Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 avril et 24 août 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Eglise de scientologie de Paris, dont le siège social est ..., représentée par son président en exercice ; l'Eglise de scientologie de Paris demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 12 février 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale en date du 24 janvier 1984 accordant une subvention de 100 000 F au Centre de documentation, d'éducation et d'action contre les manipulations mentales aux fins d'éditer une brochure destinée à informer le public sur les différentes sectes ;
2°) annule pour excès de pouvoir ladite décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne des droits de l'homme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Gerville-Réache, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de l'Eglise de scientologie de Paris, de Me Foussard, avocat du ministre des affaires sociales et de l'intégration et de la S.C.P. Lesourd, Baudin, avocat du Centre de documentation, d'éducation et d'action contre les manipulations mentales,
- les conclusions de M. Scanvic, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité en la forme du jugement attaqué :
Considérant qu'en énonçant qu'"en accordant la subvention contestée, le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale n'a violé ni le principe de la neutralité de l'Etat à l'égard des opinions philosophiques ou religieuses, ni celui de l'égalité des citoyens devant les charges publiques dès lors qu'il n'a pas accordé cette aide au profit d'une religion ou d'une école de pensée mais, ainsi qu'il a été dit, en faveur d'une association poursuivant un but d'intérêt général", les premiers juges ont implicitement mais nécessairement écarté le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en violation du principe de la liberté de conscience et de la liberté religieuse et des dispositions de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que, par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'insuffisance de motifs et n'a pas omis de répondre à certains des moyens soulevés par la demanderesse ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le Centre de documentation, d'éducation et d'action contre les manipulations mentales :
Considérant que l'association ainsi dénommée a sollicité et obtenu du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, au cours de l'année 1983, une subvention aux fins d'éditer une brochure destinée à informer le public, et particulièrement les jeunes, des pratiques et des comportements de diverses organisations qualifiées par lui de "sectes" ; que le ministre a accordé une subvention de 100 000 F au centre, lequel a fait paraître, à la fin de l'année 1984, un opuscule intitulé "Les Sectes. Ce qu'il faut en savoir", mettant notamment en cause l'association "Eglise de scientologie de Paris" ;
Considérant qu'eu égard aux risques que peuvent présenter, notamment pour les jeunes, les pratiques de certains organismes communément appelés "sectes", et alors même que certains de ces mouvements prétendent poursuivre également un but religieux, le ministre des affaires sociales a pu légalement, sans porter atteinte à la neutralité de l'Etat ni à la liberté des cultes, participer financièrement à l'information du public concerné sur les pratiques dont il s'agit ; qu'eu égard au contenu de la publication ainsi subventionnée, la décision attaquée n'est entachée ni d'erreur matérielle, ni d'erreur de droit, ni d'une erreur manifeste d'appréciation ; que l'Eglise de scientologie de Paris n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision ;
Article 1er : La requête de l'Eglise de scientologie de Paris est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Eglise de scientologie de Paris et au ministre des affaires sociales et de l'intégration.