Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société Sofcar, société à responsabilité limitée dont le siège social est ... ; la société Sofcar demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 29 août 1984 en tant qu'il a rejeté partiellement sa demande en décharge des cotisations à l'impôt sur les sociétés et à la contribution exceptionnelle qui lui ont été réclamées au titre des exercices clos en 1972, 1973, 1974, 1975 et 1976 et qui ont été réclamées à la société IAE qu'elle a absorbée, au titre des exercices clos en 1973, 1974, 1975 et 1976 ainsi que sa demande en déduction du prélèvement libératoire auquel elle a été assujettie au titre de capitaux mobiliers qu'elle a versés en 1973 ;
2°) lui accorde une réduction complémentaire des cotisations à l'impôt sur les sociétés et la décharge du prélèvement libératoire susmentionnés ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention franco-canadienne du 16 mars 1951 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Meyerhoeffer, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne les frais de gestion et de déplacement :
Considérant qu'en application des articles 38, 39 et 209 du code général des impôts, dans leur rédaction applicable à l'année d'imposition 1973, les charges nées au cours d'un exercice doivent entrer en compte pour la détermination du bénéfice imposable dudit exercice, alors même qu'elles n'auraient pas encore été payées au moment de la clôture de cet exercice, sauf à démontrer que ces charges demeurent incertaines, à la clôture de l'exercice, dans leur principe ou dans leur montant ;
Considérant que la société Sofcar a porté en charges dans sa comptabilité, au cours de l'exercice clos en 1973, des frais de gestion et des frais de déplacement qui lui ont été facturés au cours de cet exercice par la société canadienne "Gamma incorporated" mais qui avaient été réglés, pour son compte, par cette société au cours des exercices clos de 1969 à 1972 ; que la société Sofcar qui était tenue de rembourser ces frais n'établit pas que sa dette, à la clôture de chacun des exercices en cause, ne pouvait être déterminée avec une précision suffisante ; que, dès lors, c'est à bon droit que le service n'a pas admis que ces frais soient pris en compte au titre de l'exercice clos en 1973 et a, par suite, réintégré les sommes correspondantes, d'un montant total de 333 266 F, dans les résultats dudit exercice ;
En ce qui concerne les commissions de représentation :
Considérant que, par un contrat conclu le 8 janvier 1971, la société canadienne "Gamma incorporated" a été chargée par la société Sofcar et la société Iae de les représenter en Angleterre pour la recherche d'une clientèle intéressée par des terrains industriels acquis en Haute-Savoie par la société Sofcar et aménagés par la société Iae ; qu'en contrepartie, il était prévu que ces deux sociétés verseraient à "Gamma incorporated", notamment, une commission de 2 F au mètre carré vendu ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que c'est le dirigeant commun des sociétés Sofcar, Iae et "Gamma incorporated" qui a négocié et conclu la vente d'un terrain dans la zone industrielle de la Ville-la-Grand ( Haute-Savoie) ; que la société requérante ne fait état d'aucun élément ni d'aucune circonstance de nature à établir que la société "Gamma" aurait apporté, pour la réalisation d'une telle opération, une collaboration spécifique ; que, dès lors, l'administration a pu, à bon droit, estimer qu'en versant à la société "Gamma incorporated" des commissions de représentation, les sociétés Sofcar et Iae n'avaient pas agi dans leur intérêt propre et avaient effectué des actes anormaux de gestion ;
Considérant, que si la société requérante se prévaut des dispositions de l'article 5 de la convention franco-canadienne du 16 mars 1951 selon lequel, lorsqu'une entreprise canadienne participant à la gestion d'une entreprise française fait à cette dernière, des conditions nettement plus défavorables que celles qui auraient été faites à une autre entreprise, les sommes ainsi transférées à l'entreprise canadienne sont incorporées au bénéfice imposable de l'entreprise française un tel moyen est inopérant dès lors que ces dispositions n'ont pas pour objet et ne pourraient avoir pour effet de limiter aux seules hypothèses qu'elles visent la possibilité pour l'administration de remettre en cause les opérations effectuées par des sociétés française et canadienne ayant entre elles de tels liens, dès lors que ces opérations ont le caractère, pour la société française, d'un acte anormal de gestion ;
Considérant qu'il suit de là que c'est à bon droit que le vérificateur a rapporté aux résultats de l'exercice clos en 1973 des sociétés Sofcar et Iae les sommes de 257 706 F et 250 000 F portées respectivement en charges et en provisions, à ce titre, par ces deux sociétés ;
Sur le prélèvement libératoire :
Considérant que selon les dispositions du III de l'article 125-A du code général des impôts, les intérêts, arrérages et produits de toute nature dont le débiteur est domicilié ou établi en France sont obligatoirement soumis au prélèvement libératoire prévu par le I du même article lorsque ces revenus sont encaissés par des personnes n'ayant pas en France leur domicile fiscal ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention entre la France et le Canada du 16 mars 1951 : "I. Les revenus de capitaux mobiliers ... sont imposables par l'Etat sur le territoire duquel le débiteur a son domicile lorsque la législation nationale de cet Etat autorise la perception d'un impôt sur ces revenus par voie de retenue à la source" ; qu'enfin l'article 4 de la convention dispose que : "Les revenus des entreprises industrielles minières, commerciales, financières et d'assurances sont imposables dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable" ;
Considérant que les expressions "revenus de capitaux mobiliers" et "revenus d'entreprises commerciales" figurant aux articles 4 et 8 précités de la convention franco-canadienne ne sont pas définies par celle-ci et qu'il y a lieu, dès lors d'appliquer le XI de l'article 2 de cette convention qui stipule que "toute expression ne faisant pas l'objet d'une définition dans la présente convention a, pour chaque Etat contractant, à moins que le contexte ne s'y oppose, la même signification qu'aux termes des lois de cet Etat relatives aux impôts visés dans la présente convention" ; qu'en vertu de l'article 38 du code général des impôts les intérêts des sommes dues à une entreprise industrielle et commerciale sont imposables en France à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et non dans celle des revenus de capitaux mobiliers ; qu'il en est de même lorsque ces intérêts sont versés à des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés dès lors que ces intérêts entrent normalement dans l'assiette de cet impôt ; que, par suite, la société Sofcar est fondée à soutenir que les intérêts d'un montant de 103 090 F qu'elle a versés à la société "Gamma Incorporated" en raison du remboursement tardif des frais que celle-ci a réglés pour son compte constituent non des "revenus de capitaux mobiliers" au sens de l'article 8 de la convention franco-canadienne mais des "revenus d'entreprises commerciales" entrant dans les prévisions de l'article 4 de la convention et donc seulement imposables au Canada ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Sofcar est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas réduit sa base d'imposition de l'année 1973 de la somme de 103 090 F ayant fait l'objet du prélèvement contesté ;
Article 1er : La base d'imposition à l'impôt sur les sociétés assigné à la société Sofcar au titre de l'année 1973 est réduite de 103 090 F.
Article 2 : Il est accordé à la société Sofcar une réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés qui lui a été assignée au titre de l'année 1973 égale à la différence entre cette imposition et celle résultant de ce qui précède.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble endate du 29 août 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Sofcar est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Sofcar et au ministre délégué au budget.