Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 15 septembre 1992, présentée par M. Etienne A..., demeurant ... et Cuire (69300) ; M. A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 22 juillet 1992 portant déclaration d'utilité publique et reconnaissant l'urgence des acquisitions et travaux nécessaires à la réalisation, par la communauté urbaine de Lyon ou son concessionnaire, du boulevard périphérique Nord de Lyon sur le territoire des communes d'Ecully, Tassin-la-Demi-Lune, Saint-Didier-au-Mont-d'or, Caluire et Cuire, Lyon, Villeurbanne et Vaulx-en-Velin, conférant par ailleurs le caractère de route express à la section de voie nouvelle comprise entre l'échangeur d'Ecully et celui de la Croix-Luzet, emportant enfin modification des plans d'occupation des sols de la communauté urbaine de Lyon, secteurs Sud-Ouest, Nord-Ouest et Centre (Lyon et Villeurbanne) ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation ;
Vu le code des communes ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 et le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;
Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 et le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 ;
Vu la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 et le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Valérie Roux, Auditeur,
- les conclusions de M. Lasvignes, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le décret attaqué en date du 22 juillet 1992 déclare d'utilité publique et reconnaît l'urgence des acquisitions et travaux nécessaires à la réalisation du boulevard périphérique Nord de Lyon, attribue le caractère de route express à cette voie et modifie les plans d'occupation des sols de la communauté urbaine de Lyon dans trois secteurs ;
Sur l'étude d'impact :
Considérant que l'étude d'impact jointe au dossier de l'enquête publique comportait des informations suffisantes sur les effets que la voie nouvelle pouvait avoir sur l'environnement et sur la commodité du voisinage ainsi que sur les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement ; que les calculs sur lesquels s'appuie cette étude ont été effectués selon les méthodes habituellement suivies en la matière ; que le moyen tiré de ce que l'étude n'aurait pas comporté une analyse de l'état initial du site manque en fait ; qu'ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 2 du décret du 12 octobre 1977, pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, doivent être écartés ;
Sur la méconnaissance de l'article 4 du décret du 17 juillet 1984 :
Considérant que la partie "E" du dossier d'enquête contient l'évaluation prévue par l'article 4 du décret du 17 juillet 1984 pour les grands projets d'infrastructures de transports ; que cette évaluation comporte une analyse de la situation actuelle dans la zone d'étude, notamment en matière de démographie, d'emploi, d'infrastructures de bureaux, de logements et de transports et de conditions de circulation ; qu'après avoir présenté le projet, en particulier sous l'angle de l'exploitation et du financement, elle fait état de prévisions sur la situation future en matière de démographie, d'emploi et de transports, procède à une évaluation de l'impact socio-économique du projet, expose les motifs pour lesquels il a été retenu et dresse un bilan économique assorti d'un indicateur de rentabilité financière calculé selon les usages des travaux de planification ; que cette évaluation, complète et détaillée, comporte, contrairement à ce qui est soutenu, l'ensemble des informations requises par les dispositions de l'article 4 du décret du 17 juillet 1984 ;
Sur la méconnaissance de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-3, dernier alinéa, du code de l'expropriation : "la notice explicative indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l'insertion dans l'environnement, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu" ; que la notice explicative figurant dans le dossier soumis à l'enquête publique présente plusieurs partis pour la réalisation d'un boulevard périphérique Nord à Lyon ; qu'elle expose les raisons pour lesquelles, du point de vue de l'insertion dans l'environnement, du point de vue technique et du point de vue fonctionnel, l'un de ces partis a été retenu ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la notice explicative n'aurait pas indiqué les raisons pour lesquelles le projet soumis à l'enquête publique a été retenu parmi les partis envisagés n'est pas fondé ;
Sur la composition de la commission d'enquête :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-14-4 du code de l'expropriation, applicable en l'espèce en vertu des dispositions du décret du 23 avril 1985 pris pour l'application de la loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement : "Le commissaire-enquêteur ou les membres de la commission peuvent être choisis : - parmi les personnes figurant sur la liste nationale ou sur les listes départementales établies en application de l'article R. 11-5" ; que ce dernier article dispose notamment que les listes départementales sont établies annuellement par les préfets ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Georges Z..., M. René X... et M. Maurice Y... figuraient sur la liste établie par le préfet du Rhône le 26 décembre 1990 et mentionnant les personnes pouvant être nommées commissaires enquêteurs ou membres des commissions d'enquête dans le département du Rhône au cours de l'année 1991 ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que les membres de la commission d'enquête ne figuraient pas sur une des listes prévues à l'article R-11-14-4 précité manque en fait ;
Sur le rapport d'enquête :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commission d'enquête, qui n'est pas tenue de répondre à chacune des observations qui lui sont soumises, et qui n'est pas liée par l'opinion manifestée, même unanimement, par les personnes qui ont participé à l'enquête, a examiné les observations consignées ou annexées au registre et exprimé, dans les conclusions de son rapport, l'avis qu'il lui appartient de donner ; que si ce rapport comporte sur le pourcentage des observations favorables au projet et celui des observations qui lui sont défavorables une erreur matérielle, d'ailleurs corrigée par la mention du nombre de ces observations, cette circonstance a été sans influence sur la régularité de la procédure et sur le sens de l'avis émis par la commission d'enquête ;
