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29/12/1995 | FRANCE | N°162669

France | France, Conseil d'État, Section, 29 décembre 1995, 162669


Vu la requête enregistrée le 4 novembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean Y..., demeurant ... et par Mme Monique Z..., demeurant ... ; les requérants demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 4 octobre 1994 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur protestation tendant à l'annulation de l'élection de M. A... Bouille en qualité de conseiller général du canton de La Côte Radieuse et à ce que l'intéressé soit déclaré inéligible ;
2°) d'annuler l'élection de M. X... et de le dé

clarer inéligible ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral...

Vu la requête enregistrée le 4 novembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean Y..., demeurant ... et par Mme Monique Z..., demeurant ... ; les requérants demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 4 octobre 1994 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur protestation tendant à l'annulation de l'élection de M. A... Bouille en qualité de conseiller général du canton de La Côte Radieuse et à ce que l'intéressé soit déclaré inéligible ;
2°) d'annuler l'élection de M. X... et de le déclarer inéligible ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Pêcheur, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Nicolay, de Lanouvelle, avocat de M. A... Bouille,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;

Sur le grief tiré des irrégularités ayant affecté les opérations de vote le 20 mars 1994 :
Considérant que le tribunal administratif a écarté ce grief comme non fondé ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, de rejeter, sur ce point, les conclusions de la requête ;
Sur le grief tiré de la distribution d'un tract la veille du scrutin du 27 mars 1994 :
Considérant qu'il n'est pas établi que la diffusion de ce tract, qui n'avait par ailleurs aucun caractère injurieux, ait revêtu un caractère massif et ait constitué une manoeuvre de nature à influencer les résultats du scrutin ;
Sur les griefs tirés des irrégularités du financement de la campagne de M. X... :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'élection contestée, : "Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord, même tacite, de celui-ci par les personnes physiques ou morales, les groupements et partis qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de service et dons en nature dont il a bénéficié" ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que M. X..., maire de Saint-Cyprien et candidat à l'élection du conseiller général du canton de la Côte Radieuse, a bénéficié pour les besoins de sa campagne de la diffusion de la revue municipale de Saint-Cyprien, du bulletin communal : "Saint-Cyprien en direct avec son maire" et de la revue de la communauté de communes du Scylas, dont M. X... assurait par ailleurs la présidence ; que les dépenses correspondantes constituent des dépenses exposées directement au profit de M. X..., avec son accord et en vue de son élection ; que, par suite, elles devaient être regardées comme des dépenses électorales et être intégrées dans le compte de campagne du candidat, comme l'a fait la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; qu'en revanche, c'est à tort que la commission a estimé que l'envoi d'une carte de voeux du maire de Saint-Cyprien, dont le coût non contesté s'élève à 1 500 F, devait être regardé comme constituant une dépense effectuée en vue de l'élection, et que le montant correspondant devait être réintégré dans le compte de campagne de M. X... ; que, déduction faite de cette somme, les dépenses réintégrées dans le compte de campagne de l'intéressé doivent être ramenées à 19 366 F ; que les requérants n'établissent pas que la commission aurait sous-évalué les avantages ainsi consentis à M. X... ;

