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17/03/1993 | FRANCE | N°89244

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 17 mars 1993, 89244


Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA PRIVATISATION, CHARGE DU BUDGET enregistré le 9 juillet 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 23 mars 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à l'établissement "Kadar Trading Establishment", dont le siège est à Vaduz (Principauté du Liechtenstein) la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source auxquelles il avait été assujetti, au titre des années 1977 à 1980 dans

les rôles de la ville de Paris ;
2°) à titre principal, décide que ...

Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA PRIVATISATION, CHARGE DU BUDGET enregistré le 9 juillet 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 23 mars 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à l'établissement "Kadar Trading Establishment", dont le siège est à Vaduz (Principauté du Liechtenstein) la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source auxquelles il avait été assujetti, au titre des années 1977 à 1980 dans les rôles de la ville de Paris ;
2°) à titre principal, décide que l'établissement "Kadar Trading Establishment" sera rétabli au rôle de l'impôt sur les sociétés a raison de l'intégralité des cotisations qui lui avaient été assignées au titre des années 1977 à 1980, et que la retenue à la source initialement assignée au titre des mêmes années soit également rétablie ;
3°) à titre subsidiaire, décide a) que l'établissement "Kadar Trading Establishment" sera rétabli au rôle de l'impôt sur les sociétés au titre des années 1977 à 1980 à raison de bases s'élevant respectivement à 228 000 F, 249 000 F, 276 000 F et 315 000 F, que les droits correspondants soient assortis des intérêts de retard au titre de l'année 1977 et au titre des années postérieures, de la majoration de 25 % pour défaut de souscription de déclaration de résultats ; b) que l'assiette de la retenue à la source sera calculée d'après la nouvelle base de l'impôt sur les sociétés, soit 34 200 F, 37 350 F, 41 400 F et 47 250 F respectivement pour chacune des années 1977 à 1980, avec l'indemnité de retard ;
4°) à titre encore plus subsidiaire, décide que les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés seront fixées à 32 000 F pour l'année 1977 et 48 000 F pour chacune des années 1978 à 1980, et que les droits correspondants soient assortis des intérêts de retard au titre de l'année 1977 et de la majoration de 25 % pour défaut de déclaration de résultats au titre des années postérieures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Belaval, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 209 A du code général des impôts, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : "si une personne morale dont le siège est situé hors de France a la disposition d'une ou plusieurs propriétés immobilières situées en France ou en concède la jouissane gratuitement ou moyennant un loyer inférieur à la valeur locative réelle, elle est soumise à l'impôt sur les sociétés sur une base qui ne peut être inférieure à trois fois la valeur locative réelle de cette ou de ces propriétés" ;
Considérant que ces dispositions n'imposent à l'administration, lorsque celle-ci se propose d'en faire application à un contribuable, aucune méthode particulière d'évaluation de la valeur locative réelle des immeubles concernés ; que par suite le MINISTRE DELEGUE CHARGE DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour accorder à l'établissement "Kadar Trading Establishment" la décharge des impositions mises à sa charge sur la base de la valeur locative réelle de l'ensemble immobilier lui appartenant, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la circonstance que l'administration n'avait pas procédé par voie de comparaison pour évaluer cette valeur locative réelle ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'établissement "Kadar Trading Establishment" ;
Considérant qu'aux termes des dispositions du 2 de l'article 1649 quinquies A du code général des impôts, repris à l'article L.57 du livre des procédures fiscales, tous deux applicables lorsque l'administration suit la procédure contradictoire de redressement, "l'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ..." ; et qu'aux termes des dispositions de l'article 181 A du code, repris à l'article L.76 du livre des procédures fiscales : "les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable ... au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination ..." ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que par deux notifications en date du 18 décembre 1981 et du 18 juin 1982, l'administration a d'une part informé l'établissement "Kadar Trading Establishment" que, faute pour cet établissement d'avoir souscrit dans les délais les déclarations de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés, il se trouvait en situation de taxation d'office, et que l'administration se proposait donc de lui assigner, conformément aux dispositions précitées de l'article 209 A du code, des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés égales au triple de la valeur locative réelle de l'ensemble immobilier dont il était propriétaire ; que d'autre part, l'administration, agissant par la voie de la procédure contradictoire de redressements, a informé par les mêmes notifications l'établissement "Kadar Trading Establishment", qu'elle se proposait de l'assujettir, sur le fondement de l'article 115 quinquies du code, à la retenue à la source, à raison, pour 1977 de la différence entre le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de la même année calculé sur la base de la valeur locative réelle estimée par le service et l'impôt dû au titre de cette même année, et pour 1978 à 1980, de la différence entre la valeur locative réelle de l'ensemble immobilier appartenant à l'établissement et le montant du loyer effectivement perçu ; que ces notifications ne comportaient ni l'une ni l'autre l'exposé de la méthode qui avait permis à l'administration de déterminer la valeur locative réelle, et par suite, de constater que cette valeur locative réelle était supérieure aux loyers pratiqués ; que dès lors, les deux notifications adressées à l'établissement "Kadar Trading Establishment" doivent être regardées comme ne satisfaisant pas aux prescriptions des dispositions susrappelées du code général des impôts et du livre des procédures fiscales, qui leur étaient respectivement applicables ; que dans ces conditions, l'établissement "Kadar Trading Establishment" est fondé à soutenir que la procédure d'imposition est entachée d'une irrégularité de nature à entraîner la décharge des impositions contestées, dès lors que celles-ci étaient, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, assises sur la valeur locative réelle de l'ensemble immobilier lui appartenant ;

