Vu 1°), sous le n° 106 897, la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 28 avril 1989, présentée par M. C..., demeurant ... ; M. C... demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 2 mars 1989 en tant qu'il procède à la nomination de Mme B... et de Mme Z... sur des postes de magistrats à Grenoble ;
Vu 2°), sous le n° 109 008, la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 17 juillet 1989, présentée par M. C..., demeurant ... ; M. C... demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 19 juin 1989 en tant qu'il procède à la nomination de Mlle A... à un poste de magistrat à Grenoble ;
Vu 3°), sous le n° 116 565, la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 7 mai 1990, présentée par M. X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 30 mars 1990 en tant qu'il nomme M. Y... et Mme B... comme juge d'instruction et juge de l'application des peines au tribunal de grande instance de Grenoble et le refus implicite qui a été opposé à sa demande de mutation à Grenoble ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi du 30 décembre 1921 ;
Vu l'ordonnance du 22 décembre 1958 ;
Vu le décret du 22 décembre 1958 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Aberkane, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes n° 106 897 et n° 109 008 de M. C... et la requête n° 116 565 de M. X... présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur l'intervention du syndicat de la magistrature dans la requête n° 116 565 :
Considérant que le syndicat de la magistrature a intérêt à l'annulation des décisions attaquées ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes :
Considérant que, pour demander leur mutation dans le département de l'Isère, les requérants ont fait valoir les droits qu'ils estimaient tenir de la loi du 30 décembre 1921 ; qu'il résulte des dispositions de ladite loi, éclairées par les travaux préparatoires, que les mesures qu'elles prévoient en faveur du rapprochement des conjoints, s'appliquent à tous les agents titulaires d'un emploi permanent de l'Etat, et notamment aux magistrats de l'ordre judiciaire ; que ni l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant statut de la magistrature ni aucune autre disposition législative n'ont abrogé, en tant qu'elles s'appliquent aux magistrats, les dispositions de ladite loi qui ne sont pas incompatibles avec l'application des règles statutaires du corps judiciaire ; que, notamment, le Garde des sceaux, ministre de la justice ne peut utilement soutenir que l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant statut général des fonctionnaires de l'Etat aurait eu pour effet d'abroger implicitement la loi du 30 décembre 1921 dès lors que ledit statut général exclut expressément de son champ d'application les magistrats de l'ordre judiciaire et que l'article 60 n'est pas au nombre de ceux que l'ordonnance du 22 décembre 1958 rend applicable aux magistrats ; qu'il ne peut davantage être soutenu que la loi du 30 décembre 1921 laisserait à l'appréciation des chefs de service l'examen des prétentions dont ils seraient saisis ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en rejetant implicitement la demande à mutation à Grenoble de M. X... par le motif explicité dans ses observations en défense devant le Conseil d'Etat et tiré de ce que la loi du 30 décembre 1921 ne serait pas applicable aux magistrats, le ministre a entaché sa décision d'une erreur de droit ; que M. X... est donc fondé à demander l'annulation du refus implicite qui lui a ainsi été opposé ;
Considérant qu'il résulte du dossier que les nominations attaquées par les requérants sont intervenues à l'issue d'une procédure au cours de laquelle ont été confrontées les situations respectives des divers candidats aux postes dont s'agit ; que le ministre a écarté par principe, lors de ce choix, la prise en considération des droits que certains de ces candidats pouvaient tirer de la loi du 30 décembre 1921 dont ils invoquaient les dispositions ; qu'en conséquence, le choix opéré par le garde des sceaux, ministre de la justice et qui a abouti aux nominations contestées par les requérants est lui-même entaché d'une erreur de droit ; que les requérants sont, par suite, fondés à demander l'annulation de ces nominations ;
Article 1er : L'intervention du syndicat de la magistrature est admise.
Article 2 : La décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice rejetant la demande de mutation de M. X... est annulée.
Article 3 : Le décret du 2 mars 1989 en tant qu'il nomme Mme B... et Mme Z..., le décret du 19 juin 1989 en tant qu'il nomme Mlle A... et le décret du 30 mars 1990 en tant qu'il nomme M. Y... et Mme B..., sont annulés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C..., à M. X..., à Mme B..., à Mme Z..., à Mlle A..., à M. Y..., au garde des sceaux, ministre de la justice et au Premier ministre.