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23/06/1993 | FRANCE | N°138571

France | France, Conseil d'État, 10 / 7 ssr, 23 juin 1993, 138571


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 22 juin 1992, présentée pour M. Y... Amin X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule la décision en date du 2 juin 1992 par laquelle le président de la commission nationale de l'informatique et des libertés lui a fait savoir que l'un des membres de cette commission avait procédé à des vérifications concernant les fichiers des renseignements généraux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
Vu le décret n° 78-774 du 17 juillet 1978

;
Vu le décret n° 79-1160 du 28 décembre 1979 ;
Vu le décret n° 86-326 ...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 22 juin 1992, présentée pour M. Y... Amin X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule la décision en date du 2 juin 1992 par laquelle le président de la commission nationale de l'informatique et des libertés lui a fait savoir que l'un des membres de cette commission avait procédé à des vérifications concernant les fichiers des renseignements généraux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
Vu le décret n° 78-774 du 17 juillet 1978 ;
Vu le décret n° 79-1160 du 28 décembre 1979 ;
Vu le décret n° 86-326 du 7 mars 1986 ;
Vu les décrets n os 91-1051 et 91-1052 du 14 octobre 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Genevois, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Delvolvé, avocat de M. Y... Amin X...,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 : "il est interdit de mettre ou conserver en mémoire informatisée, sauf accord exprès de l'intéressé, des données nominatives qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou les appartenances syndicales des personnes" ; que, toutefois, selon le troisième alinéa du même article, pour des motifs d'intérêt public, il peut être fait exception à l'interdiction ci-dessus sur proposition ou avis conforme de la commission nationale de l'informatique et des libertés ; que, sur le fondement de ces dernières dispositions, est intervenu notamment le décret n° 91-1051 du 14 octobre 1991 applicable aux fichiers gérés par les services des renseignements généraux ;
Considérant par ailleurs, que les articles 34 et 45 de la loi posent en principe que toute personne justifiant de son identité a le droit d'interroger les services ou organismes qui détiennent les fichiers visés par ces articles en vue de savoir s'ils contiennent des informations nominatives la concernant ; que le titulaire du droit d'accès a le droit d'obtenir communication de ces informations et peut exiger qu'il soit fait application des dispositions de la loi relatives au droit de rectification ; qu'il est spécifié au troisième alinéa de l'article 45 que "les dispositions des articles 37, 38, 39 et 40 sont également applicables" ; qu'aux termes de l'article 39 de la loi : "En ce qui concerne les traitements intéressant la sûreté de l'Etat, la défense et la sécurité publique, la demande est adressée à la commission qui désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de Cassation ou à la Cour des Comptes pour mener toutes investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires ... Il est notifié au requérant qu'il a été procédé aux vérifications" ;

Considérant que le décret du 14 octobre 1991 portant application de l'article 31, alinéa 3, de la loi du 6 janvier 1978 aux fichiers gérés par les services des renseignements généraux, tout en posant en principe que le droit d'accès à ces fichiers s'exerce "conformément aux dispositions de l'article 39 de la loi", détermine des modalités complémentaires de mise en oeuvre de ce droit, qui sont énoncées respectivement dans les troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article 7 dudit décret ;
Considérant que le troisième alinéa de l'article 7 du décret du 14 octobre 1991 vise les cas d'une part, des informations concernant des personnes ayant obtenu ou sollicitant une autorisation d'accès à des informations protégées en application du décret n° 81-514 du 12 mai 1981 et, d'autre part, des informations relatives à des personnes physiques ou morales qui ont sollicité, exercé ou exercent un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle politique, économique, social ou religieux significatif ; que, dans ces hypothèses, il est prévu que "la commission nationale de l'informatique et des libertés", en accord avec le ministre de l'intérieur, peut constater que ces informations ne mettent pas en cause la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique et qu'il y a donc lieu de les communiquer à l'intéressé" ;
Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 7 du décret : "Lorsque le requérant n'est pas connu du service des renseignements généraux, la commission nationale de l'informatique et des libertés lui indique, avec l'accord du ministre de l'intérieur, qu'aucune information le concernant ne figure dans le fichier" ;

Considérant que le cinquième et dernier alinéa de l'article 7 du décret dispose que : "Le ministre de l'intérieur peut s'opposer à la communication au requérant de tout ou partie des informations le concernant lorsque cette communication peut nuire à la sûreté de l'Etat, à la défense ou à la sécurité publique. Dans ce cas, la commission nationale de l'informatique et des libertés informe le requérant qu'il a été procédé aux vérifications" ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions de l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978 et de celles de l'article 7 du décret du 14 octobre 1991 que la commission nationale de l'informatique et des libertés, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'accès aux fichiers des renseignements généraux, n'est appelée à se prononcer, en tant qu'instance collégiale, que dans l'hypothèse où elle décide de charger un de ses membres habilités par la loi à procéder aux investigations utiles et aux modifications nécessaires ainsi que dans les cas où, à l'initiative du commissaire désigné par elle et après accord du ministre de l'intérieur, elle décide, soit de faire procéder à la communication prévue par le troisième alinéa de l'article 7 du décret, soit en application du quatrième alinéa de cet article, d'informer le requérant qu'il ne figure pas dans le fichier ;
Considérant que M. X... a saisi par lettre du 24 octobre 1991, la commission nationale de l'informatique et des libertés d'une demande tendant à ce que lui soient communiquées "les informations le concernant dans les fichiers des renseignements généraux" ; que, par une lettre en date du 12 février 1992 émanant de son président, a été portée à la connaissance du demandeur la décision de la commission de désigner, en application de l'article 39 de la loi, "l'un de ses membres pour mener toutes investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires" ; que postérieurement à cette décision, dont la légalité n'a pas été contestée par M. X... devant le Conseil d'Etat, le président de la commission nationale de l'informatique et des libertés a avisé le requérant, par lettre du 2 juin 1992, que le membre de la commission chargé de l'exercice du droit d'accès indirect, avait procédé aux vérifications, en application de l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978 et du décret du 14 octobre 1991 ;

