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04/04/1990 | FRANCE | N°66867

France | France, Conseil d'État, 9 / 7 ssr, 04 avril 1990, 66867


Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 14 mars 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule un jugement en date du 16 octobre 1984 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a accordé à M. X... la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1974 à 1977 dans les rôles de la commune de Saint-Quintin-sur-Sioule (Puy-de-Dôme) ;
2- remette à la charge d

e M. X... les impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ...

Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 14 mars 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule un jugement en date du 16 octobre 1984 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a accordé à M. X... la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1974 à 1977 dans les rôles de la commune de Saint-Quintin-sur-Sioule (Puy-de-Dôme) ;
2- remette à la charge de M. X... les impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Bechtel, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Lemaitre, Monod, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme Liébert-Champagne, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de l'appel du ministre :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement du tribunal administratif en date du 16 octobre 1984 n'a été notifié au directeur des services fiscaux du Puy-de-Dôme que le 14 décembre de la même année ; qu'ainsi, et nonobstant la circonstance que le même jugement ait été notifié à M. X..., demandeur en première instance, le 31 octobre 1984, le délai fixé au ministre par l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales pour se pourvoir en appel n'était pas expiré à la date du 14 mars 1985, à laquelle celui-ci a été enregistré ; que, dès lors, M. X... n'est pas fondé à soutenir que l'appel du ministre était tardif et, par suite, irrecevable ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour rectifier les revenus fonciers de M. X... au titre des années 1974 à 1977, le vérificateur s'est fondé sur la circonstance que la société civile immobilière du Château de Saint-Quintin-sur-Sioule dont M. X... était le principal actionnaire, n'aurait été constituée que pour permettre à celui-ci d'échapper à l'impôt, circonstance qui a été révélée par le contrôle de la comptabilité de ladite société ; que cette appréciation a conduit l'administration à appliquer la procédure prévue à l'article 1649 quinquies B en cas d'abus de droit ; qu'ainsi les redressements des revenus fonciers de M. X... n'ont pas résulté d'un contrôle de la comptabilité professionnelle de ce dernier et ne peuvent donc être regardés comme résultant d'une procédure qui n'a pas été prévue pour cette catégorie d'imposition ; que le ministre est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, pour ce motif, prononcé la décharge des impositions litigieuses ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur l'ensemble des conclusions présentées en première instance par M. X... :
Sur le principe de l'application de la procédure prévue en cas d'abus de droit :
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quinquies B : "Les actes dissimulant la portée véritable d'un contrat ou d'une convention sous l'apparence de stipulations donnant ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés, ou déguisant soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus, ou permettant d'éviter soit en totalité, soit en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires afférentes aux opérations effectuées en exécution de ce contrat ou de cette convention ne sont pas opposables à l'administration, laquelle supporte la charge de la preuve du caractère réel de ces actes devant le juge de l'impôt lorsque, pour restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse, elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif dont la composition est indiquée à l'article 1653 C ou lorsqu'elle a établi une taxation non conforme à l'avis de ce comité." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a fondé, en 1969, avec son épouse et ses deux enfants une société civile immobilière ayant pour objet l'acquisition et la gestion du Château de Saint-Quintin-sur-Sioule ainsi que de diverses terres et dépendances ; que, M. X... a, dès 1973, racheté à ses enfants l'ensemble des parts qu'ils détenaient à l'exception de deux, et a entrepris sur le domaine acquis, dont une partie est classée monument historique et une autre inscrite à l'inventaire des sites, d'importants travaux de rénovation qui l'ont conduit à déduire des résultats de la société civile immobilière des déficits s'élevant pour les années 1974 à 1977 à 1 200 000 F ; que la société civile immobilière a consenti, à compter de 1973, à M. X... un bail pour un loyer de 20 000 F par an, qui n'a fait l'objet d'aucune augmentation à l'issue des importants travaux effectués et a au contraire été réduit en 1978 à 16 000 F ; que M. X... a supporté seul à compter de 1974, l'ensemble des charges nées de la restauration du château ;

Considérant qu'il résulte des circonstances ci-dessus rappelées que l'administration doit être regardée comme établissant que la société civile immobilière du Château de Saint-Quintin-sur-Sioule a été créée au profit du seul M. X... dans le but de faire échec aux dispositions de l'article 15-II du code général des impôts qui excluent, sauf certaines exceptions, le droit de déduire des charges afférentes à des immeubles dont le propriétaire se réserve la jouissance ; qu'elle a dès lors à bon droit rejeté l'imputation des déficits fonciers litigieux sur les résultats de la société civile immobilière et procédé aux redressements correspondants sur les revenus fonciers de M. X..., avec application des pénalités de 200 % prévues en cas d'abus de droit par l'article 1732 du code ;
Sur le montant des impositions :
Considérant que M. X... soutient qu'il doit, s'il est regardé comme le propriétaire des biens en cause, bénéficier des dispositions de l'article 41 E de l'annexe III au code général des impôts qui a prévu que les charges foncières afférentes aux immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire peuvent être déduites de l'impôt sur le revenu ; que l'administration a, pour la détermination des redressements litigieux, admis la déduction de 50 % desdites charges, prévue par l'article 41 F de l'annexe III pour les immeubles non ouverts au public, alors que M. X... demande le bénéfice des dispositions du même article 41 F qui prévoient une déduction de 75 % des charges lorsque l'immeuble est ouvert au public et des dispositions de l'article 41 H qui étendent aux immeubles qui ne sont ni classés ni inscrits le bénéfice d'une déduction, à hauteur de 25 % des mêmes charges à condition qu'ils soient ouverts au public ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... ne peut justifier que l'immeuble lui appartenant était ouvert au public au cours des années 1974 à 1977 dans les conditions et pour la durée fixées à l'article 17 ter de l'annexe IV du code général des impôts pris pour l'application des articles 41 F et 41 H de l'annexe III ; qu'ainsi il ne pouvait en tout état de cause se prévaloir pour la période vérifiée des dispositions de ce texte et qu'il n'est dès lors pas fondé à demander une déduction des frais litigieux supérieure à la déduction de 50 % admise par l'administration ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 16 octobre 1984 et le rejet de la demande en décharge présentée par M. X... ; qu'il y a ainsi lieu de remettre à la charge de celui-ci les impositions litigieuses ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 16 octobre 1984 est annulé.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et les pénalités y afférentes auxquelles M. X... a été assujetti au titre des années 1974 à 1977 sont remises à sa charge.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget et à M. Jacques X....


Synthèse
Formation : 9 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 66867
Date de la décision : 04/04/1990
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU


Références :

CGI 1649 quinquies B, 15 II, 1732
CGI Livre des procédures fiscales R200-18
CGIAN3 41 E, 41 F, 41 H
CGIAN4 17 ter


Publications
Proposition de citation : CE, 04 avr. 1990, n° 66867
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Bechtel
Rapporteur public ?: Mme Liébert-Champagne

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:66867.19900404
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