Vu le recours du ministre d'Etat, ministre des affaires etrangères et du secrétaire d'Etat aux grands travaux enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 6 août 1992 ; le ministre et le secrétaire d'Etat demandent au Conseil d'Etat ;
1°) d'annuler le jugement en date du 10 juillet 1992 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, d'une part, la décision en date du 15 octobre 1991 par laquelle le ministre d'Etat, ministre des affaires etrangères et le secrétaire d'Etat aux grands travaux ont arrêté le principe et les modalités de la réalisation du centre de conférences internationales de Paris, d'autre part, l'arrêté en date du 18 octobre 1991 par lequel le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris a qualifié cette opération de projet d'intérêt général et mis en demeure le maire de Paris de réviser partiellement le plan d'occupation des sols de la ville en vue de sa mise en oeuvre ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par l'association de sauvegarde du site Alma-Champ de Mars et dirigée contre ces décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
Vu le décret n° 89-993 du 22 décembre 1989 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Marimbert, Maître des requêtes,
- les observations de Me Pradon, avocat de l'association de sauvegarde du site Alma-Champ de Mars et de la S.C.P. Ancel, Couturier-Heller, avocat de l'Etablissement public du centre de conférences internationales de Paris,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité en la forme du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R.153-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, dans sa rédaction issue du décret susvisé du 22 janvier 1992 : "Sauf dans les cas mentionnés au premier alinéa de l'article L.9 et à l'article R.149, lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation du jugement en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent présenter leurs observations" ;
Considérant que les dispositions susénoncées, qui sont destinées à provoquer un débat contradictoire sur les moyens que le juge doit relever de sa propre initiative, font obligation à la formation de jugement, lorsqu'elle entend soulever d'office un moyen qui n'a pas été invoqué par les parties ni relevé par son président avant la séance du jugement, de rayer l'affaire du rôle de ladite séance et de communiquer le moyen aux parties ;
Considérant qu'il ressort en l'espèce des pièces du dossier que l'association de sauvegarde du site Alma-Champ de Mars n'avait pas soulevé, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision en date du 15 octobre 1991 par laquelle les ministres requérants ont arrêté le principe et défini les modalités de la construction du centre de conférences internationales de Paris, le moyen tiré de ce que les autorités de l'Etat étaient incompétentes pour prendre une telle décision, faute de relever de la "collectivité intervenante", au sens des dispositions de l'article R.121-13 du code de l'urbanisme ; qu'en annulant par ce motif la décision attaquée sans avoir rayé l'affaire et informé les parties de son intention de relever le moyen susanalysé, le tribunal administratif a entaché sa décision d'irrégularité, en tant qu'elle porte sur les conclusions dirigées contre la décision des ministres ;
Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'annuler dans cette mesure le jugement litigieux et de statuer par voie d'évocation sur les conclusions dirigées contre la décision du 15 octobre 1991 ;
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la requête collective dirigée contre la décision des ministres et celle du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris :
Considérant que la décision par laquelle le ministre d'Etat, ministre des affaires etrangères et le secrétaire d'Etat aux grands travaux ont arrêté le principe de la construction du centre de conférences internationales sur le site du quai Branly et la décision par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris a qualifié cette opération de projet d'intérêt général et mis en demeure la ville de Paris de modifier son plan d'occupation des sols afin d'en permettre la réalisation présentent entre elles un lien suffisant pour faire regarder comme recevables des conclusions à fins d'annulation formées par un même requérant contre ces deux décisions dans un même recours ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du ministre d'Etat, ministre des affaires etrangères et du secrétaire d'Etat aux grands travaux :
Sur les fins de non-recevoir tirées de ce que la décision ministérielle ne ferait pas grief et du défaut d'intérêt pour agir de l'association requérante :
Considérant qu'aux termes de l'article R.121-13 du code de l'urbanisme : "Constitue un projet d'intérêt général au sens de l'article L.121-12 du présent code, tout projet d'ouvrage, de travaux ou de protection présentant un caractère d'utilité publique et répondant aux conditions suivantes : 1°) être destiné à la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'équipement, au fonctionnement d'un service public, à l'accueil des populations défavorisées, à la protection du patrimoine naturel ou culturel, à la prévention des risques, à la mise en valeur des ressources naturelles ou à l'aménagement agricole et rural ; 2°) Avoir fait l'objet : a) soit d'une délibération ou d'une décision d'un des intervenants définis ci-après, arrêtant le principe et les conditions de réalisation du projet et mise à la disposition du public .... Ont la qualité d'intervenants, au sens de l'article L.121-12 du présente code, l'Etat, les régions, les départements, les communes, les groupements de collectivités, les établissements publics et les autres personnes ayant la capacité d'exproprier" ;
