La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/02/1990 | FRANCE | N°17178

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 21 février 1990, 17178


Vu 1°), sous le numéro 17 178, le recours enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 1er avril 1979, présenté au nom de l'Etat par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 29 janvier 1979 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il l'a déclaré responsable pour le tiers des désordres présentés par les toitures du lycée municipal de Pierrelatte (Drôme) et condamné à verser à la dite commune une indemnité de 222 468,14 F ainsi qu'à supporter 17 % des dépenses de l'instance ;
2

°) de rejeter la demande présentée par la commune de Pierrelatte en tant ...

Vu 1°), sous le numéro 17 178, le recours enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 1er avril 1979, présenté au nom de l'Etat par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 29 janvier 1979 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il l'a déclaré responsable pour le tiers des désordres présentés par les toitures du lycée municipal de Pierrelatte (Drôme) et condamné à verser à la dite commune une indemnité de 222 468,14 F ainsi qu'à supporter 17 % des dépenses de l'instance ;
2°) de rejeter la demande présentée par la commune de Pierrelatte en tant qu'elle recherche la responsabilité de l'Etat ;
Vu 2°), sous le numéro 17 249, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 avril 1979 et 29 octobre 1979, présentés pour Maître Z..., agissant en qualité de syndic à la liquidation de biens de la société anonyme G.E.E.P. Industries, demeurant ... à Corbeil-Essonnes ; Maître Z... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 29 janvier 1979 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a condamné la société anonyme G.E.E.P. Industries à verser à la ville de Pierrelatte, la somme de 840 469,59 F avec intérêts en tant qu'il a admis la recevabilité des conclusions de la ville de Pierrelatte dirigées contre la société "Groupe d'études et d'entreprises parisiennes - chantiers industrialisés de construction" (G.E.E.P. - C.I.C.) en liquidation de biens, à titre subsidiaire la réforme en tant qu'il a fixé la condamnation à plus de 350 000 F ;
2°) de rejeter la demande présentée par la ville de Pierrelatte devant le tribunal administratif de Grenoble en tant qu'elle est relative à la société G.E.E.P. - C.I.C. ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Bellescize, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Vincent, avocat du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, de la SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la commune de Pierrelatte, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de Maître Z..., syndic de la société "Groupe d'études et d'entreprises parisiennes - chantiers industrialisés de construction" et de Me Boulloche, avocat de MM. Y... et X...,
- les conclusions de Mme de Clausade, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE et la requête de Maître Z..., agissant en qualité de Syndic à la liquidation de biens de la société anonyme "Groupe d'études et d'entreprises parisennes - chantiers industrialisés de construction" (G.E.E.P. - C.I.C.) sont dirigés contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que, pour la construction du Lycée municipal classique et moderne avec Collège d'enseignement technique annexe, la commune de Pierrelatte (Drôme) a confié à l'Etat la qualité de maître de l'ouvrage délégué, par une convention du 20 mars 1965, le chargeant notamment de la direction et de la responsabilité des travaux ; qu'en application de cette convention, le ministre de l'éducation nationale a confié la mission d'architectes à MM. Y... et X..., par contrat du 8 novembre 1965, et attribué le marché de l'ensemble des travaux de construction à la société anonyme "Groupe d'études et d'entreprises parisiennes - chantiers industrialisés de construction", dite G.E.E.P. - C.I.C., par contrat du 9 mars 1965 ; que les réceptions définitives ont été prononcées les 25 janvier 1967 et 9 septembre 1968 ; que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE fait appel du jugement du 29 janvier 1979 par lequel le tribunal administratif de Grenoble l'a condamné à payer à la ville de Pierrelatte la somme de 222 468,14 F en réparation des préjudices résultant pour la commune de la faute commise par ses services dans le choix du procédé de couverture ; et que Maître Z... fait appel du même jugement en tant qu'il a condamné la société anonyme "Groupe d'études et d'entreprises parisiennes - chantiers industrialisés de construction" (dite G.E.E.P. - C.I.C.) à payer à la même ville de Pierrelatte la somme de 840 469,59 F ;
Sur le recours du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE :

