Vu 1°, sous le n° 88 643, la requête, enregistrée le 22 juin 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société anonyme "ETERNIT INDUSTRIES", dont le siège social est ..., représentée par son président-directeur général en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- réforme le jugement du 9 avril 1987 par lequel le tribunal administratif de Rennes a condamné le département d'Ille-et-Vilaine à lui verser une indemnité de 3 074 307 F avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 1981, les intérêts échus les 11 avril 1985 et 17 avril 1986 étant capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts qu'il estime insuffisant, en réparation du préjudice subi du fait des inondations survenues les 12 et 13 mai 1981 sur le territoire de la commune de Saint-Grégoire,
- condamne le département d'Ille-et-Vilaine à lui verser la somme de 6 158 699 F avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 1981, lesdits intérêts devant être cristallisés aux dates des 11 avril 1985 et 17 avril 1986,
Vu 2°, sous le n° 88 667, la requête enregistrée le 23 juin 1987 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le DEPARTEMENT D'ILLE ET VILAINE, représenté par le président du conseil général, domicilié ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 9 avril 1987, par lequel le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à la société anonyme "Eternit Industries" une indemnité de 3 074 307 F, avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 1981, les intérêts échus les 11 avril 1985 et 17 avril 1986 étant capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts, en réparation du préjudice du fait des inondations survenues les 12 et 13 mai 1981 sur le territoire de la commune de Saint-Grégoire et a mis à sa charge les frais d'expertise s'élevant à la somme de 50 183,58 F,
- rejette la demande présentée par la société anonyme "Eternit Industries" devant le tribunal administratif de Rennes,
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Aberkane, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Defrénois, Lévis, avocat de la société anonyme "ETERNIT INDUSTRIES" et de la S.C.P. Le Prado, avocat du DEPARTEMENT D'ILLE-ET-VILAINE,
- les conclusions de M. de la Verpillière, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes du DEPARTEMENT D'ILLE-ET-VILAINE et de la société anonyme "ETERNIT INDUSTRIES" sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la requête du DEPARTEMENT D'ILLE-ET-VILAINE :
Considérant que par une décision de ce jour le Conseil d'Etat statuant au Contentieux a confirmé le jugement en date du 9 avril 1987 par lequel le tribunal administratif de Rennes a déclaré le DEPARTEMENT D'ILLE ET VILAINE entièrement responsable des dommages subis par la société "ETERNIT INDUSTRIES" les 12 et 13 mai 1981 du fait du débordement des eaux du canal d'Ille-et-Rance ; que, par suite, le DEPARTEMENT D'ILLE ET VILAINE, qui se borne à soutenir qu'il ne serait pas responsable de ces dommages sans en contester le montant, n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à la société la somme de 3 074 307 F, avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 1981, les intérêts échus les 11 avril 1985 et 17 avril 1986 étant capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts, et a mis à sa charge les frais d'expertise ;
Sur la requête de la société "ETERNIT INDUSTRIES" :
Considérant que la société "ETERNIT INDUSTRIES" réclame 108 608 F au titre "des coûts administratifs", évaluation retenue par expert ; que toutefois, un certain nombre de dépenses alléguées, notamment le remplacement de la moquette et le retraçage de plans, ne sont pas suffisamment établies ; que la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en fixant à 30 000 F le préjudice indemnisable, le tribunal administratif en aurait fait une évaluation insuffisante ;
Considérant que la société "ETERNIT INDUSTRIES" a dû faire procéder à l'enlèvement des déchets résultant des inondations dont elle a été victime ; que bien qu'elle l'ait fait sur une période de trois ans, le dommage qu'elle a ainsi subi présente un caractère direct et certain ; que, par suite, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif n'a retenu, pour fixer l'indemnité qu'il lui a allouée, que le montant des dépenses engagées par elle au cours de l'année 1981, soit 126 128 F ; qu'il sera fait une juste appréciation des dommages subis par elle en lui allouant à ce titre la somme de 556 000 F ;
Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que l'établissement affecté par l'inondation était l'un des établissements de la société "ETERNIT INDUSTRIES" ; que le volume du stock, centralisé au siège social et réparti sur les différentes usines de France, était de l'ordre de 200 millions de francs au 31 décembre de chaque année ; qu'une faible proportion des matériels stockés dans l'établissement sinistré a été détruite par l'inondation ; qu'il n'est pas établi que l'inondation ait entraîné la rupture des stocks au niveau du groupe, la réduction du chiffre d'affaires et du bénéfice escompté et par suite d'une perte de clientèle ; qu'ainsi c'est à bon droit que le tribunal administratif a refusé d'indemniser la perte de bénéfice invoquée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société "ETERNIT INDUSTRIES" est fondée à demander que l'indemnité qui lui a été allouée par le tribunal administratif de Rennes soit portée de 3 074 307 F à 3 504 179 F et que le jugement attaqué soit réformé en ce sens ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant qu'en appel, la capitalisation des intérêts a été demandée le 22 juin 1987 et le 8 avril 1988 ; qu'au 22 juin 1987, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ; qu'en revanche, au 8 avril 1988, il n'était pas dû une année d'intérêts ; que, dès lors, il y a lieu de rejeter cette demande ;
Article 1er : La somme que le DEPARTEMENT D'ILLE-ET-VILAINE a été condamné à verser à la société "ETERNIT INDUSTRIES" par le jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 avril 1987 est portée de 3 074 307 F à 3 504 179 F. Les intérêts échus le 22 juin 1987 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 avril 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : La requête du DEPARTEMENT D'ILLE-ET-VILAINE et le surplus des conclusions de la requête de la société "ETERNIT INDUSTRIES" sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme "ETERNIT INDUSTRIES", au DEPARTEMENT D'ILLE-ET-VILAINE et au ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de l'environnement et de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs.