Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 août 1988 et 22 décembre 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'UNION HOSPITALIERE PRIVEE, dont le siège est ..., représentée par son délégué général en exercice ; l'UNION HOSPITALIERE PRIVEE demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêté du ministre délégué chargé de la santé et de la protection sociale en date du 9 juin 1988 fixant la limite des secteurs sanitaires et les indices de besoins pour la médecine, la chirurgie et la gynécologie-obstétrique pour la région Centre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière modifiée, notamment par la loi n° 79-1140 du 29 décembre 1979, la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986 et la loi n° 87-575 du 24 juillet 1987 ;
Vu le décret n° 73-54 du 11 janvier 1973 relatif à la carte sanitaire et aux commissions régionales et nationale de l'équipement sanitaire, modifié ;
Vu l'arrêté ministériel du 28 mai 1980 modifiant les indices de besoins en lits d'hospitalisation pour la médecine, la chirurgie et la gynécologie-obstétrique ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dutreil, Auditeur,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, avocat de l'UNION HOSPITALIERE PRIVEE,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté attaqué :
Sur le moyen tiré de la composition irrégulière des commissions qui ont été consultées :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 44 de la loi du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière, dans sa rédaction initiale : "Le ministre de la santé publique et de la sécurité sociale arrête, sur avis de commissions régionales et d'une commission nationale de l'équipement sanitaire, la carte sanitaire de la France" ; que la composition desdites commissions a été fixée par le décret du 11 janvier 1973 relatif à la carte sanitaire et aux commissions régionales et nationale de l'équipement sanitaire, modifié par le décret du 18 février 1976 ; que si l'article 11 de la loi du 29 décembre 1979 a prévu la fusion des commissions régionales et nationale de l'hospitalisation instituées par l'article 34 de la loi du 31 décembre 1970 avec les commissions régionales et nationale de l'équipement sanitaire, il résulte dudit article 11 que les anciennes commissions demeuraient en fonction jusqu'à l'intervention du décret fixant leur nouvelle composition ; qu'enfin, si les articles 4 et 25 de la loi du 6 janvier 1986 ont substitué des commissions régionales et nationale "des équipements sanitaires et sociaux" aux commissions régionales et nationale de l'équipement sanitaire, l'article 74 de cette loi a également prévu que ces derières commissions demeureraient en fonction jusqu'à l'installation des commissions des équipements sanitaires et sociaux ; qu'ainsi, il appartenait au ministre chargé de la santé, dès lors que les décrets modifiant la composition desdites commissions régionales et nationale de l'équipement sanitaire n'étaient pas intervenus, de les consulter dans leur ancienne composition, telle que fixée par le décret du 11 janvier 1973 modifié précité ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la commission régionale et la commission nationale de l'équipement sanitaire consultées préalablement à l'arrêté attaqué auraient été irrégulièrement composées doit être écarté ;
Sur le moyen tiré de ce que la délibération de la commission régionale de l'équipement sanitaire du Centre aurait été entachée d'irrégularité :
Considérant, d'une part, que la participation du chef du service planification de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales de la région Centre, en tant que rapporteur à la séance de la commission régionale de l'équipement sanitaire en date du 21 octobre 1987, n'a pas constitué une irrégularité ; que, d'autre part, il n'est pas établi qu'il ait pris part au vote ; que, par suite, le moyen tiré d'une irrégularité de procédure ne saurait être accueilli ;
En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté attaqué :
Sur le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté du ministre de la santé et de la sécurité sociale en date du 28 mai 1980 :
Considérant qu'aux termes de l'article 44, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1970 précitée : "La carte sanitaire de la France détermine, compte tenu de l'importance et de la qualité de l'équipement public et privé existant, ainsi que de l'évolution démographique et du progrès des techniques médicales : ( ...) 2° Pour chaque région sanitaire, pour chaque secteur sanitaire, la nature, l'importance et l'implantation des installations, comportant ou non des possibilités d'hospitalisation, nécessaires pour répondre aux besoins sanitaires de la population" ; qu'en vertu de l'article premier, troisième alinéa, du décret du 11 janvier 1973 précité, les prévisions figurant sur la carte sanitaire sont "établies sur la base d'indices de besoins afférents aux divers types d'installations et d'équipements déterminés par arrêté du ministre de la santé publique et de perspectives de population ; elles comportent notamment le nombre de lits relevant de chaque discipline ( ...)" ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne s'oppose à ce que le ministre compétent fixe par arrêté, au niveau national, les indices minimaux et maximaux de besoins en lits d'hospitalisation pour la médecine, la chirurgie et la gynécologie-obstétrique, entre lesquels doivent être compris, lors de l'établissement et de la révision des cartes sanitaires régionales, les indices de besoins sectoriels afférents à une même discipline contenus dans ces cartes ; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier qu'en élargissant, par l'arrêté du 28 mai 1980 dont la requérante invoque l'illégalité à l'appui de sa requête, les fourchettes d'indices nationaux fixées par un précédent arrêté en date du 15 avril 1977 portant lui-même modification d'un arrêté en date du 30 octobre 1973, le ministre de la santé et de la sécurité sociale ait fait une appréciation manifestement erronée des besoins sanitaires de la population compte tenu de l'évolution des techniques médicales, de l'importance et de la qualité des équipements hospitaliers et des perspectives de population depuis l'arrêté précité du 15 avril 1977 ; que, par suite, le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté du 28 mai 1980, dont le ministre a fait notamment application en prenant l'arrêté attaqué, doit être écarté ;
Sur les moyens tirés de la violation des dispositions de la loi du 31 décembre 1970 et du décret du 11 janvier 1973 relatives à la carte sanitaire :
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient l'UNION HOSPITALIERE PRIVEE, des perspectives d'évolution démographique, établies conformément aux dispositions de l'arrêté du 15 février 1973 relatif aux perspectives de population retenues pour l'élaboration de la carte sanitaire, ont été prises en compte pour la détermination des indices de besoins en lits de médecine, de chirurgie et de gynécologie-obstétrique fixés par l'arrêté attaqué pour les différents secteurs sanitaires de la région Centre ;
Considérant, d'autre part, que l'administration s'est également fondée, pour déterminer ces indices, sur des "indices de référence" de l'activité hospitalière, établis à partir des durées moyennes de séjour et des taux d'occupation constatés dans les établissements du secteur public et du secteur privé de chaque secteur sanitaire et rapprochés de paramètres nationaux de référence ; que l'utilisation de ces critères et de cette méthode, qui sont destinés et appropriés à la prise en compte pour la révision de la carte sanitaire, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 44 précité de la loi du 31 décembre 1970, de "l'importance et de la qualité de l'équipement public et privé existant" et du "progrès des techniques médicales", n'a entaché l'arrêté ministériel attaqué d'aucune erreur de droit ;
Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre chargé de la santé, qui a tenu compte des avis et propositions exprimés au cours de la procédure consultative menée préalablement au niveau régional et au niveau national, ait commis, en utilisant notamment les indices de référence d'activité hospitalière susmentionnés, d'erreur manifeste d'appréciation des besoins des différents secteurs sanitaires de la région en lits de médecine, de chirurgie et de gynécologie-obstétrique ;
Sur le moyen tiré de l'illégalité de la circulaire du 22 mai 1987 :
Considérant que, par une circulaire en date du 22 mai 1987, le ministre des affaires sociales et de l'emploi a donné pour directives aux autorités chargées de procéder aux travaux de révision des cartes sanitaires régionales du court séjour de conduire ces travaux en prenant en compte les projections démographiques par secteur sanitaire établies sur la base des résultats du recensement de 1982, le nombre de lits publics et privés installés et autorisés par grande discipline et par secteur sanitaire, ainsi que l'analyse de l'activité à partir notamment de la durée moyenne de séjour et du taux d'occupation, rapprochés de la durée moyenne de séjour constatée au niveau national en 1984 pour les établissements publics et de taux d'occupation "cibles" définis par sa circulaire du 6 mars 1984 ; qu'il n'a pas, ainsi, édicté des règles de droit modifiant ou complétant les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1970 et du décret du 11 janvier 1973, ni méconnu les fins poursuivies par les auteurs de ces textes en ce qui concerne l'établissement de la carte sanitaire ; que s'il a été tenu compte de ces directives, qui sont dépourvues de caractère réglementaire, dans les études et avis qui ont précédé l'intervention de l'arrêté attaqué, il ressort des pièces du dossier que le ministre ne s'est nullement départi, en établissant les indices de besoin contestés, de son pouvoir d'appréciation des circonstances propres à chaque secteur sanitaire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris en application d'une circulaire réglementaire illégale ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'UNION HOSPITALIERE PRIVEE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de l'emploi, chargé de la santé et de la protection sociale en date du 9 juin 1988 fixant la limite des secteurs sanitaires et les indices de besoin pour la médecine, la chirurgie et la gynécologie-obstétrique de la région Centre ;
Article 1er : La requête de l'UNION HOSPITALIERE PRIVEE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'UNION HOSPITALIERE PRIVEE et au ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité, chargé de la santé.