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04/09/1995 | FRANCE | N°85324

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 04 septembre 1995, 85324


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 février et 19 juin 1987, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Maryvonne X..., veuve Y..., agissant en son nom personnel et au nom de ses enfants mineurs Hélène et Didier Y..., pour M. Sylvain Y... et Mlle Nathalie Y..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 9 décembre 1986 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à ce qu'Electricité de France soit déclaré responsable de l'accident dont a été v

ictime M. Jean-Pierre Y... ;
2°) condamne Electricité de France à ver...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 février et 19 juin 1987, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Maryvonne X..., veuve Y..., agissant en son nom personnel et au nom de ses enfants mineurs Hélène et Didier Y..., pour M. Sylvain Y... et Mlle Nathalie Y..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 9 décembre 1986 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à ce qu'Electricité de France soit déclaré responsable de l'accident dont a été victime M. Jean-Pierre Y... ;
2°) condamne Electricité de France à verser à Mme X..., veuve Y..., une somme de 270 000 F, à Mlle Hélène Y... une somme de 150 000 F, à M. Didier Y... une somme de 120 000 F, à M. Sylvain Y... une somme de 85 000 F et à Mlle Nathalie Y... une somme de 75 000 F, avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 1985 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'arrêté interministériel du 30 avril 1958 déterminant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Combrexelle, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Rouvière, Boutet, avocat des CONSORTS Y... et de la SCP Coutard, Mayer, avocat d'Electricité de France ;
- les conclusions de M. Toutée, Commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :
Considérant qu'Electricité de France est en principe responsable, même en l'absence de faute relevée à sa charge, des dommages causés aux tiers par le fait des ouvrages publics dont il est concessionnaire, à moins que ces dommages soient imputables à une faute de la victime ou à la force majeure ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident, survenu le 30 juin 1984 vers 17h30, qui a causé la mort par électrocution de M. Jean-Pierre Y... a été provoqué par le contact de sa canne à pêche avec la ligne électrique à moyenne tension qui surplombait le chemin privé ouvert au public permettant d'accéder à la berge de la rivière "Le Doigt" à Abbeville ; que cet accident est imputable à la présence de l'ouvrage public ; que, toutefois, M. Y..., qui connaissait les lieux et qui pêchait depuis le début de l'après-midi, n'a pris aucune précaution pour éviter le contact de sa canne à pêche, d'une longueur totale de 5m33, avec la ligne électrique ; que cette imprudence qui a concouru à la réalisation du dommage est de nature à atténuer mais non à supprimer la responsabilité encourue par Electricité de France ;
Considérant que les requérants sont, dès lors, fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande d'indemnité au motif que le décès de M. Y... n'aurait été imputable qu'à sa seule imprudence ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner Electricité de France à réparer le quart des conséquences dommageables de l'accident ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Y... occupait lors de son décès, survenu à l'âge de 42 ans, l'emploi d'ouvrier spécialisé qui lui procurait un revenu annuel de 49 200 F réévalué à la date de la présente décision à 67 000 F ;
Considérant que la fraction de ses revenus que M. Y... consacrait à son épouse et à chacun de ses enfants mineurs au moment de l'accident doit être fixée respectivement à 35% et 10% ; que le préjudice matériel subi par Mme veuve Y... doit, par suite, être évalué, à 23 450 F par an et celui de chacun des enfants à 6 700 F ; que le capital correspondantau versement de ces sommes à la veuve et à chacun des enfants de la victime jusqu'à l'âge de 20 ans s'élève à 285 000 F pour Mme Y..., à 41 000 F pour Hélène Y..., à 33 000 F pour Didier Y..., à 23 000 F pour Sylvain Y... et à 18 000 F pour Nathalie Y... ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de la douleur morale éprouvée par les requérants du fait du décès de M. Y... en évaluant ce chef de préjudice à 70 000 F pour son épouse et à 50 000 F pour chacun de ses enfants ;
Considérant qu'il y a lieu d'ajouter aux divers chefs de préjudices subis par Mme veuve Y... une somme de 17 905 F correspondant aux frais exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme ;

Considérant que les préjudices totaux subis par Mme veuve Y... et par Hélène, Didier, Sylvain et Nathalie Y... s'élèvent respectivement à 372 905 F, 91 000 F, 83 000 F, 73 000 F et 68 000 F, dont le quart, soit 93 226 F, 22 750 F, 20 750 F, 18 250 F et 17 000 F, est à la charge d'Electricité de France ;
Considérant que même en l'absence de conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme devant le Conseil d'Etat tendant au remboursement des frais exposés par elle, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, de défalquer lesdits frais de la part de l'indemnité non représentative du préjudice moral que doit verser Electricité de France à Mme veuve Y... ; que le reliquat auquel a droit cette dernière se monte ainsi à 75 321 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que Mme veuve Y... et ses enfants ont droit aux intérêts des sommes qui leur sont dues à compter du jour de l'enregistrement de leur demande devant le tribunal administratif d'Amiens, soit le 28 février 1985 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens, en date du 9 décembre 1986, est annulé.
Article 2 : Electricité de France est condamné à payer les sommes de 75 321 F à Mme veuve Y..., de 22 750 F à Mlle Hélène Y..., de 20 750 F à M. Didier Y..., de 18 250 F à M. Sylvain Y... et de 17 000 F à Mlle Nathalie Y.... Ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 28 février 1985.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme veuve Y..., de Mlle Hélène Y..., M. Didier Y..., M. Sylvain Y... et Mlle Nathalie Y... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme veuve Y..., à Mlle Hélène Y..., à M. Didier Y..., à M. Sylvain Y..., à Mlle Nathalie Y..., à Electricité de France et au ministre de l'industrie.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 85324
Date de la décision : 04/09/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

67-03 TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES.


Références :

Code de la sécurité sociale L376-1


Publications
Proposition de citation : CE, 04 sep. 1995, n° 85324
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Combrexelle
Rapporteur public ?: M. Toutée

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1995:85324.19950904
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