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17/12/1990 | FRANCE | N°67044

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 17 décembre 1990, 67044


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 21 mars 1985 et 19 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE MOURS représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE MOURS demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 14 décembre 1984, par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à ce que l'entreprise "La Dunoise" soit déclarée responsable des malfaçons affectant le groupe scolaire primaire et maternel dont l'exécution lui avait été confiée et soit conda

mnée à lui payer les sommes de 27 426,60 F au titre du chauffage, de 6...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 21 mars 1985 et 19 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE MOURS représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE MOURS demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 14 décembre 1984, par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à ce que l'entreprise "La Dunoise" soit déclarée responsable des malfaçons affectant le groupe scolaire primaire et maternel dont l'exécution lui avait été confiée et soit condamnée à lui payer les sommes de 27 426,60 F au titre du chauffage, de 61 957 F au titre du gros euvre sous réserve d'actualisation et de 24 482 F au titre du trouble de jouissance ainsi qu'au paiement des frais d'expertise ;
2°) déclare l'entreprise "La Dunoise" responsable desdites malfaçons et la condamne au paiement des sommes demandées en première instance ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Aguila, Auditeur,
- les observations de Me Vuitton, avocat de la COMMUNE DE MOURS et de Me Copper-Royer, avocat de la société anonyme "La Dunoise" et de Me Z..., syndic du règlement judiciaire de la société "La Dunoise",
- les conclusions de M. Tuot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté les conclusions que la COMMUNE DE MOURS, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, avait dirigées contre l'entreprise "La Dunoise", titulaire d'un marché passé le 8 novembre 1976 pour la création du groupe scolaire primaire et maternel "Jacques X...", à raison des désordres affectant l'installation de chauffage central et le vide sanitaire de ce groupe scolaire ;
Sur la responsabilité :
Sur les désordres affectant le chauffage central :
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier et notamment du rapport d'expertise du 30 octobre 1980 établi en application d'un jugement avant-dire-droit du tribunal administratif de Versailles, que les désordres qui affectaient l'installation de chauffage central étaient, par leur importance, de nature à rendre le groupe scolaire impropre à sa destination ; que ces désordres ne sont apparus qu'au cours de la période d'octobre 1978 à janvier 1979, soit postérieurement à la réception définitive des travaux, laquelle a été prononcée le 18 juillet 1978 ; qu'ils ne pouvaient, dès lors, être regardés comme apparents et couverts par la réception définitive, bien que celle-ci ait été prononcée sans réserves ; que, par suite, la COMMUNE DE MOURS est fondée à soutenir que c'est à tort que, pa le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à mettre en jeu la garantie décennale de l'entrepreneur, à raison de ces désordres ;
Sur les désordres affectant le vide sanitaire :
En ce qui concerne les désordres résultant de l'encombrement du vide sanitaire :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise susmentionné, que le local constituant le vide sanitaire était impraticable, en raison de la présence de poutres et de matériaux non évacués après le chantier, qui obstruaient l'accès à ce local ; que ces désordres étaient apparents à la date de la réception définitive des travaux ; que, par suite, la COMMUNE DE MOURS qui, contrairement à ce qu'elle prétend en appel, a entendu faire jouer la garantie décennale des constructeurs à raison de ces désordres, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'entreprise "La Dunoise" ;
En ce qui concerne le vice de conception affectant le vide sanitaire :
Sur la responsabilité de la société "La Dunoise" :
Considérant que l'absence de drainage et de ventilation n'était pas apparenté à la date de la réception des travaux ; qu'elle est donc de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur la base des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Sur les conclusions de la société "La Dunoise" tendant à être garantie par l'architecte M. Y... :
Considérant que si les désordres dus à l'absence de drainage et de ventilation qui révèle un vice de conception du vide sanitaire sont imputables à M. Y..., architecte, qui était chargé d'adapter le procédé Aubeton, retenu par le maître de l'ouvrage, aux caractéristiques du terrain, l'entrepreneur ne conteste pas avoir accepté, sans faire aucune réserve, de construire un vide sanitaire sans ventilation ni drainage, alors qu'il ne pouvait ignorer ni les caractéristiques du terrain, ni les prescriptions du ministre de l'éducation nationale qui exigeaient que de tels aménagements soient réalisés ; qu'ainsi l'entreprise "La Dunoise" n'est fondée à demander la garantie de l'architecte, à raison de ces désordres, qu'à concurrence de 50 % du montant des travaux destinés à les réparer ;

