Vu le jugement du 8 mars 1982 du conseil de prud'hommes de Bobigny, enregistré au greffe du tribunal administratif de Paris le 14 mai 1982 et renvoyant à ce tribunal la question préjudicielle de l'appréciation de la légalité des dispositions de l'article 82 du règlement PS6 de la Société Nationale des Chemins de Fer Français au regard des dispositions du deuxième alinéa de l'article L.521-1 du code du travail ;
Vu l'ordonnance du 25 mai 1982, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 1er juin 1982, par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R.74 du code des tribunaux administratifs, la question préjudicielle dont il était saisi par le jugement visé ci-dessus ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 ;
Vu le décret n° 50-637 du 1er juin 1950 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dutreil, Auditeur,
- les conclusions de M. Tuot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par un jugement du 8 mars 1982, le conseil de prud'hommes de Bobigny a sursis à statuer sur la demande de M. X... tendant à ce que fût fixé à la date du 1er octobre 1979 son avancement à l'échelon supérieur jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la légalité, contestée par M. X..., des dispositions alors en vigueur de l'article 82 du règlement PS6 de la Société Nationale des Chemins de Fer Français en vertu desquelles les absences motivées par une cessation concertée du travail entraînent une suspension des droits à l'avancement en échelon ;
Sur l'exception d'incompétence soulevée par le ministre des transports et de la mer :
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées de l'article L.134-1 du code du travail et du décret susvisé au 1er juin 1950, les conditions d'emploi et de travail du personnel de la Société Nationale des Chemins de Fer Français ne sont pas déterminées par des conventions et accords collectifs du travail, mais par un statut des relations collectives entre la Société Nationale des Chemins de Fer Français et son personnel qui, constituant un élément de l'organistion du service public exploité, a le caractère d'un règlement administratif ; que les dispositions litigieuses du règlement PS6 de la Société Nationale des Chemins de Fer Français, relatif au déroulement de la carrière des agents, sont elles-mêmes un élément de ce statut réglementaire ; qu'il suit de là que la juridiction administrative est compétente pour apprécier la légalité de ces dispositions ;
Sur la légalité des dispositions de l'article 82 du règlement PS6 de la Société Nationale des Chemins de Fer Français :
Considérat qu'en vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article L.521-1 du code du travail issu de la loi du 17 juillet 1978, l'exercice de la grève "ne saurait donner lieu de la part de l'employeur à des mesures discriminatoires en matière de rémunérations et d'avantages sociaux" ; qu'en édictant cette interdiction, le législateur a énoncé un principe général du droit du travail applicable aux entreprises publiques dont le personnel est doté d'un statut réglementaire et qui n'est pas incompatible avec les nécessités de la mission de service public confiée à la Société Nationale des Chemins de Fer Français ; qu'en prévoyant que les droits à l'avancement en échelon sont suspendus pendant les absences motivées par la cessation concertée du travail, au même titre que pour les absences irrégulières alors que cette suspension ne s'applique pas sauf dans quelques cas particuliers, aux absences à caractère régulier, les dispositions de l'article 82 du règlement PS6 de la Société Nationale des Chemins de Fer Français ont institué une discrimination prohibée par le principe général susrappelé et sont, par suite, entachées d'illégalité ;
Article 1er : Les dispositions de l'article 82 du règlement PS6 de la Société Nationale des Chemins de Fer Français sont déclarées illégales en tant qu'elles prévoient la suspension des droits à l'avancement en échelon pour les absences motivées par la cessation concertée du travail.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au conseil de prud'hommes de Bobigny, à la Société Nationale des Chemins de Fer Français et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.