Vu le recours du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI, enregistré le 26 février 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1/ annule le jugement du 20 novembre 1986 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé la décision du 28 septembre 1983 du directeur régional du travail et de l'emploi des Pays de la Loire, en tant que ladite décision s'applique aux articles 4-a, 4-b, 4-c et 6 du réglement intérieur de ladite compagnie d'assurances,
°2/ rejette la demande présentée devant le tribunal administratif par la compagnie GAN Incendie-Accidents,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fraisse, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Baraduc-Bénabent, avocat du GAN Incendie-Accidents,
- les conclusions de M. Robineau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu de l'article L.122-33 du code du travail : "L'établissement d'un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements industriels, commerciaux ou agricoles ... où sont employés habituellement au moins vingt salariés. Des dispositions spéciales peuvent être établies pour une catégorie de personnel ou une division de l'entreprise ou de l'établissement" ; qu'aux termes de l'article L.122-34 du même code : "Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement : - les mesures d'application de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité dans l'entreprise ou l'établissement ; - les règles générales et permanentes relatives à la discipline, et notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur ..." ; qu'aux termes de l'article L.122-35 : "Le règlement intérieur ne peut contenir de clause contraire aux lois et règlements ainsi qu'aux dispositions des conventions et accords collectifs de travail applicables dans l'entreprise ou l'établissement ..." ; qu'aux termes de l'article L.122-36 : "Le règlement intérieur ne peut être introduit qu'après avoir été soumis à l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, à l'avis des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l'avis du comité d'hygiène et de sécurité ... Le règlement intérieur, accompagné de l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et, le cas échéant, du comité d'hygiène et de sécurité, est communiqué à l'inspecteur du travail" ; qu'enfin, aux termes de l'article L.122-37 : "L'inspecteur du travail peut à tout moment exiger le retrait ou la modification des dispositions contraires aux articles L.122-34 et L.122-35", et que, selon l'article L.122-38, "la décision de l'inspecteur du travail ... peut faire l'objet dans les deux mois d'un recours auprès du directeur régional du travail et de l'emploi ..." ;
Considérant, d'une part, que les textes précités n'interdisent pas à une entreprise comportant plusieurs établissements où sont employés habituellement au moins vingt salariés d'établir un règlement intérieur unique pour l'ensemble de ces établissements dès lors que ceux-ci ne présentent pas, au regard des prescriptions des articles L.122-34 et L.122-35, de particularités exigeant l'édiction de dispositions propres à l'un ou plusieurs d'entre eux ;
Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article R. 45 du code des tribunaux administratifs, les litiges relatifs à la législation régissant la réglementation du travail relèvent, lorsque la décision attaquée n'a pas un caractère réglementaire, de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve l'établissement dont l'activité est à l'origine du litige ; que, dans le cas où une entreprise a établi un règlement intérieur unique pour l'ensemble de ses établissements, le tribunal compétent pour connaître des litiges relatifs à ce règlement est celui dans le ressort duquel se trouve le siège de ladite entreprise ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la compagnie d'assurances "GAN Incendie-Accidents", dont le siège social est à Paris et qui comporte plusieurs établissements occupant habituellement au moins vingt salariés, a élaboré pour l'ensemble de ses établissements un règlement intérieur unique ; que, dès lors, le tribunal administratif de Nantes n'était pas territorialement compétent pour statuer sur la demande de la compagnie d'assurances "GAN Incendie-Accidents", dirigée contre la décision du directeur régional du travail et de l'emploi des Pays de la Loire en date du 28 septembre 1983 relative à ce règlement intérieur ; qu'il y a lieu, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du recours, d'annuler le jugement attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la compagnie d'assurances "GAN Incendie-Accidents" devant le tribunal administratif de Nantes ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la demande :
Considérant que, dans le cas où un règlement intérieur unique est établi comme il a été dit ci-dessus par une entreprise, seul l'inspecteur du travail dans le ressort duquel se trouve le siège social de l'entreprise est compétent pour exercer le contrôle prévu par l'article L. 122-37 du code du travail ; que l'inspecteur du travail de la deuxième section de Nantes, dans le ressort duquel se trouve un des établissements de la compagnie d'assurances "GAN Incendie-Accidents" a demandé le 25 juillet 1983 à la société, sur le fondement de l'article L. 122-37 du code du travail, de modifier sur certains points ledit règlement ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que cette décision émanait d'une autorité territorialement incompétente ; que, par suite, le directeur régional du travail et de l'emploi des Pays de la Loire, saisi du recours hiérarchique formé contre cette décision par la société et lui-même territorialement incompétent pour exercer un contrôle sur le règlement intérieur litigieux, était tenu d'annuler ladite décision ; qu'en rejetant ce recours hiérarchique, le directeur régional a lui-même pris une décision entachée d'excès de pouvoir ; que, dès lors, la compagnie d'assurances "GAN Incendie-Accidents" est fondée à demander l'annulation de cette décision ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 20 novembre 1986 et la décision du directeur régional du travail et de l'emploi des Pays de la Loire en date du 28 septembre 1983 sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la compagnie d'assurances "GAN Incendie-Accidents et au ministre des affaires sociales et de l'emploi.