Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 février 1988 et 20 juin 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Union des sociétés mutualistes du Boulonnais, dont le siège est ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 17 décembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé un arrêté du ministre de la santé en date du 3 septembre 1981 autorisant l'union requérante à ouvrir une pharmacie mutualiste à Boulogne-sur-Mer ;
2° rejette la demande présentée par le syndicat départemental des pharmaciens du Pas-de-Calais devant le tribunal administratif de Lille ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53 934 du 3 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Considérant que si l'article L. 577 bis du code de la santé publique institue "par dérogation aux articles L. 570, L. 571, L. 572 et L. 575 du présent code" des règles particulières de compétence et de procédure pour les décisions statuant sur les demandes d'ouverture de pharmacies mutualistes, ces règles s'appliquent à toutes les demandes de cette nature, qui sont ainsi soumises par la volonté du législateur à une réglementation distincte de celle qui s'applique aux autres officines ; qu'il suite de là que la décision prise par le ministre de la santé en application de ce texte ne constitue pas "une décision individuelle qui déroge aux règles générales fixées par la loi ou le règlement" au sens de l'article 2 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ; qu'aucune autre disposition législative ou réglementaire n'impose la motivation des décisions accordant l'autorisation d'ouvrir une telle officine ; que, dès lors, l'Union des sociétés mutualistes du Boulonnais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur une insuffisance de motivation pour annuler la décision du ministre de la santé du 3 septembre 1981 autorisant l'ouverture d'une pharmacie mutualiste par ladite union ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par le syndicat départemental des pharmaciens du Pas-de-Calais à l'encontre de ladite décision devant le tribunal administratif de Lille ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la demande :
Considérant que l'Union des sociétés mutualistes du Boulonnais a présenté le 15 mai 1971 une demande tendant à obtenir l'autorisation d'ouvrir une pharmacie mutualiste ... à Boulogne-sur-Mer ; qu'après avoir recueilli les avis des autorités et organismes visés aux articles L. 577 bis et R. 5091-9 du code de la santé publique, le ministre de la santé publique a rejeté cette demande par un arrêté du 28 août 1972, qui a été annulé par une décision du Conseil d'Etat statuant au Contentieux en date du 27 mai 1977 ; qu'à la suite de cette annulation, l'union requérante a confirmé sa demande d'autorisation par des lettres du 18 octobre 1977 et du 17 juillet 1980 adressées au ministre chargé de la santé et qui sont restées sans réponse, puis par une lettre du 24 août 1981 à la suite de laquelle le ministre de la santé lui a accordé l'autorisation sollicitée par l'arrêté contesté en date du 3 septembre 1981 ;
Considérant que le silence gardé pendant plus de quatre mois par l'administration sur la lettre susmentionnée du 18 octobre 1977, par laquelle l'Union des sociétés mutualistes du Boulonnais avait renouvelé sa demande d'autorisation initialement présentée le 15 mai 1971, a fait naître une décision implicite de rejet de ladite demande ; que faute d'avoir été contestée par l'union requérante, cette décision de rejet est devenue définitive ; que, par suite, la lettre précitée du 24 août 1981 constituait une nouvelle demande d'autorisation d'ouverture d'une pharmacie mutualiste sur laquelle, eu égard au long délai écoulé depuis la demande présentée par l'union requérante le 15 mai 1971 et à la nature de la décision à prendre, le ministre de la santé ne pouvait régulièrement statuer sans avoir de nouveau consulté les autorités ou organismes mentionnés aux articles L. 577 bis et R. 5091-9 du code de la santé publique ; que, faute d'avoir été précédé de ces consultations, l'arrêté ministériel du 3 septembre 1981 autorisant l'Union des sociétés mutualistes du Boulonnais à ouvrir une pharmacie mutualiste ... à Boulogne-sur-Mer est entaché d'illégalité ; que, dès lors, l'union requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté ministériel susmentionné du 3 septembre 1981 ;
Article 1er : La requête de l'Union des sociétés mutualistes du Boulonnais est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union des sociétés mutualistes du Boulonnais, au syndicat départemental des pharmaciens du Pas-de-Calais et au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale.