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27/07/1988 | FRANCE | N°67281;78347

France | France, Conseil d'État, 10/ 5 ssr, 27 juillet 1988, 67281 et 78347


Vu °1), sous le °n 67 281, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 mars 1985 et 29 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Guy X..., demeurant ..., Le Château d'Olonne, Les Sables d'Olonne (85100), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 19 décembre 1984 en tant qu'il a rejeté la partie de ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 398 084 F au titre de la perte subie à l'occasion de la vente de son

navire ;
°2) condamne l'Etat à lui verser la somme de 398 084 F ave...

Vu °1), sous le °n 67 281, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 mars 1985 et 29 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Guy X..., demeurant ..., Le Château d'Olonne, Les Sables d'Olonne (85100), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 19 décembre 1984 en tant qu'il a rejeté la partie de ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 398 084 F au titre de la perte subie à l'occasion de la vente de son navire ;
°2) condamne l'Etat à lui verser la somme de 398 084 F avec intérêts à compter du 6 avril 1981 et capitalisation des intérêts ;
Vu, °2), sous le °n 78 347, le recours enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 9 mai 1986, présenté par le SECRETAIRE D'ETAT A LA MER et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 20 février 1986 par lequel le tribunal administratif de Nantes l'a condamné à verser à M. Guy Y... la somme de 200 000 F en réparation du préjudice subi au titre de la perte de ses revenus du 20 août 1974 au 16 octobre 1978 ;
°2) rejette la demande de M. Guy Y... ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le décret °n 67-690 du 7 août 1967 relatif aux conditions d'exercice de la profession de marin ;
Vu l'arrêté du 1er septembre 1967 pris pour l'application du décret du 7 août 1967 relatif aux conditions d'aptitude physique à la profession de marin à bord des navires de commerce, de pêche et de plaisance, modifié ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Todorov, Auditeur,
- les observations de Me Boullez, avocat de M. Guy Y...,
- les conclusions de Mme Lenoir, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par une décision en date du 20 août 1974, le secrétaire d'Etat aux transports a déclaré M. Guy X... définitivement inapte à la navigation au motif qu'il était atteint d'une affection mentionnée à l'article 14 de l'arrêté du 1er septembre 1967 relatif à l'aptitude physique à la profession de marin ; que le tribunal administratif de Nantes, par son jugement du 5 juin 1978, a annulé cette décision au vu des résultats d'une expertise qu'il avait ordonnée, motif pris de ce que M. X... n'était pas atteint de cette affection ; que l'appel formé contre ce jugement a été rejeté par décision du Conseil d'Etat du 30 novembre 1979 ; que M. X... a demandé au secrétaire d'Etat puis au tribunal administratif de Nantes le versement d'une indemnité de 823 084 F en réparation du préjudice que lui aurait causé la décision annulée, d'une part, en raison de l'obligation où il se serait trouvé d'abord de vendre à perte son bâteau de pêche puis d'en racheter un autre plus onéreux, d'autre part, en raison de laprivation de tout revenu professionnel qui en serait résultée ; que, par un premier jugement, en date du 19 décembre 1984, dont M. X... fait appel sous le °n 67 281, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions sur le premier chef de préjudice, a fixé au 20 août 1974 le point de départ du préjudice indemnisable au titre de la perte de revenu et a ordonné un supplément d'instruction sur le montant des revenus perçus par M. X... ; que, par un second jugement, en date du 20 février 1986, dont le SECRETAIRE D'ETAT A LA MER fait appel sous le °n 78 347, le tribunal a condamné l'Etat à verser à M. X... une indemnité de 200 000 F ; que M. X... conteste, par la voie de l'appel incident, l'évaluation du préjudice qui a été faite par le tribunal ; que les conclusions sus-indiquées ont trait aux conséquences d'une même situation ; qu'il y a lieu de joindre la requête de M. X... et le recours du secrétaire d'Etat pour statuer par une seule décision ;
Sur la recevabilité des conclusions du secrétaire d'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 192 du code des tribunaux administratifs, tel qu'il résulte des dispositions du décret du 29 août 1984 : " ... le délai d'appel contre un jugement avant-dire-droit, qu'il tranche ou non une question au principal, court jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre le jugement qui règle définitivement le fond du litige" ;
Considérant que, s'il est vrai que le SECRETAIRE D'ETAT A LA MER, n'a pas interjeté appel du jugement du 19 décembre 1984, qui se prononce sur le principe de la responsabilité de l'Etat, il est recevable, en vertu des dispositions précitées, à remettre en question ce jugement sur ce point à l'occasion de l'appel qu'il a formé en temps utile contre le second jugement qui règle définitivement le fond du litige ; que la fin de non recevoir opposée par M. X... au recours du secrétaire d'Etat ne peut, par suite, être accueillie ;
Sur la responsabilité de l'Etat et l'indemnisation :
Considérant que l'illégalité de la décision du secrétaire d'Etat aux transports, en date du 20 août 1974, est constitutive d'une faute ; que M. X... est fondé à demander réparation des conséquences dommageables qui en résultent pour lui ;
Considérant, en revanche, que la circonstance que le médecin des gens de mer a constaté, le 4 octobre 1972, que M. X... était physiquement inapte à la navigation et qu'il a été porté mention de cette inaptitude sur le livret maritime de l'intéressé n'est pas, eu égard aux informations dont disposait l'administration au moment où elle a pris sa décision, constitutive d'une faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de M. X... ; qu'il est constant que celui-ci, qui avait cessé de pouvoir travailler, le 9 juin 1971, à la suite d'une chute avec évanouissement, a été placé en congé de maladie et a perçu des indemnités journalières à compter de cette date jusqu'au mois d'août 1974 ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Nantes a rejeté les prétentions de M. X... tendant à l'indemnisation de la perte qu'il prétend avoir subie du fait de la vente de son navire en 1973 et a fixé au 20 août 1974 le point de départ du préjudice indemnisable au titre des pertes de revenu ; qu'en fixant à 200 000 F l'indemnité due par l'Etat à M. X... à ce second titre, le tribunal a fait une exacte appréciation du préjudice subi ; que l'acquisition d'un nouveau chalutier, faite par l'intéressé, en 1980, n'est constitutive d'aucun préjudice dont M. X... puisse demander réparation à l'Etat ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant que M. X... a droit aux intérêts de la somme de 200 000 F à compter du 6 avril 1981, date de sa demande au secrétaire d'Etat ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 29 mars 1985 et 30 juillet 1987 ; qu'à ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Article 1er : La somme de 200 000 F que l'Etat a été condamné à payer à M. X... par le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 20 février 1986 portera intérêt à compter du 6 avril 1981. Les intérêts échus les 29 mars 1985 et 30 juillet 1987 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 20 février 1986 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et du recours incident de M. X... et le recours du secrétaire d'Etat à la mer sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre des transports et de la mer.


