Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 septembre 1989 et 3 janvier 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Dany X..., demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 5 juillet 1989 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 10 janvier 1986 en tant qu'il a fixé à 60 000 F la somme que la commune de Mont-Saint-Aignan a été condamnée à lui verser en réparation du préjudice qu'elle a subi ;
2°) de condamner la commune de Mont-Saint-Aignan à lui verser la somme de 216 110,67 F avec les intérêts de droit à compter de la première demande et les intérêts des intérêts ;
3°) de condamner la commune de Mont-Saint-Aignan à lui verser la somme de 8 000 F au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret du 2 septembre 1988 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Stahl, Auditeur,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de Mme Dany X... et de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la commune de Mont-Saint-Aignan,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la décision du maire de Mont-Saint-Aignan en date du 18 mars 1975 ayant transformé l'emploi à temps complet de Mme X... en emploi à temps partiel avec une réduction à 40 % de son traitement a été annulée par le Conseil d'Etat le 6 février 1981 ; que sur la demande de Mme X..., le tribunal administratif de Rouen a condamné la commune à verser à l'intéressée la somme de 60 000 F ; que la cour administrative d'appel de Nantes saisie par Mme X... a confirmé ce jugement ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant que si Mme X... soutient que l'arrêt attaqué ne mentionne pas le nom des membres de la formation de jugement ayant statué sur sa demande, il ressort de la copie intégrale de l'arrêt figurant au dossier que la composition de la formation de jugement de la cour administrative d'appel de Nantes a été régulièrement mentionnée ; que la circonstance que cette mention ne figure pas sur l'expédition adressée à Mme X..., comme le fait que les copies de l'arrêt figurant au dossier ne sont pas matériellement signées, sont sans incidence sur la régularité de l'arrêt attaqué ; que par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, la cour administrative d'appel de Nantes a suffisamment motivé son arrêt ; que dès lors les moyens tirés de la prétendue irrégularité de l'arrêt attaqué ne sauraient être accueillis ;
Sur les prétendues erreurs de droit entachant l'arrêt attaqué :
Considérant que pour déterminer l'indemnité à laquelle avait droit Mme X..., la cour administrative d'appel de Nantes a estimé que l'intéressée n'avait pas droit au versement d'une indemnité compensatrice de congés payés, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général ne le prévoyant et qu'elle n'avait pas établi que les frais médicaux exposés et les sommes engagées en vue de l'acquisition d'une maison d'habitation étaient la conséquence directe de la décision illégale ; qu'en se fondant sur ces motifs, la cour n'a entaché son arrêt d'aucune erreur de droit ;
Considérant que l'indemnité à laquelle avait droit Mme X... a été réduite pour tenir compte des manquements de l'intéressée à ses obligations de service ; que la cour administrative d'appel, en procédant ainsi, n'a commis aucune erreur de droit ; que de plus il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas fondé son arrêt sur des constatations de fait entachées d'inexactitude matérielle ;
Sur les intérêts :
Considérant que le tribunal administratif de Rouen a fixé au 18 janvier 1982, date du dépôt de la demande devant lui, la date à partir de laquelle Mme X... avait droit aux intérêts sur l'indemnité qui lui était attribuée ; que Mme X... avait contesté cette date devant la cour administrative d'appel qui n'a pas statué sur ce point ; que son arrêt doit dès lors être annulé en tant qu'il a fixé au 18 janvier 1982 la date à compter de laquelle Mme X... avait droit aux intérêts ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce l'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie que le Conseil d'Etat en application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 statue sur les conclusions présentées par Mme X... devant la cour administrative d'appel, tendant à ce que les intérêts lui soient dus à compter de la date de sa demande à la commune de Mont-Saint-Aignan ;
Considérant que Mme X... a droit aux intérêts sur l'indemnité qui lui a été attribuée à compter du jour de la réception par la commune de sa demande ;
Considérant qu'au 10 mars 1986 il était dû au moins une année d'intérêt ; qu'il y a lieu conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil d'ordonner la capitalisation des intérêts à cette date ;
Considérant que devant le juge de cassation, pour le cas où celui-ci après cassation réglerait l'affaire au fond, Mme X... a demandé, le 8 septembre 1989, qu'il soit procédé à nouveau à la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date, il était dû une nouvelle année d'intérêts ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 doivent être interprétées comme tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'aux termes de cet article : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées de ces mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que Mme X... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamnée à payer à la commune de Mont-Saint-Aignan la somme qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions précitées et de condamner la commune de Mont-Saint-Aignan à payer à Mme X... la somme de 8 000 F au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel deNantes en date du 5 juillet 1989 est annulé en tant qu'il a fixé au 18 janvier 1982 la date à compter de laquelle Mme X... a droit aux intérêts de l'indemnité qui lui est attribuée.
Article 2 : La somme de 60 000 F que la commune de Mont-Saint-Aignan a été condamnée à verser à Mme X... portera intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la commune de la demande de Mme X.... Les intérêts échus les 10 mars 1986 et 8 septembre 1989 seront capitalisés à chacune de ces deux dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme X..., à la commune de Mont-Saint-Aignan et au ministre de l'intérieur et dela sécurité publique.