Vu la requête enregistrée le 25 janvier 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la Fédération française des sociétés d'assurance, la société Paternelle-Vie, l'Union des assurances de Paris-Vie, la Caisse d'assurance et de prévoyance mutuelle des agriculteurs dont les sièges sont respectivement, 26, bd Haussmann ... à Paris (75009), 9, place Vendôme à Paris (75001) et ... ; les sociétés susmentionnées demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 90-1061 du 26 novembre 1990 relatif au régime complémentaire facultatif d'assurance vieillesse de personnes non salariées des professions agricoles institué en application de l'article 1122-7 du code rural ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lagrange, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Copper-Royer, avocat de la Fédération française des sociétés d'assurance et autres,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes du II de l'article 42 de la loi du 30 décembre 1988 : "Il est inséré, après l'article L.1122-6 du code rural, un article 1122-7 ainsi rédigé : "Il est créé, au profit des chefs d'exploitation et d'entreprise agricoles ainsi que de leurs conjoints et des membres de leur famille visés au premier alinéa de l'article 1122-1 du présent code, un régime complémentaire d'assurance vieillesse fonctionnant à titre facultatif. L'organisation et le fonctionnement de ce régime sont fixés par décret" ; qu'aux termes du III du même article 42 : "Les cotisations versées au titre du régime complémentaire d'assurance vieillesse institué en l'application de l'article 1122-7 du code rural sont déductibles du revenu professionnel imposable" ;
Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 1er du décret du 26 novembre 1990 relatif au régime complémentaire facultatif d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles, institué en application de l'article 1122-7 du code rural : "Le régime complémentaire d'assurance vieillesse institué par l'article 1122-7 du code rural au profit des chefs d'exploitation et d'entreprise agricoles ainsi que de leur conjoint et des membres de leur famille visés au premier alinéa de l'article 1122-1 du même code fonctionne dans les conditions fixées par les articles suivants" ; qu'aux termes du second alinéa de l'article 1er du même décret : "Sa gestion est assurée, avec le concours des caisses départementales ou pluridépartementales de mutualité sociale agricole, par la caisse nationale d'assurance vieillesse mutuelle agricole" ;
Considérant que le décret attaqué présente un caractère réglementaire ; que dès lors il n'entre pas dans le champ d'application de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Considérant qu'en édictant les dispositions précitées de la loi du 30 décembre 1988 le législateur ne s'est pas borné à prévoir au profit des personnes non salariées des professions agricoles la possibilité de déduire de leur revenu professionnel imposable les cotisations versées au titre d'un contrat d'assurance vieillesse complémentaire mais a entendu instituer un régime complémentaire géré de façon uniforme par un même organisme et dont il a habilité le pouvoir réglementaire à fixer les règles d'organisation et de fonctionnement ; que dès lors les moyens tirés de ce qu'en confiant à la seule caisse nationale d'assurance vieillesse mutuelle agricole la gestion de ce régime le décret attaqué aurait méconnu tant les dispositions de la loi du 30 décembre 1988 que le principe d'égalité et le principe de la liberté du commerce et de l'industrie doivent être écartés ;
Considérant, enfin, que les requérantes invoquent à l'encontre du décret attaqué la méconnaissance des stipulations du traité du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne relatives à la concurrence ; que la réponse à ce moyen dépend de la question de savoir si peut être regardé comme une entreprise au sens des stipulations des articles 85 et suivants dudit traité un organisme à but non lucratif, gérant un régime d'assurance vieillesse destiné à compléter un régime de base obligatoire, institué par la loi à titre facultatif et fonctionnant, dans le respect de règles définies par l'adhésion, les cotisations et les prestations, selon le principe de la capitalisation ; que cette question soulève une contestation sérieuse ; que par suite il y a lieu, en application de l'article 177 du traité du 25 mars 1957 de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des communautés européennes se soit prononcée sur cette question préjudicielle ;
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de la Fédération française des sociétés d'assurance jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur la question posée dans les motifs de la présente décision, laquelle question est renvoyée à la Cour de justice des Communautés européennes.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération française des sociétés d'assurance, à la société Paternelle-Vie, à l'Union des assurances de Paris-Vie, à la Caisse d'assurance et de mutuelle des agriculteurs, à la caisse nationale d'assurance vieillesse mutuelle agricole, au ministre de l'agriculture et de la pêche, au ministre des affaires étrangères et au président de la Cour de justice des Communautés européennes.