Vu la requête et le mémoire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 12 janvier 1991, présentés par M. Y..., demeurant à Condorcet (26110) Nyons ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 21 novembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Drôme en date du 28 novembre 1986 déclarant d'utilité publique l'acquisition et l'aménagement de trois parcelles cadastrées C 424, 425 et 426 de la commune de Condorcet et immédiatement cessibles lesdites parcelles ensemble la décision du préfet de la Drôme rejetant son recours gracieux ;
2°) annule pour excès de pouvoir ledit arrêté et ladite décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bardou, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. X.... Martin, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure suivie devant les premiers juges :
Considérant qu'aux termes de l'article R.193 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Toute partie doit être avertie, par une notification faite conformément aux articles R.139 ou R.140, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience" ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'aucun avis d'audience n'a été adressé à M. Y... ; que M. Y... est, dès lors, fondé à demander l'annulation du jugement susvisé du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a statué sur sa demande ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, d'évoquer la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Grenoble pour y être statué immédiatement ;
Sur la régularité de la procédure d'enquête publique :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R.11-4 du code de l'expropriation, seul applicable dès lors que l'opération projetée n'entrait pas dans le champ d'application de la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 et du décret n° 85-453 du 23 avril 1985, "Le commissaire de la République désigne par arrêté un commissaire-enquêteur ... Le même arrêté précise : - 1°) L'objet de l'enquête, la date à laquelle celle-ci sera ouverte et sa durée qui ne peut être inférieure à quinze jours ; - 2°) Les heures et le lieu où le public pourra prendre connaissance du dossier et formuler ses observations sur un registre ouvert à cet effet ..." ; que l'arrêté en date du 28 juillet 1986 du préfet de la Drôme prescrivant l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique stipulait que le dossier serait déposé à la mairie de Condorcet du 9 septembre au 8 octobre 1986 ; qu'il résulte des pièces versées au dossier que la mairie a été ouverte au moins quinze jours pendant la période indiquée, ainsi que le reconnaît d'ailleurs le requérant ; que, par suite, la circonstance que la mairie n'ait pas été ouverte sans discontinuer pendant cette période et qu'elle ait été fermée pendant six jours consécutifs en raison de la maladie du secrétaire de mairie, n'est pas de nature à affecter la régularité de l'enquête, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la fermeture de la mairie pendant plusieurs jours ait été de nature à empêcher les personnes intéressées par l'enquête de présenter leurs observations ;
Considérant, en second lieu, que la circonstance qu'une première enquête se soit déjà déroulée du 7 février au 8 mars 1986, n'est pas de nature à affecter la régularité de l'enquête critiquée, dès lors que l'arrêté préfectoral pris à la suite de la première enquête et dont le champ était plus large que celui de l'arrêté attaqué, a été retiré, de sorte qu'une nouvelle enquête était nécessaire, et alors qu'au surplus le commissaire enquêteur désigné pour la première enquête avait émis un avis favorable ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des pièces versées au dossier que des copies du rapport du commissaire enquêteur ont été déposées, conformément aux dispositions de l'article R.11-11 du code de l'expropriation, à la mairie de la commune de Condorcet, à la sous-préfecture de Nyons et à la préfecture ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, les autres formalités de publicité prévues par le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 n'étaient pas applicables, dès lors que l'enquête n'entrait pas, compte tenu de son objet, dans le champ de la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement ;
Sur l'utilité publique de l'opération :
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté préfectoral attaqué du 28 novembre 1986 déclare d'utilité publique l'acquisition par la commune de Condorcet des terrains nécessaires à la création d'un parking, à l'aménagement d'une place publique, à la réalisation d'une bretelle de décélération et d'un abri-bus, à la construction d'un équipement rural d'animation ; que les trois premières opérations qui facilitent la desserte du centre du village ont notamment pour effet d'améliorer la sécurité des élèves à la sortie de l'école ; que la quatrième opération répond aux besoins d'une commune à caractère rural ;
Considérant, en second lieu, que le coût de ces opérations, même s'il est important, n'excède pas les capacités financières de la commune de Condorcet ; qu'il est par ailleurs proportionné à l'intérêt que ces opérations présentent pour la commune ;
Considérant, en troisième lieu, que les atteintes portées à la propriété privée par ces opérations ne sont pas excessives par rapport à l'intérêt qu'elles présentent ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne résulte pas des pièces versées au dossier que l'utilisation par la commune des terrains lui appartenant lui aurait permis de réaliser dans des conditions aussi favorables les opérations projetées ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne résulte pas des pièces versées au dossier que la déclaration d'utilité publique ait eu pour objet principal, sous couvert des opérations déclarées d'utilité publique, de favoriser des propriétaires privés en facilitant le désenclavement de leurs parcelles ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 novembre 1986 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 novembre 1990 est annulé.
Article 2 : La demande de M. Y... devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., à la commune de Condorcet et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.