Considérant toutefois que le ministre fait valoir à juste titre que, dans sa réclamation au directeur des services fiscaux en date du 28 juin 1983, l'établissement "Kadar Trading Establishment" s'était limité à demander, pour chacune des années 1978 à 1980, que les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés soient ramenées à 48 000 F, et que les droits correspondants soient assortis de la majoration de 25 % prévue par l'article 1733-1 du code général des impôts en cas de défaut de déclaration de résultats dans les délais prescrits ; que le ministre fait également valoir que dans sa réclamation en date du 28 juillet 1983, l'établissement avait accepté une retenue à la source, au titre de chacune des mêmes années d'un montant de 6 000 F assorti des indemnités de retard ; qu'il y a lieu dans ces conditions de remettre à la charge de l'établissement "Kadar Trading Establishment" ces impositions dont il avait accepté le principe ;
Article 1er : L'impôt sur les sociétés auquel l'établissement "Kadar Trading Establishment" a été assujetti est remis à sa charge à concurrence des droits correspondant à des bases d'imposition de 4 800 F pour chacune des années 1978 à 1980 assortis de la majoration de 25 % prévue par l'article 1733-1 du code général des impôts.
Article 2 : Une retenue à la source de 6 000 F au titre de chacune des années 1978 à 1980, assortie des indemnités de retard correspondantes est remise à la charge de l'établissement "Kadar Trading Establishment".
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 23 mars 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DELEGUE CHARGE DU BUDGET est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre du budget et à l'établissement "Kadar Trading Establishment".


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 89244
Date de la décision : 17/03/1993
Sens de l'arrêt : Droits maintenus
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCEDURE - QUESTIONS GENERALES - MOTIVATION - MOTIVATION OBLIGATOIRE - MOTIVATION OBLIGATOIRE EN VERTU D'UN TEXTE SPECIAL - Livre des procédures fiscales - Motivation de la notification de redressement et de la notification des impositions d'office (article L - 57 et L - 76 du livre des procédures fiscales).

01-03-01-02-01-02 En application respectivement des articles L.57 et L.76 du livre des procédures fiscales, la notification d'un redressement doit être motivée pour permettre au contribuable de formuler ses observations et la notification des bases de calcul d'une imposition d'office doit préciser les modalités de leur détermination. Ne satisfont pas à ces exigences des notifications de redressement et d'imposition d'office qui sont fondées sur une prétendue différence entre la valeur locative réelle d'un bien et les loyers pratiqués sans qu'y soit exposée la méthode ayant permis à l'administration de déterminer la valeur locative réelle. Irrégularité de procédure entraînant la décharge des impositions contestées.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT - NOTIFICATION DE REDRESSEMENT - MOTIVATION - Motivation suffisante - Absence - Notification ne comportant pas l'exposé de la méthode ayant servi de base aux redressements.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - TAXATION D'OFFICE - Notification - Motivation - Motivation de la notification de redressement et de la notification des impositions d'office (article L - 57 et L - 76 du livre des procédures fiscales) - Insuffisance de motivation - Irrégularité de nature à entraîner la décharge des impositions contestées.

19-01-03-02-02-05, 19-04-01-02-05-02 Administration fiscale ayant notifié à une société ayant son siège à l'étranger mais propriétaire en France d'un ensemble immobilier d'une part qu'elle se proposait de lui assigner d'office des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés égales au triple de la valeur locative réelle dudit ensemble immobilier (article 209 A du C.G.I.), d'autre part qu'elle se proposait de l'assujettir, sur le fondement de l'article 115 quinquies du C.G.I., à la retenue à la source à raison de la différence entre la valeur locative réelle de l'ensemble immobilier et le montant du loyer effectivement perçu. Ces deux notifications ne comportaient pas l'exposé de la méthode qui avait permis à l'administration de déterminer la valeur locative réelle et de constater que celle-ci était supérieure aux loyers pratiqués. Elles ne satisfaisaient donc pas, respectivement, aux prescriptions de l'article L.76 du livre des procédures fiscales applicable à la procédure d'imposition d'office et à celles de l'article L.57 du même livre applicable à la procédure contradictoire de redressement. La procédure d'imposition est ainsi entachée d'une irrégularité de nature à entraîner la décharge des impositions contestées, dès lors que celles-ci étaient assises sur ladite valeur locative réelle.


Références :

CGI 209 A, 1649 quinquies A, 181 A, 209, 115 quinquies, 1733 par. 1
CGI Livre des procédures fiscales L57, L76


Publications
Proposition de citation : CE, 17 mar. 1993, n° 89244
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Bélaval
Rapporteur public ?: M. Ph. Martin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1993:89244.19930317
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