Considérant qu'en prenant la décision susanalysée, les ministres ont entendu arrêter, en vue de l'engagement par le préfet de la procédure de projet d'intérêt général, la décision de l'intervenant que mentionnent les dispositions précitées de l'article R.121-13 ; qu'une telle décision, requise par l'article R.121-13 pour que la procédure de projet d'intérêt général puisse être mise en oeuvre, ale caractère d'une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;
Considérant qu'eu égard à son objet et à la localisation du projet, l'association de sauvegarde du site Alma-Champ de Mars justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de la décision des ministres ;
Sur la légalité de la décision ministérielle :
Considérant qu'eu égard à la nature du projet de centre de conférences internationales, qui se rattache à l'exercice des fonctions de l'Etat dans l'ordre de la diplomatie et des relations internationales, ce projet présente un caractère d'intérêt national ; que si l'établissement public créé par le décret susvisé du 22 décembre 1989 a reçu pour mission de réaliser le centre de conférences internationales, notamment en assumant les études préalables, les travaux de construction et d'aménagement des bâtiments et la mise en place de leurs équipements, il résulte des termes même dudit décret que la création et l'emplacement de ce centre ont été arrêtés par les autorités de l'Etat ; qu'il suit de là qu'il appartenait aux ministres compétents, agissant au nom de l'Etat, de prendre la décision attaquée ;
Considérant que le moyen tiré de ce que l'annexe à la décision ministérielle qui décrivait les conditions de réalisation du projet était entachée d'inexactitudes propres à abuser le public quant à la portée réelle de l'opération manque en fait ;
Considérant que l'association de sauvegarde du site Alma-Champ de Mars ne saurait utilement invoquer, au soutien de conclusions dirigées contre la décision ministérielle, qui ne préjuge pas des décisions incombant au préfet au titre de la qualification du projet comme projet d'intérêt général, des moyens tirés de ce que l'opération ne relèverait pas du champ des projets d'intérêt général tel que défini par l'article R.121-13, serait incompatible avec les énonciations de schémas directeurs, ne présenterait pas un caractère d'utilité publique et qu'elle aurait dû être réalisée selon la procédure de l'article L.123-8 du code de l'urbanisme ; que l'association ne saurait davantage se prévaloir des dispositions de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme, qui n'ont d'objet qu'au stade de la délivrance du permis de construire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association de sauvegarde du site Alma-Champ de Mars n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision ministérielle en date du 15 octobre 1991 ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris :
Sur les fins de non-recevoir tirées de ce que la décision ne ferait pas grief et du défaut d'intérêt pour agir de l'association requérante :
Considérant qu'aux termes de l'article L.123-7-1 du code de l'urbanisme : "Lorsqu'un plan d'occupation des sols doit être révisé ou modifié pour être rendu compatible avec les prescriptions nouvelles prises en application de l'article L.111-1-1 ou avec les orientations d'un schéma directeur ou d'un schéma de secteur, approuvé ou arrêté postérieurement à l'approbation du plan, ou pour permettre la réalisation d'un nouveau projet d'intérêt général, le représentant de l'Etat en informe la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale. Dans un délai d'un mois, la commune ou l'établissement public fait connaître au représentant de l'Etat s'il entend opérer la révision ou la modification nécessaire. Dans la négative ou à défaut de réponse dans ce délai, le représentant de l'Etat peut engager et approuver, après avis du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public et enquête publique, la révision ou la modification du plan. Il en est de même si l'intention exprimée de la commune ou de l'établissement public de procéder à la révision ou à la modification n'est pas suivie, dans un délai de 6 mois à compter de la notification initiale du représentant de l'Etat, d'une délibération approuvant le projet correspondant (...)" ; que l'article R.123-35-1 du code de l'urbanisme, pris pour l'application des dispositions susénoncées de l'article L.123-37-1, dispose notamment que le commissaire de la République met en demeure, par arrêté, le maire de modifier ou de réviser le plan d'occupation des sols ;
Considérant qu'eu égard aux effets de la décision par laquelle le préfet qualifie une opération de projet d'intérêt général et met en demeure la collectivité concernée de modifier son plan d'occupation des sols en application de l'article L.123-37-1, cette décision a le caractère d'une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;
