etats lui-même, sont libres. - Le ministre chargé de l'économie dispose d'un délai de quinze jours à compter de la réception de la déclaration d'investissement qui lui est présentée pour notifier à l'investisseur qu'il ne satisfait pas aux conditions énumérées à l'alinéa ci-dessus et que son opération relève donc de l'article 12 du présent décret (...). Ne relèvent pas du présent article : (...) - les investissements mettant en cause l'ordre public ou la santé publique ou la sécurité publique (...)" ; que l'article 12 du même décret dispose : "Les investissements directs étrangers réalisés dans des entreprises existantes et ne relevant pas de l'article 11 ci-dessus sont soumis à l'autorisation préalable du ministre chargé de l'économie. Cette autorisation est réputée acquise un mois après la réception de la déclaration d'investissements présentée au ministre chargé de l'économie, sauf si celui-ci a, dans ce même délai, prononcé l'ajournement de l'opération concernée (...)" ;
Considérant que le ministre chargé de l'économie peut, dans son appréciation du risque que comporte un projet d'investissement étranger pour l'ordre public ou la sécurité publique, tenir compte du comportement de la personne au profit de laquelle l'investissement est réalisé, et de l'origine des fonds devant servir à financer l'investissement projeté ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, le comportement de M. X..., pour le compte duquel l'investissement devait être réalisé, était de nature à susciter de sérieux doutes sur son honorabilité ; que le ministre pouvait légitimement se fonder sur des faits ayant donné lieu à des condamnations amnistiées ou ayant fait l'objet de mesures de grâce ; qu'en outre, malgré des demandes de renseignements complémentaires, la société "Pathé France Holding" n'avait donné aucune indication sur l'origine des fonds devant servir à financer l'investissement projeté, pour un montant de plus de 512 millions de francs ; que le ministre était fondé à tirer motif de ces éléments, qui établissaient que le projet d'acquisition de la majorité du capital de la société "Pathé Cinéma" par la société "Pathé France Holding" comportait une menace pour l'ordre public, pour prendre une décision d'ajournement de l'investissement considéré ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que le ministre aurait méconnu les dispositions précitées pour annuler la décision de refus d'autorisation du ministre de l'économie et des finances en date du 15 juin 1990 ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant que le moyen tiré de ce que la décision attaquée ne ferait pas apparaître les textes qui constituent son fondement légal manque en fait ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant que de ce qui précède il résulte que le ministre de l'économie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 15 juin 1990 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 16 février 1994 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à M. Giancarlo X....