La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/1991 | FRANCE | N°107258

France | France, Conseil d'État, Section, 05 juillet 1991, 107258


Vu le recours du ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget, enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 18 mai 1989 ; le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 7 mars 1989 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son recours tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 5 août 1986, par lequel le tribunal administratif de Pau a accordé

à Mme Claudette X... décharge des compléments de taxe sur la valeu...

Vu le recours du ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget, enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 18 mai 1989 ; le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 7 mars 1989 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son recours tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 5 août 1986, par lequel le tribunal administratif de Pau a accordé à Mme Claudette X... décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des indemnités de retard y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1980 et 1981, avec toutes conséquences de droit, d'autre part, au rejet de la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Pau ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le décret n° 63-706 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lambron, Maître des requêtes,
- les observations de Me Ricard, avocat de Mme X...,
- les conclusions de Mme Hagelsteen, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts repris à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales : "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été à l'époque formellement admise par l'administration ..." ;
Considérant que, sur le fondement des dispositions précitées, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé le jugement du tribunal administratif de Pau, en date du 5 août 1986, accordant à Mme X... la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 1980 et 1981, au motif que l'intéressée, qui exploitait à Acotz (Pyrénées-Atlantiques) un camping classé, était fondée à se prévaloir des dispositions d'une instruction administrative 3-C-1-79 du 25 juin 1979, commentant les dispositions de l'article 279-a-ter du code général des impôts selon lesquelles sont soumises au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée "les locations d'emplacements sur les terrains de camping classés, à condition que soit délivrée à tout client une note d'un modèle agréé par l'administration indiquant les dates de séjour et le montant de la somme due, et recommandant au service que le taux réduit soit maintenu lorsque les mentions omises sur la note délivrée au client portent sur d'autres points que les dates de séjour ou le montant de la somme due" ;

Considérant que l'instruction en cause ne saurait être utilement invoquée sur le fondement des dispositions du premier alinéa de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris à l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales, dès lors qu'il s'agit d'un document interne à l'administration, qui, n'ayant pas fait, de la part de celle-ci, l'objet d'une diffusion destinée aux contribuables, ne peut être regardé comme comportant une interprétation formelle du texte fiscal au sens desdites dispositions ; que, par suite, l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Bordeaux, en date du 7 mars 1989, a méconnu les dispositions susmentionnées ;
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 11 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif : "S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut, soit renvoyer l'affaire devant la même juridiction statuant, sauf impossibilité tenant à la nature de la juridiction, dans une autre formation, soit renvoyer l'affaire devant une autre juridiction de même nature, soit régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer immédiatement sur le recours présenté par le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget devant la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

Considérant qu'en application des dispositions précitées de l'article 279-a ter du code général des impôts, l'administration a publié une description du modèle de note qui recevait son agrément par une instruction du 28 février 1975, puis annexé un spécimen dudit modèle à une instruction du 2 mars 1979, laquelle dispose que l'exploitant doit remettre au client une note portant un numéro d'ordre tiré d'une série ininterrompue conforme à ce modèle ; que Mme X..., qui exploitait à Acotz un camping classé, n'a pu disposer de notes imprimées et a utilisé en leurs lieu et place des carnets dont les feuillets étaient numérotés de un à cinquante ; que l'administration, estimant que l'exigence d'une numérotation continue n'avait pas été respectée, a refusé le bénéfice du taux réduit à Mme X... et a, par suite, assujetti l'intéressée à des compléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 1980 et 1981 ;
Considérant, d'une part, que si, en vertu des dispositions susrappelées de l'article 279-a-ter du code général des impôts, le ministre était compétent pour fixer par voie d'instruction le modèle de note recevant son agrément, l'instruction susmentionnée du 2 mars 1979, qui avait un caractère réglementaire, n'a pas été publiée au Journal Officiel de la République française ; que son insertion au Bulletin Officiel de la direction générale des impôts n'a pas constitué une publication suffisante pour en rendre les dispositions obligatoires à l'égard des contribuables ; que, dans ces conditions, le service ne pouvait invoquer la méconnaissance par Mme X... des dispositions contenues dans l'instruction du 2 mars 1979, qui n'étaient pas opposables aux contribuables ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que Mme X... a utilisé des carnets numérotés comportant des feuillets eux-mêmes numérotés et assortis d'un double ; qu'il n'est pas contesté que les factures étaient datées et que leurs doubles étaient attachés à la souche des carnets ; que, dans ces conditions, et en l'absence de caractère obligatoire de l'instruction précitée du 2 mars 1979, l'administration ne pouvait regarder comme dénué de valeur probante ce mode de facturation, qui permettait au service d'assurer son contrôle dans des conditions suffisantes pour l'application des dispositions législatives en cause ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement en date du 5 août 1986, le tribunal administratif de Pau a accordé à Mme X... la décharge de l'imposition supplémentaire à laquelle elle a été assujettie au titre de la taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 1978 au 31 décembre 1981, ainsi que des indemnités de retard correspondantes ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 7 mars 1989 est annulé.
Article 2 : Le recours présenté par le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre délégué au budget et Mme X....


Synthèse
Formation : Section
Numéro d'arrêt : 107258
Date de la décision : 05/07/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-01-03-03-04,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - OPPOSABILITE DES INTERPRETATIONS ADMINISTRATIVES - OPPOSABILITE SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L.80 A DU LPF - ABSENCE D'INTERPRETATION FORMELLE -Doctrine n'ayant pas fait l'objet d'une diffusion destinée aux contribuables (1).

19-01-01-03-03-04 Une instruction administrative figurant dans la partie non destinée au public du Bulletin officiel des impôts constitue un document interne à l'administration qui, n'ayant pas fait, de la part de celle-ci, l'objet d'une diffusion destinée aux contribuables, ne peut être regardé comme comportant une interprétation formelle du texte fiscal, et ne saurait être utilement invoquée sur le fondement des dispositions du premier alinéa de l'article 1649 quinquies E du C.G.I., repris à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales.


Références :

CGI 1649 quinquies E, 279 a ter
CGI Livre des procédures fiscales L80
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11

1. Comp. 1987-11-09, Gentizon, n° 46887-47894, T. p. 666, qui retient cependant le critère de la publication, alors que la présente décision retient celui de la diffusion destinée au contribuable


Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 1991, n° 107258
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: M. Lambron
Rapporteur public ?: Mme Hagelsteen
Avocat(s) : Me Ricard, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1991:107258.19910705
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award