Considérant, d'autre part, que le tribunal administratif a écarté comme non fondés les griefs tirés de ce que le compte de campagne de M. X... omettrait de retracer la rémunération du directeur de l'office municipal du tourisme, le coût de diffusion d'une lettre de soutien du ministre de l'intérieur et les dépenses de rémunération de personnels temporaires de la commune et d'organismes en dépendant ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, de rejeter, sur ce point, les conclusions de la requête ;
Sur le grief tiré de la violation de l'article L. 52-8 du code électoral :
Considérant, qu'aux termes de l'article L. 52-8 du code électoral, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'élection contestée : "- Les dons consentis par des personnes dûment identifiées pour le financement de la campagne d'un candidat ou de plusieurs candidats lors d'une même élection ne peuvent excéder 30 000 F s'ils émanent d'une personne physique et 10 p.100 du plafond des dépenses électorales dans la limite de 500 000 F s'ils émanent d'une personne morale autre qu'un parti ou groupement politique. Tout don de plus de 1 000 F consenti à un candidat en vue de sa campagne doit être versé par chèque. Le montant global des dons en espèces faits au candidat ne peut excéder 20 p.100 du montant des dépenses autorisées lorsque ce montant est égal ou supérieur à 100 000 F en application de l'article L. 52-11. Les personnes morales de droit public, les personnes morales de droit privé dont la majorité du capital appartient à une ou plusieurs personnes morales de droit public ou les casinos, cercles et maisons de jeux ne peuvent effectuer, directement ou indirectement, aucun don en vue du financement de la campagne d'un candidat ..." ; qu'aux termes de l'article L. 52-17 du même code, "Lorsque le montant d'une dépense déclarée dans le compte de campagne ou ses annexes est inférieur aux prix habituellement pratiqués, la Commission ... évalue la différence et l'inscrit d'office dans les dépenses de campagne après avoir invité le candidat à produire toute justification utile à l'appréciation des circonstances. La somme ainsi inscrite est réputée constituer un don, au sens de l'article L. 52-8, effectué par la ou les personnes physiques ou morales concernées. - La commission procède de même pour tous les avantages directs ou indirects, les prestations de service et dons en nature dont a bénéficié le candidat" ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 52-8 et L. 52-17 du code électoral, dans leur rédaction en vigueur à la date de l'élection contestée, que les avantages en nature consentis par une collectivité publique à un candidat doivent être considérés, au sens de ces dispositions, comme des dons, et doivent, ainsi que cela a été fait en l'espèce, être inscrits d'office dans les comptes de campagne de ce candidat par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; que la circonstance qu'il ne s'agisse pas de dons en espèces est sans influence à cet égard ; que, toutefois, aucune disposition alors applicable du code électoral n'a pour effet d'entraîner nécessairement, dans une telle hypothèse, le rejet du compte, ni, par suite et par application de l'article L. 197 du code, l'inéligibilité du candidat dont il s'agit ; qu'il n'en irait ainsi, en vertu des articles L. 118-3 et L. 197 du code électoral, que dans les cas où le compte soit n'a pas été déposé dans les conditions et délais prescrits, soit a été rejeté à bon droit ; qu'enfin le compte de M. X..., après réintégration de la somme de 19 366 F susindiquée, fait apparaître un total de dépenses de 94 002 F, inférieur au plafond, lequel s'élevait à 137 580 F ; que, par suite, c'est à bon droit que son compte de campagne, après réformation, a été approuvé ; qu'il suit de là que les conclusions tendant à ce que M. X... soit déclaré inéligible pour dépassement du plafond, sur le fondement de l'article L. 118-3, deuxième alinéa, ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que les dons consentis à M. X... par la commune de Saint-Cyprien, d'une part, par la communauté de communes de Scylas, d'autre part, sont inférieurs aux plafonds fixés respectivement aux alinéas 1 et 3 de l'article L. 52-8 susreproduit du code électoral ; qu'ainsi le grief tiré de la violation de ces dispositions manque en fait ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, ce grief doit être écarté ;
Sur le grief tiré de la violation du deuxième alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral : "A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin" ;

Considérant que si la revue d'information de la commune de Saint-Cyprien, le bulletin municipal de ladite commune et le périodique d'information de la communauté de communes de Scylas ont comporté, dans la période couverte par l'article L. 52-1 susmentionnée, plusieurs rubriques ou articles valorisant l'action de M. X..., en tant que maire de la commune de Saint-Cyprien et que président de la communauté de communes du Scylas, le contenu et l'orientation de ces rubriques ou articles ne permettent pas de les faire regarder, dans les circonstances de l'espèce, comme constituant des éléments d'une campagne de promotion publicitaire au sens de l'article L. 52-1 précité ; que la circonstance que les dépenses afférentes à ces publications doivent être regardées comme des dépenses électorales au sens de l'article L. 52-12 précité est sans influence sur la qualification de ces actions de communication au regard des prescriptions de l'article L. 52-1 précité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... et Mme Z..., sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à leur protestation, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur protestation dirigée contre l'élection de M. X... ;
Article 1er : La requête de M. Y... et Mme Z... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean Y..., à Mme Monique Z..., à M. A... Bouille et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : Section
Numéro d'arrêt : 162669
Date de la décision : 29/12/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

28-005-04-02-03,RJ1 ELECTIONS - DISPOSITIONS GENERALES APPLICABLES AUX ELECTIONS POLITIQUES - FINANCEMENT ET PLAFONNEMENT DES DEPENSES ELECTORALES - COMPTE DE CAMPAGNE - RECETTES -Avantages en nature consentis à un candidat par une collectivité publique - Dons devant être inscrits d'office dans le compte de campagne mais n'entraînant pas nécessairement son rejet (1).

28-005-04-02-03 Il résulte des dispositions combinées des articles L.52-8 et L.52-17 du code électoral, dans leur rédaction en vigueur à la date de l'élection contestée, que les avantages en nature consentis par une collectivité publique à un candidat doivent être considérés, au sens de ces dispositions, comme des dons et doivent être inscrits d'office dans le compte de campagne de ce candidat par la commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques, la circonstance qu'il ne s'agisse pas de dons en espèces étant sans incidence à cet égard. Toutefois, aucune disposition alors applicable du code électoral n'a pour effet d'entraîner nécessairement, dans une telle hypothèse, le rejet du compte, ni par suite et par application de l'article L.197 du code, l'inéligibilité du candidat.


Références :

Code électoral L52-12, L52-8, L52-17, L197, L118-3, L52-1

1. Comp. Section, 1992-12-28, Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques c/ Bonhomme p. 463 ;

Section, 1993-05-07, Lallemand et autres et Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, p. 146


Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 1995, n° 162669
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Gentot
Rapporteur ?: M. Pêcheur
Rapporteur public ?: M. Combrexelle
Avocat(s) : SCP Nicolay, de Lanouvelle, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1995:162669.19951229
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