Considérant que, selon l'article 6 de la convention du 20 mars 1965 conclue entre le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE et la commune de Pierrelatte : "Le procès-verbal de remise des bâtiments et installations à la commune de Pierrelatte vaudra quitus pour l'Etat" ; que la mission qu'a confiée la ville à l'Etat a pris fin à la remise des ouvrages qui valait quitus pour l'Etat et dont il n'est pas contesté qu'elle a été effectuée lors des réceptions définitives dont il a été fait état ci-dessus ; que la ville a ainsi accepté de prendre les constructions dans l'état où elles se trouvaient lors des réceptions définitives, sans pouvoir réclamer aucune indemnité à l'Etat pour raison de malfaçons qu'il pourrait être nécessaire de réparer y compris, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, à raison de malfaçons qui n'étaient pas apparentes lors des réceptions définitives ; qu'il suit de là que, dans le cadre d'un litige mettant en jeu la garantie décennale des architectes et de l'entrepreneur, la commune de Pierrelatte ne peut présenter des conclusions contre l'Etat en invoquant la faute par lui commise dans le choix du procédé de construction ; que, par ailleurs et en tout état de cause, la commune n'invoque aucune faute contractuelle que l'Etat aurait commise dans l'exécution de la convention susanalysée en date du 20 mars 1965 ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble l'a condamné à payer à la ville la somme de 222 468,14 F ; qu'il y a lieu par suite d'annuler cet article, ensemble l'article 6 du même jugement en tant qu'il condamne l'Etat à supporter 17 % des frais d'expertise, et de rejeter les conclusions dirigées devant le tribunal administratif par la ville de Pierrelatte contre l'Etat ;
Sur l'appel provoqué de Maître Z..., agissant pour le compte de la société "Groupe d'études et d'entreprises parisiennes - chantiers industrialisés de construction" (G.E.E.P. - C.I.C.), tendant à ce que la part de responsabilité imputée à l'Etat par le jugement du tribunal administratif soit laissée à la charge de la commune de Pierrelatte :

Considérant que l'admission de l'appel principal de l'Etat n'a pas pour effet, en l'absence d'appel incident de la commune de Pierrelatte, de porter atteinte à la situation de la société "Groupe d'études et d'entreprises parisiennes - chantiers industrialisés de construction" (G.E.E.P. - C.I.C.) ; que les conclusions susanalysées ne sont par suite pas recevables ;
Sur les conclusions de Maître Z... agissant pour le compte de la société anonyme "Groupe d'études et d'entreprises parisiennes - chantiers industrialisés de construction" dite G.E.E.P. - C.I.C., enregistrées sous le n° 17 249 :
Considérant que la circonstance que la société "Groupe d'études et d'entreprises parisiennes - chantiers industrialisés de construction" (G.E.E.P. - C.I.C.) a été placée par le tribunal de commerce de Corbeil-Essonnes en position de règlement judiciaire ultérieurement transformée en liquidation des biens ne fait pas obstacle à ce que la juridiction administrative, seule compétente pour se prononcer sur le recours formé par la commune de Pierrelatte en vue d'obtenir réparation de la part de ce constructeur dans le cadre de la garantie qu'il doit au maître de l'ouvrage, se prononce sur sa responsabilité, nonobstant les dispositions de la loi du 13 juillet 1967 sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les banqueroutes, et la circonstance que la ville de Pierrelatte n'a pas produit entre les mains du syndic le montant de la créance alléguée ;
Sur la responsabilité de la société "Groupe d'études et d'entreprises parisiennes - chantiers industrialisés de construction" (G.E.E.P. - C.I.C.) :
En ce qui concerne les rubriques 4 - 14 - 18 et 20 du rapport de l'expert :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis par le jugement du 15 décembre 1975 du tribunal administratif de Grenoble, que les désordres énumérés à la rubrique 4 qui sont relatifs à la nécessaire réfection de gradins dont le poids trop élevé entraînait l'affaissement du plancher, et ceux énumérés à la rubrique 20 qui sont relatifs au défaut d'étanchéité des murs pignons du gymnase compromettent la solidité de l'ouvrage ; qu'ils sont imputables à l'entreprise à raison de défauts d'exécution ; que les désordres énumérés aux rubriques 14 et 18 sont relatifs à une mauvaise exécution, également imputable à l'entreprise, de l'assainissement intérieur et d'un bassin de chasse et rendent l'immeuble impropre à sa destination ; que, dès lors, et malgré la circonstance que le prix de leur réparation, serait d'un coût peu élevé, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu, à raison de ces désordres, la responsabilité de l'entreprise sur la base des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
En ce qui concerne les rubriques 1 et 2 du rapport de l'expert :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les désordres repris à la rubrique 1 du rapport de l'expert ont été causés par une insuffisance du diamètre des canalisations extérieures de gaz et par le non-respect des règles de protection, qui est imputable à l'entreprise ; que ces désordres rendent l'immeuble impropre à sa destination ; que le tribunal administratif a fait une exacte appréciation de la part de responsabilité qui doit être laissée à l'entreprise à raison de ces désordres en l'évaluant à la moitié ; que les désordres repris à la rubrique 2 sont relatifs à la défectuosité du calorifugeage des canalisations extérieures de chauffage, imputable à l'entreprise qui n'a pas réalisé les travaux de construction selon les règles de l'art élémentaires, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce qu'elle soutient, qu'ils étaient apparents lors de la réception ; que ces deux catégories de désordres engagent la responsabilité des constructeurs sur le terrain de la garantie décennale qu'ils doivent au maître de l'ouvrage ;
En ce qui concerne la rubrique 6 du rapport de l'expert :

