Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 janvier 1985 et 13 février 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de LARGENTIERE (Ardèche), représentée par son maire en exercice, à ce dûment mandaté par délibération du conseil municipal en date du 5 février 1985, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°- réforme le jugement du 30 octobre 1984 par lequel le tribunal administratif de Lyon a : 1°) limité à 15 000 F la somme que l'entreprise Joubert et M. Y..., architecte, sont condamnés à lui verser en réparation des conséquences dommageables des désordres affectant le collège municipal ; 2°) l'a condamné à supporter les 4/5 des frais de l'expertise ordonnée en référé ; 3°) a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 523 919 F,
2°) condamne solidairement la société Entreprise Joubert prise en la personne de son syndic M. X..., la société SMAC Acieroid, M. Y..., architecte, et l'Etat (ministre de l'éducation nationale) à lui payer la somme de 523 919,60 F avec intérêts de droit à compter du 25 mars 1981 et les condamner, sous la même solidarité, en tous frais et dépens qui comprendront les frais d'expertise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil et notamment ses articles 1792 et 2270 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Bellescize, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Pradon, avocat de la commune de LARGENTIERE, de Me Boulloche, avocat de M. Y..., de Me Odent, avocat de la société SMAC Aciéroid et de la S.C.P. Boré, Xavier, avocat de la société anonyme Joubert,
- les conclusions de M. Tuot, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions de la commune de LARGENTIERE tendant à la mise en cause de l'Etat :
Considérant que par convention signée en application de l'article 6 du décret du 27 novembre 1962 relatif aux modalités de financement de l'équipement scolaire du second degré, la commune de LARGENTIERE a confié à l'Etat la maîtrise d'ouvrage d'un collège d'enseignement général ; que les bâtiments ont été remis à la commune le 18 décembre 1972 ;
Considérant, d'une part, que la commune n'est pas fondée à exercer contre son mandataire l'action en garantie décennale ;
Considérant, d'autre part, que si la commune entend invoquer les fautes que l'Etat auraient commises dans l'exécution du mandat à lui confié, elle n'établit pas et n'allègue même pas avoir formulé des réserves lors de l'établissement du procès-verbal de remise des constructions ; qu'elle doit donc être regardée comme ayant donné quitus à l'Etat et ainsi renoncé à toute réclamation cotre ce dernier à raison de la manière dont il s'est acquitté de ses obligations ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions susanalysées ;
Sur les conclusions des recours incidents de M. Y... et de la société anonyme Joubert tendant à l'annulation du jugement attaqué au motif que le délai de mise en jeu de l'action en garantie décennale était expiré :
Considérant que la commune de LARGENTIERE a formé sa requête tendant à mettre en jeu la garantie décennale des constructeurs le 25 mars 1981 ; que l'ouvrage a fait l'objet d'une réception définitive sans réserve le 26 juin 1972 ; que l'architecte et l'entrepreneur n'établissent pas que la commune de LARGENTIERE soit entrée en possession antérieurement à cette date ; qu'ainsi le délai de garantie décennale n'était pas expiré le 25 mars 1981, date à laquelle a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lyon, la demande formée par la commune de LARGENTIERE ; que les conclusions susanalysées doivent dès lors être rejetées ;
Sur les conclusions de la requête relatives à la responsabilité des constructeurs :
Considérant, en premier lieu, que les désordres affectant l'étanchéité des toitures étaient de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ; qu'ils sont imputables au procédé retenu pour le revêtement d'étanchéité ; que ce procédé, agréé par l'administration et prévu par le devis-descriptif type, était imposé par le ministère de l'éducation nationale, maître d'ouvrage délégué ; que si la société Joubert n'a formulé aucune observation ni réserve, il résulte de l'instruction qu'à cette époque, ce type de procédé n'avait pas encore manifesté ses effets néfastes et qu'ainsi la société n'était pas en mesure de le faire ; que, la responsabilité décennale de l'architecte M. Y..., qui n'a pris aucune part dans le choix du système d'étanchéité et dont la mission précisait que "ses responsabilités trouvaient leurs limites dans celles assumées par le concepteur du procédé industrialisé", ne saurait non plus être retenue ; que, par voie de conséquence, la société Joubert et M. Y... n'ont pas à réparer les troubles de jouissance qui ont trouvé leur origine dans les désordres dont il est fait état ci-dessus ;
Considérant, en deuxième lieu, que les désordres affectant les cabines de douches, de même que les infiltrations dans la galerie technique du bâtiment, l'affaissement d'un regard de ventilation et de deux dallages extérieurs de l'externat, et le léger affaissement d'une partie de la cour n'ont pas pour effet d'affecter la solidité des constructions ni de les rendre impropres à leur destination ; qu'ils ne sont pas ainsi susceptibles d'engager la responsabilité décennale des contructeurs ;
Considérant, en troisième lieu, que le mur de soutènement bordant la voie d'accès au groupe scolaire présente un aplomb de nature à compromettre la sécurité des usagers ; que ce désordre est imputable à l'architecte qui a autorisé la construction dans de mauvaises conditions et à l'entrepreneur qui l'a réalisé ; qu'il est dès lors susceptible de permettre la mise en jeu de la responsabilité décennale des constructeurs ; que, par suite, c'est à bon droit que par l'article 1er du jugement attaqué le tribunal administratif les a condamnés à verser à la commune de LARGENTIERE la somme de 15 000 F ; qu'il convient dès lors de rejeter les recours incidents formés contre ce jugement par M. Y..., architecte, et la société Joubert ;
Sur les intérêts :
Considérant que sous réserve de l'application des dispositions de la loi du 13 juillet 1967, la commune de LARGENTIERE a droit à compter du 25 mars 1981, aux intérêts de l'indemnité de 15 000 F que le tribunal administratif de Lyon a condamné solidairement l'entreprise Joubert et M. Y... à lui verser ;
Article 1er : L'indemnité de 15 000 F que l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 30 octobre 1984 a condamné solidairement M. Y... et la société Joubert à payer à la commune de LARGENTIERE portera intérêts au taux légal à compter du 25 mars 1981.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la commune de LARGENTIERE et les conclusions des recours incidents de M. Y... et de la société Joubert sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de LARGENTIERE, à M. Y..., à M. X..., syndic de la société Joubert, à la société SMAC Aciéroïd et au ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.