Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 6 août 1990 et 5 décembre 1990, présentés pour la société en nom collectif Guérit, dont le siège est à Saint-Malo (35400) ; la société en nom collectif Guérit demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 8 juin 1990 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 10 avril 1987 par laquelle le directeur des services fiscaux d'Ille-et-Vilaine a refusé de l'autoriser à créer un débit de tabac et de l'agréer comme débitant ;
2°) annule cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret n° 63-706 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme de Saint-Pulgent, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Vier, Barthélemy, avocat de la société en nom collectif Guérit,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 24 mai 1976, codifié à l'article 568 du code général des impôts, "Le monopole de vente au détail est confié à l'administration des impôts qui l'exerce par l'intermédiaire de débitants désignés comme ses préposés et tenus à redevances" ;
Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient la société en nom collectif Guérit ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre à l'administration des impôts d'interdire toute création de débit de tabac dans l'enceinte d'un supermarché ou d'un hypermarché ; qu'ainsi et en tout état de cause, la société en nom collectif Guérit n'est pas fondée à soutenir qu'elles sont incompatibles avec les dispositions réprimant les ententes et les positions dominantes stipulées à l'article 85.1 du traité instituant la Communauté économique européenne ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 37 du même traité : "Les Etats membres aménagent progressivement les monopoles nationaux présentant un caractère commercial, de telle façon qu'à l'expiration de la période de transition soit assurée, dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés, l'exclusion de toute discrimination entre les ressortissants des Etats membres" ; qu'il résulte clairement de ces stipulations qu'en confiant le monopole de la distribution du tabac à l'administration fiscale et en en organisant l'exercice par une procédure d'agrément des préposés à cette distribution, les dispositions précitées de l'article 568 du code général des impôts n'opèrent par elles-mêmes aucune discrimination entre les ressortissants des Etats membres ; qu'ainsi la société en nom collectif Guérit n'est pas fondée à soutenir que ces dispositions sont incompatibles avec les stipulations de l'article 37 précité du traité de Rome ;
Considérant enfin qu'il ressort des pièces du dossier que la société en nom collectif Guérit a sollicité du directeur des services fiscaux d'Ille-et-Vilaine son agrément comme débitant de tabacs manufacturés sans demander corrélativement l'ouverture d'un débit de tabacs dans l'enceinte d'un centre commercial situé à Saint-Malo ; qu'en l'absence de création ou de vacances d'un débit de tabacs, dans le secteur géographique en cause, l'administration était tenue de rejeter, ainsi qu'elle l'a fait, la demande d'agrément présentée par la société en nom collectif Guérit ; que, dès lors, les autres moyens invoqués par la société requérante sont inopérants ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société en nom collectif Guérit n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui répond à tous les moyens présentés en première instance, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de la société en nom collectif Guérit est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société en nom collectif Guérit et au ministre du budget.