Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 février 1989 et 5 juin 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société anonyme "La Rivière", dont le siège est à "la Rivière" B.P. 2 à St Michel de Fronsac (33126) ; la société demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 15 décembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la lettre du 30 janvier 1987 par laquelle le service régional de l'Institut National des Appellations d'Origine des Vins et Eaux-de-Vie lui a demandé de modifier sa déclaration de récolte et de livrer la quantité récoltée dépassant le plafond légal de classement pour obtenir l'agrément d'appellation d'origine contrôlée pour sa récolte de 1986 ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 74-871 du 15 octobre 1974 ;
Vu le décret n° 74-872 du 19 octobre 1974 modifié par le décret n° 79-751 du 9 novembre 1979 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fratacci, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Boré, Xavier, avocat de la société anonyme "La Rivière" et de Me Parmentier, avocat de l'Institut National des Appellations d'Origine des Vins et Eaux-de-Vie (INAO),
- les conclusions de M. Dutreil, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une lettre du 30 janvier 1987, le service régional de l'Institut National des Appellations d'Origine des Vins et Eaux-de-Vie, saisi d'une déclaration de récolte en vue d'obtenir un certificat d'agrément, présentée par la société anonyme "La Rivière", lui a demandé de modifier cette déclaration, en s'engageant conformément aux dispositions du décret n° 74-872 du 19 octobre 1974 susvisé, à livrer à la transformation la quantité de moût de raisin dépassant le plafond limite de classement ; qu'une telle lettre rejetant la demande initiale et indiquant les conditions auxquelles une nouvelle demande pourrait être accueillie constitue une décision faisant grief à la société et susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'ainsi la société anonyme "La Rivière" était recevable à l'attaquer ; qu'elle est, dès lors, fondée à demander l'annulation du jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande comme irrecevable ;
Considérant, qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société anonyme "La Rivière" devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 74-871 du 19 octobre 1974 : "les vins pour lesquels est revendiquée une appellation d'origine contrôlée ne peuvent être mis en circulation sans un certificat d'agrément, délivré par l'Institut National des Appellations d'Origine des Vins et Eaux-de-Vie (...)" ; qu'aux termes de l'article 5 du décret n° 74-872 du 19 octobre 1974 modifié : "le dépassement du plafond limite de classement entraîne la perte du droit à l'appellation d'origine contrôlée revendiquée ainsi qu'aux appellations plus générales auxquelles le vin pouvait prétendre. Toutefois, en cas de dépassement du plafond limite de classement, le droit à l'appellation d'origine contrôlée peut être accordé dans la limite de ce plafond, par l'Institut National des Appellations d'Origine de Vins et Eaux-de-Vie aux quantités effectives produites sous réserve : (...) 3°) Que le viticulteur ait au moment de sa déclaration de récolte souscrit l'engagement de livrer à la transformation en alcool, vinaigre ou jus de raisin les quantités produites en dépassement du plafond limite de classement, la délivrance du certificat d'agrément prévu à l'article 1er du décret n° 74-871 du 19 octobre 1974 susvisé peut être subordonnée à la livraison à la tranformation en alcool, vinaigre ou jus de raisin des quantités ayant fait l'objet de l'engagement prévu à l'alinéa précédent" ;
Considérant qu'il ressort de ces dispositions qu'en l'absence de dispositions particulières relatives à l'appellation en cause le plafond limite de classement s'applique aux quantités récoltées avant concentration éventuelle ; que, par conséquent, la société anonyme "La Rivière" était tenue, pour obtenir l'agrément qu'elle sollicitait, de livrer les quantités récoltées au-delà du plafond limite de classement en vue de leur tranformation en alcool, vinaigre ou jus de raisin ; que la circonstance que pour d'autres vignobles produisant des vins à appellation d'origine contrôlée, des règles différentes soient applicables est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société anonyme "La Rivière" n'est pas fondée à demander l'annulation de la lettre du service régional de l'Institut National des Appellations d'Origine de Vins et Eaux-de-Vie rejetant sa demande initiale qui ne comportait pas cet engagement ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 15 décembre 1988 est annulé.
Article 2 : : La demande de la société anonyme La Rivière présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme La Rivière, à l'Institut National des Appellations d'Origine des Vins et Eaux-de-Vie et au ministre de l'agriculture et de la forêt.