Vu 1°) sous le n° 105 192 la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 février 1989 et 17 mars 1989, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par l'association de parents et amis de détenus "Solidarité-Prison", dont le siège social est ..., représentée par son président en exercice ; l'association demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article 34 du décret n° 88-1111 du 12 décembre 1988 relatif à la détermination du revenu minimum d'insertion et à l'allocation du revenu minimum d'insertion et modifiant le code de la sécurité sociale ;
Vu 2°) sous le n° 105 196, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 14 février 1989 et 17 mars 1989, présentés par l'Oeuvre de la visite des détenus dans les prisons dont le siège social est ..., représentée par son vice-président en exercice ; l'Oeuvre de la visite des détenus dans les prisons demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article 34 du décret n° 88-1111 du 12 décembre 1988 relatif à la détermination du revenu minimum d'insertion et à l'allocation du revenu minimum d'insertion et modifiant le code de la sécurité sociale par les mêmes moyens que ceux présentés par l'association de parents et amis de détenus "solidarité-prison" dans la requête visée ci-dessus ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dutreil, Auditeur,
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de l'association de parents et amis de détenus "Solidarité-Prison" et de l'Oeuvre de la visite des détenus dans les prisons sont dirigées contre la même décision ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que les associations requérantes demandent l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions de l'article 34 du décret du 12 décembre 1988 relatif à la détermination du revenu minimum d'insertion et à l'allocation du revenu minimum d'insertion et modifiant le code de la sécurité sociale, aux termes duquel : "Si un allocataire qui n'a ni conjoint, ni concubin, ni personne à charge est admis dans un établissement relevant de l'administration pénitentiaire pour une durée supérieure à trente jours, son allocation est suspendue à compter du premier jour du mois suivant la fin de la période de trente jours. Si l'allocataire a un conjoint, un concubin ou une personne à charge définie à l'article 2, il est procédé immédiatement à un examen des droits dont peuvent bénéficier ces personnes, l'allocataire n'étant plus compté alors au nombre des membres du foyer. Le service de l'allocation est repris à compter du premier jour du mois au cours duquel prend fin la prise en charge par l'administration pénitentiaire." ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution, les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution ;
Considérant que les dispositions précitées de l'article 34 du décret attaqué ne doivent comporter nécessairement aucune mesure réglementaire ou individuelle que le Garde des sceaux, ministre de la justice, aurait compétence pour signer ou contresigner ; que dès lors, le Garde des sceaux n'étant pas chargé de l'exécution du décret attaqué, celui-ci n'avait pas à être soumis à son contreseing ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de contreseing du Garde des sceaux, ministre de la justice, doit être écarté ;
Sur la légalité interne des dispositions attaquées :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er, alinéa 1, de la loi du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion : "Toute personne qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation de l'économie et de l'emploi, se trouve dans l'incapacité de travailler, a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. L'insertion sociale et professionnelle des personnes en difficulté constitue un impératif national. Dans ce but, il est institué un revenu minimum d'insertion mis en oeuvre dans les conditions fixées par la présente loi. Ce revenu minimum d'insertion constitue l'un des éléments d'un dispositif global de lutte contre la pauvreté tendant à supprimer toute forme d'exclusion, notamment dans les domaines de l'éducation, de l'emploi, de la formation, de la santé et du logement" ; qu'il résulte des dispositions de l'article 26, 1er alinéa de la même loi que : "Les conditions dans lesquelles l'allocation peut être réduite ou suspendue lorsque le bénéficiaire ou l'une des personnes prises en compte pour la détermination du revenu minimum d'insertion est admis, pour une durée minimum déterminée, dans un établissement d'hospitalisation, d'hébergement ou relevant de l'administration pénitentiaire sont fixées par voie réglementaire" ;
Considérant que les personnes admises dans un établissement relevant de l'administration pénitentiaire, qu'elles soient détenues à titre provisoire ou en application d'une condamnation pénale, se trouvent prises en charge matériellement par cet établissement ; qu'ainsi, et comme les y autorisaient expressément les dispositions de l'article 26 de la loi du 1er décembre 1988 précité, les auteurs du décret attaqué ont pu, sans méconnaître les dispositions de la loi du 1er décembre 1988 et les principes généraux du droit pénal et des libertés publiques, prévoir la suspension de l'allocation du revenu minimum d'insertion lorsque le bénéficiaire de l'allocation ou l'une des personnes prises en compte pour la détermination du revenu minimum d'insertion est admise pour une durée supérieure à trente jours dans un établissement relevant de l'administration pénitentiaire, quel que soit le motif de cette admission ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret attaqué ;
Article 1er : Les requêtes de l'association de parents et amis de détenus "Solidarité-Prison" et de l'Oeuvre de la visite des détenus dans les prisons sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association de parents et amis de détenus "Solidarité-Prison", à l'Oeuvre de la visite des prisons dans les prisons, au Premier ministre et au ministre délégué à la santé.