Vu °1) la requête, enregistrée sous le °n 66 436 le 27 février 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT C.G.T. F.O. DES PERSONNELS DU SERVICE DU TRAVAIL ET DE L'EMPLOI, dont le siège est ... Bureau 35-13 (3ème Etage) à Paris (75007), représenté par son secrétaire général en exercice, domicilié à ce titre audit siège, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le décret °n 84-1192 du 28 décembre 1984, relatif à l'organisation et aux attributions des directions régionales de l'agriculture et de la forêt, et le décret °n 84-1193 relatif à l'organisation et aux attributions des directions départementales de l'agriculture et de la forêt ;
Vu, °2) la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés sous le °n 66 447, le 27 février 1985 et le 14 juin 1985, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DE L'INSPECTION DU TRAVAIL (FNSIT) dont le siège est ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le décret °n 84-1191 du 28 décembre 1984 relatif à l'organisation des services extérieurs du ministère de l'agriculture et les décrets °n 84-1192 et 84-1193 précités du 28 décembre 1984 ;
Vu, °3) la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés le 9 août 1985 et le 14 décembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat sous le °n 71 339, présentés pour le SYNDICAT DES PERSONNELS DE L'INSPECTION DES LOIS X... EN AGRICULTURE, représenté par son secrétaire général domicilié à la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricole, ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre les décrets °n 84-1191, 84-1192, 84-1193 susmentionnés du 28 décembre 1984, ensemble annule lesdits décrets ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le décret °n 74-456 du 15 mai 1974, portant publication de la convention internationale du travail °n 129 concernant l'inspection du travail en agriculture ;
Vu le décret °n 76-487 du 2 juin 1976, modifié, portant organisation du ministère de l'agriculture ;
Vu le code du travail ;
Vu le code rural ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fillioud, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Brouchot, avocat du SYNDICAT C.G.T. F.O. DES PERSONNELS DU SERVICE DU TRAVAIL ET DE L'EMPLOI, de Me Choucroy, avocat de la Fédération nationale de l'inspection du travail (F.N.I.T.), de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de la Confédération générale du travail des ministères de l'agriculture et autres et de la SCP Masse-Dessen, Georges, avocat du Syndicat natinal
des personnels de l'inspection des lois sociales en agriculture,
- les conclusions de Mme de Clausade, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes du SYNDICAT C.G.T. F.O. DES PERSONNELS DU SERVICE DU TRAVAIL ET DE L'EMPLOI, de la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DE L'INSPECTION DU TRAVAIL et du SYNDICAT NATIONAL DES PERSONNELS DE L'INSPECTION DES LOIS X... EN AGRICULTURE sont dirigées contre les mêmes décrets ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que la Confédération générale du travail des ministères de l'agriculture, de la consommation et d'établissements publics, la Fédération nationale CGT des travailleurs des affaires sociales et la Fédération nationale agro-alimentaire et forestière CGT ont intérêt à l'annulation des décrets attaqués ; qu'ainsi, leur intervention est recevable ;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre le décret °n 84-1191 du 28 décembre 1984 relatif à l'organisation des services extérieurs du ministère de l'agriculture :
Considérant, d'une part, que le moyen tiré de ce que ce décret n'aurait pas été pris après avis du Conseil d'Etat manque en fait ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 611-6 du code du travail : "Les inspecteurs du travail placés sous l'autorité du ministre de l'agriculture sont chargés de veiller à l'application aux professions agricoles de celles des dispositions du code du travail et des lois et règlements non codifiés relatifs au régime du travail qui sont applicables à ces professions" ; que les attributions ainsi définies par la loi comprennent notamment l'application des dispositions du titre II du Livre III du code du travail relatives au contrôle de l'emploi ; que, par suite, s'il a abrogé, notamment, le décret °n 77-1146 du 12 octobre 1977 portant organisation des services extérieurs du travail et de la protection sociale agricoles, lequel faisait notamment référence aux attributions de ces services en matière de contrôle de l'emploi, le décret attaqué n'a pas eu pour objet et n'aurait pas pu avoir légalement pour effet de supprimer les attributions que les inspecteurs du travail placés sous l'autorité du ministre de l'agriculture tiennent de la loi en matière de contrôle de l'emploi ; que, dès lors, le moyen tiré à l'encontre du décret attaqué d'une prétendue violation des dispositions susmentionnées du code du travail ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre le décret °n 84-1192 du 28 décembre 1984 relatif à l'organisation et aux attributions des directions régionales de l'agriculture et de la forêt et contre le décret °n 84-1193 du 28 décembre 1984 relatif à l'organisation et aux attributions des directions départementales de l'agriculture et de la forêt :
Considérant que les décrets attaqués prévoient, notamment, que, dans les directions régionales et départementales de l'agriculture et de la forêt, un chef de service est chargé de la mise en oeuvre de la politique sociale agricole, laquelle comprend notamment l'application du droit du travail aux professions visées à l'article 1144 du code rural et l'application de la législation de protection sociale agricole, que ce chef de service est un directeur du travail ou un inspecteur du travail et que ledit service comprend notamment des fonctionnaires du corps interministériel de l'inspection du travail placé sous l'autorité du ministre de l'agriculture dans les conditions fixées par le décret °n 75-273 du 21 avril 1975 portant statut particulier de l'inspection du travail ainsi que des fonctionnaires du corps des contrôleurs des lois sociales en agriculture ;
