Vu la requête enregistrée le 16 janvier 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mlle Edda X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 15 novembre 1984 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 1975 à 1980 ;
2°) prononce la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Abraham, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Martin-Laprade, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige en appel :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle X... a obtenu, par décision en date du 1er août 1985, le dégrèvement, pour un montant de 561 391 F, d'une partie des pénalités mises à sa charge au titre de l'année 1975 ; que la requête est à due concurrence devenue sans objet ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort de l'examen du jugement du 15 novembre 1984 que le tribunal administratif de Bordeaux a omis de répondre aux moyens présentés par Mlle X... dans un mémoire enregistré au greffe de ce tribunal le 22 octobre 1984, moyens qui n'étaient pas inopérants ; que, dès lors, ledit jugement est irrégulier et doit être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Sur la procédure d'imposition :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle X..., en ce qui concerne les années 1975, 1976, 1977 et 1978, a souscrit la déclaration de ses bénéfices industriels et commerciaux, pour lesquels elle était soumise au régime du bénéfice réel, après l'expiration du délai légal ; que, dès lors, en application des dispositions combinées des articles 53, 179 et 1649 quinquies A du code général des impôts, alors applicables, elle était en situation d'être imposée d'office à l'impôt sur le revenu en ce qui concerne cette catégorie de revenus ; qu'il suit de là que les moyens tirés par Mlle X... de l'irrégularité qui entacherait la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet en décembre 1979 sont, en tout état de cause, inopérants dès lors que l'imposition d'office ne trouve pas son origine dans cette vérification ;
Considérant qu'aux termes du III de l'article 3 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 accordant des garanties de procédure aux contribuables en matière fiscale et douanière, codifié aux articles 181 A et 181 B du code général des impôts puis aux articles L. 76 et L. 76 A du livre des procédures fiscales : "Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portées à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination. Cette notification est interruptive de prescription. Les contribuables peuvent obtenir par la voie contentieuse la décharge ou la réduction de l'imposition mise à leur charge en démontrant son caractère exagéré" ;
Considérant que les notifications, en date du 21 décembre 1979 et du 19 mars 1980, par lesquelles l'administration a porté à la connaissance de Mlle X... les bases des impositions à l'impôt sur le revenu qui seraient retenues au titre de l'année 1975, d'une part, et au titre des années 1976, 1977 et 1978, d'autre part, contenaient l'indication des modalités de détermination de ces bases ; qu'ainsi les dispositions législatives précitées ont été respectées ; que, si Mlle X... soutient que les modalités de détermination des bases qui lui ont été indiquées pour l'année 1975 ne seraient pas celles qui avaient été envisagées par le vérificateur dans son rapport, cette circonstance, à la supposer établie, est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Considérant qu'il résulte des dispositions législatives précitées que, dans le cas où le contribuable a régulièrement souscrit sa déclaration de revenu global, l'administration n'est pas tenue, s'agissant du redressement affectant le revenu global en conséquence de l'évaluation d'office d'un revenu catégoriel, d'adresser au contribuable une notification comportant l'invitation de faire connaître son acceptation ou ses observations dans le délai de trente jours, une discussion par le contribuable du redressement en cause ne pouvant utilement être engagée qu'après l'établissement de l'impôt, dans le cadre, le cas échéant, de la procédure contentieuse ; que, dès lors, le moyen tiré par Mlle X... de ce que les redressements du revenu global des années 1975 à 1980 n'auraient pas fait l'objet d'une notification l'invitant à présenter son acceptation ou ses observations est inopérant ;
Considérant, en revanche, que la notification du 19 mai 1980 par laquelle l'administration a fait connaître à Mlle X... les bases des impositions supplémentaires qu'elle se proposait d'établir d'office au titre des années 1979 et 1980 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ne précisait ni les éléments ayant servi au calcul de ces bases ni les modalités de leur détermination ; que, si ce document se référait à une précédente notification de redressements adressée deux mois plus tôt à l'intéressée et concernant la taxe sur la valeur ajoutée, il résulte de l'examen de ce document que celui-ci ne permettait pas de déterminer les modalités de calcul des bases d'imposition en matière de bénéfices industriels et commerciaux notifiées le 19 mai 1980 ; que, dès lors, la requérante est fondée à soutenir que les cotisations supplémentaires auxquelles elle a été assujettie de ce fait ont été établies après une procédure irrégulière et à demander, pour ce motif, la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été majorées ;
Sur le bien-fondé des impositions établies au titre des années 1975, 1976, 1977 et 1978 :
Considérant que Mlle X..., du fait de la procédure d'imposition qui lui est applicable, ne peut obtenir, par la voie contentieuse, la décharge ou la réduction des impositions qu'en apportant la preuve du caractère exagéré des bases retenues ; qu'en se bornant à soutenir que l'exagération des bases d'imposition est manifeste et qu'elle ressort suffisamment de l'énormité du montant des redressements qui lui ont été notifiés Mlle X... n'établit pas l'exagération des bases dont découlent les impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie ;
Sur les pénalités :
Considérant que, s'agissant de l'imposition au titre de l'année 1975, les intérêts de retard, substitués en cours d'instance à la majoration initialement appliquée, ne donnent pas lieu à contestation ;
Considérant que, pour les autres années d'imposition, l'administration n'établit pas que Mlle X... aurait, pour éluder l'impôt ou rendre les contrôles plus difficiles, accompli des actes ou passé des écritures dans des conditions de nature à révéler l'existence de manoeuvres frauduleuses justifiant la pénalité de 150 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts alors applicable ; que, si le tribunal de grande instance de Bordeaux a, par son jugement du 4 juillet 1984, confirmé en appel, condamné Mlle X... pour fraude fiscale en constatant notamment que des achats sans facture avaient été effectués en 1977, lesdits achats, dans les circonstances de l'espèce, ne révèlent pas, eu égard à leur montant, l'existence d'actes constitutifs de manoeuvres frauduleuses au sens de l'article 1729 susmentionné ; qu'en revanche, l'administration, dans les circonstances de l'affaire, établit la mauvaise foi du contribuable ; que, par suite, il y a lieu de substituer aux pénalités appliquées les majorations de 30 % pour les impositions au titre des années 1976 et 1977 et de 50 % pour l'imposition au titre de l'année 1978 qui résultent de l'application en l'espèce des dispositions de l'article 1729 ;
Article ler : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 15 novembre 1984 est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Bordeaux dans la limite du dégrèvement de 561 391 F prononcé par l'administration en ce qui concerne les pénalités appliquées au supplément d'impôt sur le revenu au titre de l'année 1975.
Article 3 : Mlle X... est déchargée des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1979 et 1980, ainsi que de la différence entre le montant de la majoration appliquée aux impositions établies au titre des années 1976, 1977 et 1978 et le montant qui résulte de l'application aux mêmes impositions de la majoration de 30 % au titre des années 1976 et 1977 et de 50 % au titre de l'année 1978.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête de Mlle X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mlle X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.