Vu la requête et le mémoire, enregistrés le 21 mai 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Paul X..., demeurant à Vic-sur-Cere (15800) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule un jugement en date du 20 mars 1986 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge des impositions à l'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1980, 1981 et 1982 ;
2°) lui accorde décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Dulong, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 83 du code général des impôts, qui concerne l'imposition du revenu dans la catégorie des traitements et salaires : "Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés ... : 3° les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales" ; que l'article 156-I du code prévoit que le "déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus" est déduit du revenu global du contribuable et que, dans le cas où ce revenu "n'est pas suffisant pour que l'imputation soit intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la cinquième année inclusivement" ;
Considérant qu'en vertu de ces dispositions, les sommes qu'un salarié qui, s'étant rendu caution d'une obligation souscrite par la société dont il est le dirigeant de droit ou de fait, a dû payer au créancier de cette dernière, sont déductibles de son revenu imposable de l'année au cours de laquelle le paiement a été effectué, à condition que son engagement comme caution se rattache directement à sa qualité de dirigeant, qu'il ait été pris en vue de servir les intérêts de l'entreprise et qu'il n'ait pas été hors de proportion avec les rémunérations allouées à l'intéressé ou qu'il pouvait escompter au moment où il l'a contracté ; que, si cette dernière conditon n'est pas remplie, les sommes payées ne sont déductibles que dans la mesure où elles n'excèdent pas cette proportion ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X..., qui était, à l'époque, président-directeur général de la société anonyme "Imbert", s'est, en 1978, rendu caution, solidairement avec son épouse, salariée de la même société, des obligations souscrites par cette dernière auprès de trois établissements bancaires qui lui avaient consenti des avances, pour un montant total de 7 227 000 F ; qu'après le dépôt de bilan de la société, le 8 septembre 1978, M. X... a dû, en exécution de son engagement de caution, payer des sommes d'un montant total de 1 348 496 F en 1980 et de 878 000 F en 1981 ;
Considérant que l'engagement de caution souscrit par M. X... se rattachait directement à sa qualité de président-directeur général de la société anonyme "Imbert" ; qu'il a eu en vue, en prenant cet engagement, de servir les intérêts de cette société ; que, eu égard aux montants bruts de sa rémunération de président-directeur général et des salaires versés à son épouse, qui se sont élevées au total, en 1978, à 385 151 F, l'engagement de caution souscrit, la même année, par M. X..., solidairement avec son épouse, était hors de proportion avec ces rémunérations, dans lesquelles il n'y a pas lieu, contrairement à ce que soutient M. X..., d'inclure les sommes inscrites au crédit des comptes ouverts à son nom et à celui de son épouse dans les écritures de la société anonyme "Imbert", dès lors qu'il n'est pas établi qu'elles ont eu pour origine des rémunérations perçues par les époux X... au cours de l'année de souscription de l'engagement de caution ; que, toutefois, la somme versée, en 1980, par M. X..., en exécution de son engagement de caution, peut être admise en déduction, à concurrence de 1 200 000 F ; que M. X... est, par suite, fondé à demander, par application des dispositions précitées de l'article 83 et, le cas échéant, de l'article 156-I du code général des impôts, la décharge ou la réduction, consécutive à cette déduction, de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1980 et s'il y a lieu, des années 1981 et 1982, ainsi que la réformation, en ce sens, du jugement attaqué du tribunal administratif de Bordeaux ;
Article 1er : Les bases de l'impôt sur le revenu auquel M. X... a été assujetti au titre de l'année 1980 sont établies après déduction du montant brut déclaré des salaires que lui-même et son épouse ont perçus au cours de cette année, d'une somme de 1 200 000 F.
Article 2 : M. X... est déchargé, dans la proportion découlant de la réduction prononcée par l'article 1er ci-dessus, de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1980 et, s'ily a lieu, des années 1981 et 1982.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 mars 1986 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre du budget.