Considérant que, rapprochée des termes de la demande formulée par M. X..., la lettre du 2 juin 1992 doit être regardée comme l'informant qu'une décision de refus de communication lui était opposée ; qu'à défaut dans le texte de la lettre de précisions faisant apparaître que la demande de l'intéressé aurait été soumise à la commission sur le fondement soit du troisième, soit du quatrième alinéa de l'article 7 du décret du 14 octobre 1991, le refus de communication s'analyse, eu égard aux dispositions précitées du cinquième alinéa de l'article 7 dudit décret, en une décision du ministre de l'intérieur et de la sécurité publique s'opposant à la communication au requérant des informations le concernant ; qu'aucune disposition ne donne compétence au Conseil d'Etat pour connaître en premier et en dernier ressort des conclusions tendant à l'annulation du refus ainsi opposé à l'intéressé ; qu'il y a lieu, par suite, de transmettre la requête susvisée de M. X... au tribunal administratif de Paris ;
Article 1er : Le jugement des conclusions de la requête de M. X... est attribué au tribunal administratif de Paris.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au président de la commission nationale de l'informatique et des libertés et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 10 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 138571
Date de la décision : 23/06/1993
Sens de l'arrêt : Attribution de compétence
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - COMPETENCE EN MATIERE DE DECISIONS NON REGLEMENTAIRES - MINISTRES - Ministre de l'intérieur - Refus de communication d'informations contenues dans les fichiers gérés par les renseignements généraux (cinquième alinéa de l'article 7 du décret n° 91-1051 du 14 octobre 1991).

01-02-03-02, 26-06-02 Commission nationale de l'informatique et des libertés saisie d'une demande de M. R. tendant à ce que lui soient communiquées les informations le concernant dans les fichiers des renseignements généraux. Désignation par la commission, en application de l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978, d'un de ses membres pour procéder aux vérifications. La lettre par laquelle le président de la commission avise M. R. que le membre de la commission chargé de l'exercice du droit d'accès indirect avait procédé aux vérifications doit être regardée comme l'informant qu'une décision de refus de communication lui était opposée. A défaut dans le texte de la lettre de précisions faisant apparaître que la demande de l'intéressé avait été soumise à la commission sur le fondement soit du troisième soit du quatrième alinéa de l'article 7 du décret du 14 octobre 1991, le refus de communication s'analyse, eu égard aux dispositions du cinquième alinéa de l'article 7 dudit décret, en une décision du ministre de l'intérieur s'opposant à la communication au requérant des informations le concernant.

COMPETENCE - COMPETENCE A L'INTERIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPETENCE EN PREMIER RESSORT DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS - COMPETENCE MATERIELLE - DECISIONS N'EMANANT PAS D'ORGANISMES COLLEGIAUX A COMPETENCE NATIONALE - Décision avisant le titulaire du droit d'accès aux informations le concernant contenues dans un fichier géré par les renseignements généraux (loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 et décret n° 91-1051 du 14 octobre 1991) - Décision l'informant que les vérifications ont été effectuées - dans le cadre du droit d'accès indirect - Décision devant être regardée comme un refus de communication des informations - émanant du ministre de l'intérieur.

17-05-01-01-03 Commission nationale de l'informatique et des libertés saisie d'une demande de M. R. tendant à ce que lui soient communiquées les informations le concernant dans les fichiers des renseignements généraux. Désignation par la commission, en application de l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978, d'un de ses membres pour procéder aux vérifications. La lettre, par laquelle le président de la commission avise M. R. que le membre de la commission chargé de l'exercice du droit d'accès indirect avait procédé aux vérifications, doit être regardée comme l'informant qu'une décision de refus de communication lui était opposée. A défaut dans le texte de la lettre de précisions faisant apparaître que la demande de l'intéressé avait été soumise à la commission sur le fondement soit du troisième soit du quatrième alinéa de l'article 7 du décret du 14 octobre 1991, le refus de communication s'analyse, eu égard aux dispositions du cinquième alinéa de l'article 7 dudit décret, en une décision du ministre de l'intérieur s'opposant à la communication au requérant des informations le concernant. Compétence du tribunal administratif de Paris pour en connaître.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ACCES AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS - COMMUNICATION DE TRAITEMENTS INFORMATISES D'INFORMATIONS NOMINATIVES (LOI DU 6 JANVIER 1978) - Exercice du droit d'accès - Traitements intéressant la sûreté de l'Etat - la défense et la sécurité publique (art - 39 de la loi) - Refus de communication d'informations contenues dans des fichiers gérés par les renseignements généraux - Refus devant être regardé comme une décision du ministre de l'intérieur.


Références :

Décret 81-514 du 12 mai 1981
Décret 91-1051 du 14 octobre 1991 art. 45, art. 7
Loi 78-17 du 06 janvier 1978 art. 31, art. 34, art. 45, art. 39


Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 1993, n° 138571
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. Genevois
Rapporteur public ?: Mme Denis-Linton
Avocat(s) : Me Delvolvé, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1993:138571.19930623
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