Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 21 mai 1984 et 21 septembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE GAQUERE, représentée par son syndic au règlement judiciaire Me X..., demeurant ... ; la SOCIETE GAQUERE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler un jugement en date du 27 mars 1984 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, saisi sur renvoi de la cour d'appel d'Amiens de l'appréciation de la légalité de la décision implicite d'autorisation du licenciement pour motif économique de M. Y..., a jugé que cette décision était entachée d'illégalité ;
2°) de déclarer que cette décision n'est entachée d'aucune illégalité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Schrameck, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIETE GAQUERE,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SOCIETE GAQUERE a demandé le 10 mai 1981 au responsable de l'inspection du travail de la circonscription régionale du ministère des transports, l'autorisation de licencier pour motif économique neuf salariés dont M. Y... ouvrier-coffreur ; qu'en l'absence de réponse de l'administration, elle a regardé cette autorisation comme tacitement accordée sur le fondement de l'article L.321-9 du code du travail ; que, par un arrêt en date du 15 décembre 1983, la cour d'appel d'Amiens, statuant en matière prud'homale, a sursis à statuer sur le litige opposant M. Y... à la SOCIETE GAQUERE et a saisi le tribunal administratif d'Amiens de la question préjudicielle de l'appréciation de la légalité de l'autorisation tacite de licenciement ;
Considérant que si l'article R.321-8 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur, prescrivait à tout employeur d'adresser une demande d'autorisation de licenciement au directeur départemental du travail et de la main-d'oeuvre, il résultait des dispositions combinées des articles L.611-4, R.321-6 et R.321-9 du même code qu'il appartenait à l'employeur relevant d'une branche d'activité échappant à la compétence du directeur départemental du travail d'adresser sa demande d'autorisation au fonctionnaire chargé du contrôle de l'emploi dans cette branche pour qu'une décision puisse être prise ou regardée comme prise sur cette demande ; qu'il ressort des pièces du dossier que la SOCIETE GAQUERE était soumise au contrôle technique du ministère des transports ; que, dans ces conditions, l'inspecteur du travail de la circonscription régionale du ministère des transports était compétent pour statuer sur sa demande et qu'ainsi en l'absence de réponse de sa part, une décision tacite d'autorisation de licenciement pour motif économique a été acquise ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif s'est refusé à reconnaître l'existence d'une telle décision ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat d'examiner l'autre moyen invoqué par M. Y... pour contester la légalité de l'autorisation litigieuse ; qu'il ressort des pièces du dossier que le motif allégué par la SOCIETE GAQUERE relatif à une forte diminution d'activité constituait un motif économique pouvant servir de base au licenciement envisagé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE GAQUERE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens n'a pas déclaré légale l'autorisation tacite de licenciement concernant M. Y... ;
Article 1er : Le jugement en date du 27 mars 1984 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : Il est déclaré que la décision par laquelle la SOCIETE GAQUERE a été tacitement autorisée à licencier M. Y... est légale.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE GAQUERE, à M. Y..., au secrétaire-greffier de la cour d'appel d'Amiens et au ministre de l'équipement, du logement et des transports.