Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés pour le docteur Bernard X..., demeurant ... et pour le docteur Michel Y... demeurant ..., enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'tat les 19 septembre 1994 et 27 décembre 1994 ; les docteurs X... et Y... demandent au Conseil d'Etat d'annuler la décision, en date du 24 juin 1994, par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins leur a refusé l'autorisation d'ouvrir un cabinet secondaire de rééducation fonctionnelle à Munster (Haut-Rhin) ; ils demandent au Conseil d'Etat de leur allouer une somme de 12 000 F, sur le fondement des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ;
Vu le décret du 29 juin 1979 portant code de déontologie médicale et notamment son article 63 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et notamment son article 75-I ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. François Bernard, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Richard-Mandelkern, avocat de M. Bernard X... et de M. Michel Y..., et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du conseil national de l'ordre des médecins,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 63 du code de déontologie médicale dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : "Un médecin ne doit avoir, en principe, qu'un seul cabinet. La création ou le maintien d'un cabinet secondaire, sous quelque forme que ce soit, n'est possible qu'avec l'autorisation du conseil départemental. Cette autorisation ne peut être refusée par le Conseil départemental ou les conseils départementaux intéressés si l'éloignement d'un médecin de même discipline est préjudiciable aux malades" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, dans le cas où, du fait de l'absence ou de l'éloignement d'un médecin de même discipline, les besoins médicaux de la population ne sont pas satisfaits, le Conseil départemental doit accorder l'autorisation qui lui est demandée et cela quel que soit le mode de fonctionnement du cabinet secondaire dont l'ouverture est sollicitée à la condition toutefois qu'il ne contrevienne à aucune disposition législative ou réglementaire ; qu'aucune disposition du code de déontologie médicale n'interdit à des médecins qui exploitent un cabinet principal en qualité d'associés au sein d'une société civile de moyens prévue par l'article 36 de la loi susvisée du 29 novembre 1966, de demander l'ouverture d'un cabinet secondaire qu'ils se proposent d'exploiter également en association ; que la circonstance que ce mode d'exploitation conduirait à l'ouverture permanente du cabinet secondaire n'est pas par elle même de nature à fonder légalement une décision de refus ; qu'ainsi le Conseil national de l'ordre des médecins n'était pas fondé à rejeter les demandes présentées par MM. X... et Y..., médecins qualifiés spécialistes en rééducation fonctionnelle exerçant en association à Colmar, d'ouvrir en association un cabinet secondaire de leur spécialité à Munster (Haut-Rhin) en se fondant sur le mode de fonctionnement envisagé pour ce cabinet, sans examiner si l'éloignement d'un médecin de cette spécialité était préjudiciable aux malades ; qu'il y a lieu dès lors d'annuler sa décision ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ..." ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions précitées et de prévoir que le Conseil national de l'ordre des médecins payera à MM. X... et Y... la somme de 12 000 F qu'ils demandent au titre des sommesexposées par eux et non comprises dans les dépens ; qu'en revanche ces dispositions font obstacle à ce que MM. X... et Z... qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, soient condamnés à payer au Conseil national de l'ordre des médecins la somme que ce dernier demande au titre des frais irrépétibles ;
Article 1er : La décision susvisée du Conseil national de l'ordre des médecins est annulée.
Article 2 : Le Conseil national de l'ordre des médecins versera à MM. X... et Y... une somme de 12 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Article 3 : Les conclusions du Conseil national de l'ordre des médecins tendant à ce que MM. X... et Y... soient condamnés à lui verser la somme de 6 523 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard X..., à M. Michel Y..., au Conseil national de l'ordre des médecins et au ministre du travail et des affaires sociales.