Considérant que l'association de sauvegarde du site Alma-Champ de Mars, eu égard à son objet et à la localisation du projet, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de la décision dont il s'agit ; ----Considérant que pour annuler l'arrêté en date du 18 octobre 1991 par lequel le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris a qualifié le projet de centre de conférences internationales de projet d'intérêt général et mis en demeure le maire de Paris de procéder à la révision correspondante du plan d'occupation des sols, les premiers juges se sont fondés sur la circonstance que cette opération, en raison des atteintes excessives qu'elle porterait aux règles édictées par le plan d'occupation des sols, ne revêtirait pas le caractère d'utilité publique requis par les dispositions de l'article R. 121-13 ; ----Considérant qu'eu égard à l'amélioration qu'elle doit apporter aux conditions d'accueil et de travail de délégations étrangères, l'implantation d'un centre de conférences internationales dans ce secteur de la ville de Paris est de nature à contribuer au renforcement du rayonnement diplomatique du pays et de sa capitable ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les sujétions qu'elle comportera pour les riverains, les nuisances qu'elle est susceptible d'engendrer pour l'environnement, les conditions de son insertion dans le site concerné et le coût des investissements nécessaires soient de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique ; que si la mise en oeuvre du projet suppose d'apporter au plan d'occupation des sols de la ville de Paris diverses modifications, qui, en l'espèce, n'affectent d'ailleurs pas la destination générale du terrain d'assiette, cette circonstance ne saurait, à elle seule, être utilement invoquée à l'encontre d'une décision dont l'objet même est, en vertu des dispositions précitées de la loi, de permettre d'imposer de telles modifications ; que c'est, par suite, à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur l'absence d'utilité publique de l'opération pour annuler l'arrêté préfectoral du 18 octobre 1991 ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de cette décision par l'association de sauvegarde du site Alma-Champ de Mars ;
Considérant que l'implantation du centre de conférences internationales constitue une opération d'équipement, au sens des dispositions susénoncées de l'article R. 121-13 ; qu'elle entre donc dans le champ qu'assignent au projet d'intérêt général les dispositions de cet article ;
Considérant que le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec le schéma directeur de la région d'Ile-de-France n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'eu égard à l'ensemble des énonciations du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de Paris relatives à la localisation des services de l'Etat, et notamment de celles qui mettent l'accent sur le rôle international de la capitale et prévoient la possibilité d'implanter un nouveau service international dans le centre de celle-ci, le projet de centre de conférences internationales ne porte, en tout état de cause, pas atteinte aux options fondamentales du schéma ni à la destination générale des sols qu'il prévoit ; Considérant que l'association ne peut utilement se prévaloir de la violation des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, qui n'ont d'objet qu'au stade de la délivrance du permis de construire ;
Considérant que si l'association soutient qu'il y avait lieu pour le préfet d'utiliser la procédure qu'organise l'article L. 123-8 du code de l'urbanisme, selon lequel la déclaration d'utilité publique d'une opération qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ne peut intervenir qu'après une enquête publique ayant porté à la fois sur l'utilité publique de l'opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence, et après un examen conjoint entre l'Etat et les collectivités concernées, il ressort des pièces du dossier que le projet de l'espèce, ne nécessitant aucune expropriation, n'exigeait pas de déclaration d'utilité publique ; qu'ainsi le préfet n'était en tout état de cause pas tenu de mettre en oeuvre les dispositions de l'article L123-8 ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et le secrétaire d'Etat aux grands travaux sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en date du 18 octobre 1991 ; Considérant qu'aux termes du I de l'article 75 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l'association de sauvegarde du site Alma-Champ de Mars la somme qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprise dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 10 juillet 1992 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées devant ce tribunal administratif par l'association de sauvegarde du site Alma-Champ de Mars, ensemble ses conclusions incidentes devant le Conseil d'Etat, sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères, au secrétaire d'Etat aux grands travaux, à l'association de sauvegarde du site Alma-Champ de Mars, la ville de Paris et à l'établissement public du centre de conférences internationales de Paris.