Synthèse
Formation : 10/ 5 ssr
Numéro d'arrêt : 67281;78347
Date de la décision : 27/07/1988
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

47 PECHE MARITIME - Aptitude à la profession de marin - Illégalité d'une décision ministérielle déclarant inapte un marin-pêcheur - Faute engageant la responsabilité de l'Etat - Evaluation du préjudice matériel - Point de départ du préjudice.

47, 60-04-03-02-01 Par décision en date du 20 août 1974, le secrétaire d'Etat aux transports a déclaré M. L. définitivement inapte à la profession de marin au motif qu'il était atteint d'une affection mentionnée à l'article 14 de l'arrêté du 1er septembre 1967 relatif à l'aptitude physique à la profession de marin. Cette décision a été annulée par jugement devenu définitif, motif pris que M. L. n'était pas atteint de cette affection. L'illégalité de la décision du 20 août 1974 du secrétaire d'Etat aux transports est constitutive d'une faute. M. L. est fondé à demander réparation des conséquences dommageables qui en résultent pour lui. Toutefois, la circonstance que le médecin des gens de mer a constaté, le 4 octobre 1972, que M. L. était physiquement inapte à la navigation et qu'il a été porté mention de cette inaptitude sur le livret maritime de l'intéressé n'est pas, eu égard aux informations dont disposait l'administration au moment où elle a pris sa décision, constitutive d'une faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de M. L.. Il est constant que celui-ci, qui avait cessé de pouvoir travailler le 9 juin 1971, à la suite d'une chute avec évanouissement, a été placé en congé de maladie et a perçu des indemnités journalières à compter de cette date jusqu'au mois d'août 1974. C'est donc à bon droit que le tribunal administratif a rejeté les prétentions de M. L. tendant à l'indemnisation de la perte qu'il prétend avoir subie du fait de la vente de son bâteau de pêche en 1973 et a fixé au 20 août 1974 le point de départ du préjudice indemnisable au titre des pertes de revenu.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MATERIEL - PERTE DE REVENUS - Perte subie par un marin-pêcheur déclaré à tort inapte à la navigation par décision ministérielle - Point de départ du préjudice.


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs R192
Décret 84-819 du 24 août 1984


Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 1988, n° 67281;78347
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Ducamin
Rapporteur ?: M. Todorov
Rapporteur public ?: Mme Lenoir

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:67281.19880727
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