Vu, enregistré le 16 juin 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 12 juin 1990 par lequel le tribunal administratif de Dijon, avant de statuer sur la requête de M. René X..., représenté par son syndic Me Y..., tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée il a été assujetti au titre des années 1980 à 1984, a décidé, en application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du Contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d'Etat en soumettant à son examen la question suivante : dans le cas d'un contribuable tenant une comptabilité hors taxes, le fait de ne pas comptabiliser la totalité de ces créances de taxe sur la valeur ajoutée sur les clients, à l'actif du bilan, et de sa dette de même montant envers le Trésor public, au passif de ce compte, a-t-il pour effet de procurer à l'entreprise, à concurrence de la taxe sur la valeur ajoutée rappelée, un profit passible de l'impôt sur le revenu, y compris lorsque le contribuable n'a pas revendiqué le bénéfice des dispositions de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales relatives à la déduction en cascade ? ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Ménéménis, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;
L'article 38-1 du code général des impôts prévoit que le bénéfice imposable est "le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises".
Il résulte de ces dispositions qu'un contribuable réalisant des opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et tenant une comptabilité hors taxes qui, avant la clôture d'un exercice, n'a ni enregistré certaines créances acquises sur ses clients pendant un exercice pour leur montant total correspondant au prix convenu et les encaissements correspondants éventuellement intervenus, ni déclaré et acquitté spontanément la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces opérations par versement au Trésor ou compensation avec son crédit de taxe déductible, a minoré son résultat imposable de cet exercice non seulement du montant hors taxe de ces opérations mais du montant de la taxe y afférente.
En effet dans un tel cas, si les créances sur les clients acquises au cours de l'exercice n'ont pas été éteintes avant sa clôture, elles ne sauraient figurer à l'actif au bilan de clôture pour un montant inférieur au prix convenu. Si, au contraire, le client s'est acquitté de sa dette au cours de l'exercice, le poste disponibilités à l'actif du bilan de clôture doit être majoré du montant de la taxe puisque l'encaissement par l'entreprise de la taxe, qui, par nature, constituait un élément du prix convenu, n'a - par hypothèse même - été contrebalancé ni par un décaissement au profit du Trésor ni par une annulation à due concurrence de la créance de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur le Trésor. Par ailleurs, la taxe en cause n'a, à la clôture de l'exercice, pas encore été liquidée en l'absence soit d'un acquittement spontané, soit d'une mise en recouvrement par l'Etat créancier et ne peut pas non plus être regardée comme l'ayant été spontanément par l'entreprise débitrice puisque les opérations auxquelles elle se rapporte n'ont pas été incluses dans les déclarations de chiffre d'affaires souscrites pendant l'exercice. Elle ne constitue dès lors pas une dette devant être prise en compte dans le passif du bilan de clôture de l'exercice.
Ce n'est donc que s'il avait demandé en temps utile le bénéfice de la déduction "en cascade" prévue par l'article L. 77 alinéa 1 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable en l'espèce que le contribuable ayant fait l'objet d'une vérification simultanée de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'impôt sur le revenu aurait, dans le cas susmentionné, été en droit d'obtenir la déduction du rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre d'un exercice du résultat imposable du même exercice. En l'absence d'une telle demande, ce rappel n'est déductible que du résultat de l'exercice au cours duquel il a été mis en recouvrement, par application de l'article 39-1-4° du code général des impôts.
Le présent avis sera notifié au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget, au Président du tribunal administratif de Dijon et à M. X... et sera publié au Journal Officiel de la République française.