Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 mars 1989 et 20 juin 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE FRANCAISE DE SUPERMARCHES, dont le siège est ..., représentée par son président en exercice ; la SOCIETE FRANCAISE DE SUPERMARCHES demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement en date du 21 novembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions du ministre des affaires sociales et de l'emploi du 6 février 1987, l'autorisant à licencier M. X... et Mme Y..., membres du comité d'entreprise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Broglie, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Delvolvé, avocat de la SOCIETE FRANCAISE DE SUPERMARCHES et de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de M. Daniel X... et de Mme Y...,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X... et Mme Y..., tous deux membres du comité d'entreprise de la SOCIETE FRANCAISE DE SUPERMARCHES, bénéficiaient, en vertu des dispositions des articles L.412-15 et L.420-22 du code du travail, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentaient, d'une protection exceptionnelle ; qu'il appartenait à l'autorité administrative de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise qui rencontrait de sérieuses difficultés et avait donné ses magasins et son entrepôt en location-gérance à trois sociétés du groupe "RADAR" justifiait le licenciement de M. X... et de Mme Y..., en tenant compte, notamment, de la nécessité des réductions d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement des salariés ;
Considérant en second lieu que la décision de refus de l'inspecteur du travail avait créé des droits au profit des deux salariés en cause et ne pouvait être annulée par le ministre, dans le cadre de son pouvoir de contrôle hiérarchique, que pour des motifs de légalité, compte tenu des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle s'était prononcé l'inspecteur du travail ;
Considérant d'une part que la société requérante ne justifie pas avoir recherché s'il était possible de proposer à M. X... et à Mme Y... un emploi équivalent à celui qu'ils occupaient et qui se trouvait supprimé, au sein de l'entreprise, c'est-à-dire non seulement au siège social et à l'entrepôt de Thiais mais également au sein des magasins, au nombre de plusieurs centaines, que cette entreprise possédait sur le territoire national ;
Considérant d'autr part que la proposition d'inclure ces deux salariés dans une convention de conversion réservée aux salariés ayant fait l'objet d'une autorisation de licenciement et qui n'avait pour objet que de leur donner une formation destinée à faciliter la recherche d'un emploi, ne saurait être regardée comme une proposition de reclassement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que la décision de refus d'autorisation de licenciement opposée par l'inspecteur du travail aux demandes de la SOCIETE FRANCAISE DE SUPERMARCHES concernant M. X... et Mme Y... fût entachée d'illégalité ; que le ministre des affaires sociales et de l'emploi n'a pu par suite légalement en prononcer l'annulation et autoriser l'employeur à procéder à leur licenciement ; que la société requérante n'est dès lors pas fondée à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a prononcé l'annulation pour excès de pouvoir de ladite décision ministérielle ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE FRANCAISE DE SUPERMARCHES est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE FRANCAISE DE SUPERMARCHES , à M. Daniel X..., à Mme Michèle Y... et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.