Considérant que de ce qui précède il résulte que la COMMUNE DE MOURS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions dirigées contre l'entreprise "La Dunoise" à raison des désordres dus au vice de conception du vide sanitaire ; que l'entreprise "La Dunoise" est également fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a décidé qu'il n'y avait lieu de statuer sur ses conclusions en garantie dirigées contre M. Y..., architecte, mais que lesdites conclusions ne peuvent être accueillies que dans la limite de 50 % du montant de la réparation des désordres en cause ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant, en premier lieu, que l'évaluation à 27 426,60 F du coût de la réfection de l'installation de chauffage n'est pas contestée ; qu'il y a lieu de condamner l'entrepreneur à payer cette somme à la COMMUNE DE MOURS ;
Considérant, en second lieu, que l'évaluation des dommages subis par la COMMUNE DE MOURS du chef de l'absence de ventilation et de drainage du vide sanitaire devait être faite à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer ; qu'en l'espèce, cette date est au plus tard celle du 3 novembre 1980 à laquelle l'expert désigné a déposé son rapport qui définissait avec une précision suffisante la nature et l'étendue des travaux ; que, par suite, la COMMUNE DE MOURS, qui n'invoque aucune difficulté financière ou technique majeure susceptible d'avoir retardé l'exécution des travaux, n'est pas fondée à demander l'actualisation de la somme correspondant à la réfection du vide sanitaire ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner l'entreprise "La Dunoise" à payer à la commune la somme de 36 668 F, qui résulte de l'évaluation à laquelle a procédé l'expert et de condamner M. Y... à garantir l'entreprise à hauteur de 18 334 F ;

Considérant, en revanche, que la commune n'apporte pas la preuve de l'existence d'un trouble de jouissance qui trouverait son origine dans les désordres susmentionnés ; que, par suite, ses prétentions tendant à ce que lui soit allouée la somme de 24 482 F de ce chef ne sauraient être accueillies ; que, dans ces conditions, la condamnation de l'entreprise "La Dunoise" envers la COMMUNE DE MOURS doit être limitée au paiement des sommes susmentionnées de 27 426,60 F et de 36 668 F, soit au total 64 094,60 F ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge définitive de l'entreprise les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Versailles le 28 septembre 1979 ;
Article 1er : L'entreprise "La Dunoise" est condamnée à payer à la COMMUNE DE MOURS la somme de 64 094,60 F.
Article 2 : M. Y... est condamné à garantir l'entreprise "La Dunoise" à concurrence de 18 334 F.
Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Versailles le 28 septembre 1979 sont mis à la chargede l'entreprise "La Dunoise".
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 14 décembre 1984, est réformé en ce qu'il a de contraire àla présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE MOURS et le surplus des conclusions d'appel en garantie de l'entreprise "La Dunoise" dirigées contre M. Y... sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MOURS, à l'entreprise "La Dunoise", à M. Y..., à Me Z..., syndic et au ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 67044
Date de la décision : 17/12/1990
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - RESPONSABILITE DE L'ARCHITECTE - FAITS DE NATURE A ENGAGER SA RESPONSABILITE - Vice de conception (1) - s.

39-06-01-04-04-01, 39-06-01-06 Si les désordres dus à l'absence de drainage et de ventilation qui révèle un vice de conception du vide sanitaire sont imputables à l'architecte, qui était chargé d'adapter le procédé retenu par le maître de l'ouvrage aux caractéristiques du terrain, l'entrepreneur ne conteste pas avoir accepté, sans faire aucune réserve, de construire un vide sanitaire sans ventilation ni drainage, alors qu'il ne pouvait ignorer ni les caractéristiques du terrain, ni les prescriptions du ministre de l'éducation nationale qui exigeaient que de tels aménagements soient réalisés. Ainsi l'entrepreneur n'est fondé à demander la garantie de l'architecte, à raison de ces désordres, qu'à concurrence de 50 % du montant des travaux destinés à les réparer.

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - ACTIONS EN GARANTIE - Action en garantie de l'entrepreneur contre les architectes - Responsabilité engagée en cas de faute simple - Erreurs de conception - Absence de drainage et de ventilation (1).


Références :

Code civil 1792, 2270

1.

Cf. 1977-01-26, S.A.R.L. Tecres, T. p. 895 ;

1982-05-26, Ville de Chamonix-Mont-Blanc et autres, T. p. 673 ;

Comp. Section 1966-10-21, Sieur Benne, p. 562 ;

1983-12-21, Société méditerranéenne de bâtiments industrialisés, T. p. 786


Publications
Proposition de citation : CE, 17 déc. 1990, n° 67044
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Aguila
Rapporteur public ?: M. Tuot

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:67044.19901217
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