Sur l'absence de consultation des conseils municipaux des communes intéressées par la modification des plans d'occupation des sols :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-8 du code de l'urbanisme : "La déclaration d'utilité publique d'une opération qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ne peut intervenir que si : - l'enquête publique concernant cette opération, ouverte par le représentant de l'Etat dans le département, a porté à la fois sur l'utilité publique de l'opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence ; - l'acte déclaratif d'utilité publique est pris après que les dispositions proposées par l'Etat pour assurer la mise en compatibilité du plan ont fait l'objet d'un examen conjoint de l'Etat, de la commune ou de l'établissement public de coopération communale, de la région, du département ..., et après avis du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public compétent en la matière. La déclaration d'utilité publique emporte approbation des nouvelles dispositions du plan" ; qu'en application de l'article L. 165-7 du code des communes, sont transférées à la communauté urbaine, qui est un établissement public de coopération communale en vertu de l'article L. 165-1 du même code, les compétences attribuées aux communes dans le domaine des plans d'occupation des sols ; que si, en application dudit article L. 165-7, les conseils municipaux doivent être saisis pour avis lorsque la communauté urbaine exerce les compétences qui lui ont été transférées en matière de plans d'occupation des sols, cette disposition ne trouve pas à s'appliquer lorsque la communauté urbaine est, conformément à l'article L. 123-8 susmentionné du code de l'urbanisme, consultée par l'Etat sur les dispositions que celui-ci propose pour assurer la mise en compatibilité d'un plan d'occupation des sols avec une opération qui fait l'objet d'une procédure de déclaration d'utilité publique ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la procédure de modification des plans d'occupation des sols serait irrégulière, faute de consultation des conseils municipaux des communes dont les compétences en matière de plans d'occupation des sols ont été transférées à la communauté urbaine de Lyon, n'est pas fondé ;
Sur la régularité de la procédure de consultation du Conseil d'Etat :
Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret du 30 juillet 1963 : "Les affaires ressortissant aux différents départements ministériels sont réparties entre les sections administratives du Conseil d'Etat conformément aux dispositions d'un arrêté du Premier ministre, pris sur la proposition du garde des Sceaux, ministre de la justice" ; qu'en vertu de l'arrêté du Premier ministre en date du 20 septembre 1991, les affaires dépendant du ministre de l'intérieur et du secrétaire d'Etat aux collectivités locales sont examinées par la section de l'intérieur ; que la déclaration d'utilité publique des acquisitions et travaux nécessaires à la réalisation d'une voie communale dite boulevard périphérique Nord de Lyon, l'attribution du caractère de route express communale à cette voie et la modification des plans d'occupation des sols de la communauté urbaine de Lyon, rendue nécessaire par l'opération, sont des affaires dépendant du ministre de l'intérieur et du secrétaire d'Etat aux collectivités locales ; que le décret attaqué, par lequel ces décisions sont prises, a été, par suite, légalement examiné par la seule section de l'intérieur du Conseil d'Etat ;
Sur le contreseing du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : "Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution" ; que ni la déclaration d'utilité publique qui est prononcée par le décret attaqué, ni l'attribution du caractère de route express communale à la voie dite boulevard périphérique Nord de Lyon, ni la modification de certains plans d'occupation des sols de la communauté urbaine de Lyon, qui sont également décidées par ce décret, ne comportent nécessairement l'intervention de mesures réglementaires ou individuelles que le ministre de l'environnement serait compétent pour signer ou contresigner ; que, dans ces conditions, quels que soient les termes du décret du 16 avril 1992 relatif à ses attributions, le défaut de contreseing du ministre de l'environnement, qui n'était pas chargé de l'exécution du décret attaqué, n'entache pas d'irrégularité ledit décret ;
Sur l'utilité publique du projet :
Considérant que le projet de construction du boulevard périphérique Nord de Lyon a pour objet d'établir entre l'Est et l'Ouest de l'agglomération une liaison rapide évitant le centre ville, allégeant ainsi le trafic routier dans cette partie de l'agglomération, actuellement très encombrée, et d'améliorer la liaison entre les autoroutes A 6, A 42 et A 43 par une voie express de contournement de la ville ; que cette opération, qui s'intègre dans un projet à long terme de réalisation d'un boulevard périphérique complet autour de Lyon, revêt un caractère d'utilité publique ; que si elle comporte certains inconvénients pour les riverains de l'ouvrage et pour l'environnement, notamment dans le franchissement du Rhône, ces inconvénients ont pu être limités dans d'autres sections par le passage de la voie en tunnel ou en tranchée couverte et par divers aménagements ; qu'ainsi les inconvénients que comporte l'opération ne sont pas d'une importance telle qu'ils aient pour effet de retirer à l'opération son caractère d'utilité publique ; qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au Contentieux, de contrôler l'appréciation à laquelle le Gouvernement s'est livré en choisissant la construction de l'ouvrage envisagé, plutôt que la réalisation d'autres infrastructures de transport ;
Sur le détournement de pouvoir :
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 22 juillet 1992 ;
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A..., au Premier ministre, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.