Considérant que les désordres décrits sous cette rubrique affectent les toitures et consistent en un soulèvement des bacs de couverture par rupture des crochets de fixation, en des soulèvements des tôles de faîtage et en des infiltrations ; qu'ils compromettent la solidité de l'ouvrage ; qu'ils résultent à la fois de l'inadaptation du procédé de couverture utilisé, compte tenu de l'implantation de l'ouvrage, qui n'est pas imputable à l'entrepreneur, et de défauts d'exécution ayant consisté notamment en une insuffisance du nombre des points de fixation des bacs de couverture dont certains ne sont pas rabattus sur les cheneaux, et en une insuffisance du recouvrement des tôles de faîtage ainsi qu'en des déficiences de soudures qui lui sont imputables ; que le tribunal administratif n'a pas fait une appréciation insuffisante de la part de responsabilité qui doit être laissée à la charge du maître de l'ouvrage et de l'architecte de conception en condamnant l'entreprise à réparer le tiers des désordres dont il s'agit ;
Considérant que la réparation selon le procédé préconisé par l'expert étant strictement nécessaire à la reconstruction des couvertures n'entraîne pas, contrairement à ce que soutient la requérante, de plus-value pour le maître de l'ouvrage ;
Considérant que le tribunal administratif a fait une exacte appréciation du montant total du coût des réparations qui doit être mis à la charge de la société en le fixant à 840 469,59 F ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à payer à la ville de Pierrelatte une somme de ce montant en réparation des préjudices par elle subis du fait des désordres affectant le Lycée municipal classique et moderne avec collège de la ville ;
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 29 janvier 1979 et l'article 6 de ce jugement en tant qu'il met à la charge de l'Etat 17 % des fraisd'expertise sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande de la ville de Pierrelatte dirigées devant le tribunal administratif contre l'Etat sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de l'appel provoqué et de la requêtede Maître Z..., syndic de la société "Groupe d'études et d'entreprises parisiennes - chantiers industrialisés de constrution" (G.E.E.P. - C.I.C.) sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, à Maître Z..., syndic de la société "Groupe d'études et d'entreprises parisiennes - chantiers industrialisés de construction"(G.E.E.P. - C.I.C.), à la commune de Pierrelatte, à M. Y... et à M. X....


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award