Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 6 mai et 29 septembre 1993, présentés par M. Joao X... Luz Y..., demeurant chez M. Z..., 133, avenue du Président Wilson à Saint-Denis (93200) ; M. Y... demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 8 avril 1993 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 22 janvier 1993, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution dudit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990 et la loi du 26 février 1992 ;
Vu le code de la nationalité ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le requérant ne saurait se prévaloir de l'autorité de la chose jugée d'un jugement avant-dire droit qui n'est pas revêtu d'une telle autorité ;
Considérant que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris, qui avait décidé par jugement du 25 janvier 1993 de surseoir à statuer ayant estimé être en présence d'une question préjudicielle, a pu, sans entacher le jugement attaqué d'irrégularité, se fonder sur des motifs distincts de ceux justifiant la question préjudicielle pour rejeter la requête de M. Y... sans attendre que le juge judiciaire se prononce sur ladite question préjudicielle ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. Y..., à qui la qualité des réfugié politique a été refusée par une décision de l'office français de protection de réfugiés et apatrides en date du 7 novembre 1986, confirmée par la commission des recours des réfugiés le 24 février 1988, s'est maintenu sur le territoire pendant plus d'un mois à compter de la notification faite le 11 mai 1988 de la décision du même jour par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; que, par suite, il se trouvait dans le cas prévu à l'article 22-I-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des arrêtés de reconduite et par suite, exclure l'application des dispositions précitées de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983, dont M. Y... ne peut dès lors utilement se prévaloir ;
Considérant que l'arrêté attaqué, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de reconduite à la frontière, est suffisamment motivé ;
Considérant qu'en admettant même que, comme le soutient M. Y..., sa fille fût de nationalité française à la suite d'une déclaration de nationalité souscrite le 16 décembre 1991 et donc à la date de l'arrêté litigieux, M. Y... ne justifie pas exercer même partiellement l'autorité parentale ou subvenir effectivement aux besoins de l'enfant ; que, par suite, il ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article 25-5° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant que si M. Y... fait valoir qu'il vit en France avec sa concubine et leur enfant, cette circonstance n'est pas de nature à démontrer, compte-tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à lafrontière, que l'arrêté discuté porte à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme n'ont pas été méconnues ;
Considérant que M. Y... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, qui sont inapplicables au contentieux de la reconduite à la frontière, ni de celles de la déclaration universelle des droits de l'homme, qui ne figure pas au nombre des textes diplomatiques ayant été ratifiés dans les conditions fixées par l'article 55 de la Constitution ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Joao X... Luz Y..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.