Sur la légalité externe des décrets attaqués :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 611-14 du code du travail, invoqué par les organisations syndicales requérantes : "Les règlements d'administration publique nécessaires à l'application des dispositions concernant l'inspection du travail sont pris après avis ... du conseil supérieur de la prévention des risques professionnels" ; que les décrets attaqués ne modifient en rien ni les attributions, définies à l'article L. 611-6 du même code, des inspecteurs du travail placés sous l'autorité du ministre de l'agriculture, ni le régime du travail applicable aux professions agricoles ; qu'ainsi, ne pouvant être regardés comme "nécessaires à l'application des dispositions concernant l'inspection du travail" au sens de l'article L. 611-14 précité, les décrets attaqués pouvaient être légalement pris sans être précédés de la consultation du Conseil d'Etat ni de celle du conseil supérieur de la prévention des risques professionnels ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1243 du code rural : "La composition du service de l'inspection des lois sociales en agriculture relevant de la direction des affaires professionnelles et sociales du ministère de l'agriculture est fixée par un règlement d'administration publique" ; que les décrets attaqués, qui sont relatifs à l'organisation des services extérieurs du ministère de l'agriculture et qui, d'ailleurs, ne modifient pas les dispositions du décret °n 76-487 du 2 juin 1976, modifié, portant réorganisation dudit ministère, selon lesquelles les services régionaux et départementaux du travail et de la protection sociale agricoles sont placés sous l'autorité du directeur des affaires sociales, n'ont pas pour objet "la composition du service de l'inspection des lois sociales en agriculture" au sens des dispositions précitées du code rural ; que, par suite, ces dispositions ne rendaient pas nécessaire la consultation préalable du Conseil d'Etat ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu tant des dispositions de l'article L. 611-6 précité du code du travail que de celles de l'article °1 du décret °n 75-273 du 21 avril 1975 portant statut particulier de l'inspection du travail, les fonctionnaires du corps interministériel de l'inspection du travail qui sont chargés de veiller à l'application du régime du travail applicable aux professions agricoles sont placés sous l'autorité du ministre de l'agriculture ; qu'eu égard à leur objet, qui a été ci-dessus rappelé, et alors même que, selon l'article 1er du décret précité du 21 avril 1975, la gestion du corps interministériel de l'inspection du travail est assurée par le ministre chargé du travail, les décrets attaqués n'avaient pas à être contresignés par le ministre du travail ;
Considérant, enfin, qu'il n'existe pas de comité technique paritaire interministériel de l'inspection du travail et que, d'ailleurs, les dispositions de l'article 2 du décret du 28 mai 1982 ne rendent pas obligatoire l'institution d'un tel comité ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de consultation d'un tel organisme ne peut être accueilli ;
Sur la légalité interne des décrets attaqués :
Sur les moyens tirés de la violation des stipulations de la Convention internationale du travail °n 129 du 25 juin 1969 concernant l'inspection du travail dans l'agriculture, publiée par le décret °n 74-456 du 15 mai 1974 :
Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les décrets attaqués ne modifient pas les attributions des inspecteurs du travail placés sous l'autorité du ministre de l'agriculture, prévoient que les services des directions régionales et départementales de l'agriculture et de la forêt chargés de la mise en oeuvre de la politique sociale agricole comprennent des fonctionnaires du corps interministériel de l'inspection du travail, et, enfin ne modifient pas les dispositions réglementaires existantes selon lesquelles la direction de l'administration centrale du ministère de l'agriculture chargée des affaires sociales a autorité sur les services régionaux et départementaux du travail et de la protection sociale agricole ; que, par suite, contrairement à ce que soutiennent les organisations syndicales requérantes, les décrets attaqués ne méconnaissent ni les stipulations de l'article 3 de la convention selon lesquelles "tout membre de l'organisation internationale du travail ... doit avoir un système d'inspection du travail en agriculture", ni celle de l'article 7 en vertu desquelles "pour autant que cela est compatible avec la pratique administrative du membre, l'inspection du travail dans l'agriculture sera placée sous la surveillance et le contrôle d'un organe central" ;
Considérant, en deuxième lieu, que si, selon les dispositions des décrets attaqués, les inspecteurs du travail placés sous l'autorité du ministre de l'agriculture peuvent se voir confier, outre l'application du droit du travail et de la législation de protection sociale agricole, des missions telles que la tutelle exercée sur les caisses de la mutualité sociale agricole et le contrôle des organismes sociaux, la connaissance des problèmes d'adaptation des conditions de travail du salariat agricole et la connaissance des problèmes d'emploi de la main d'oeuvre agricole, il n'est pas établi que de telles dispositions méconnaissent les stipulations de l'article 6-3 de la convention selon lesquelles "si d'autres fonctions sont confiées aux inspecteurs du travail dans l'agriculture, celles-ci ne doivent pas faire obstacle à l'exercice de leurs fonctions principales ni porter préjudice d'une manière quelconque à l'autorité ou à l'impartialité nécessaire aux inspecteurs dans leurs relations avec les employeurs et les travailleurs" ;
Considérant, en troisième lieu, que chacun des deux décrets attaqué énonce expressément que les dispositions de la convention internationale du travail n° 129 concernent l'inspection du travail dans l'agriculture s'appliquant aux personnels de ce service qui exercent des missions d'inspection et de contrôle de la législation du travail et que ces missions ne relèvent pas des pouvoirs des commissaires de la république de région et de département et des compétences des directeurs régionaux et départementaux de de l'agriculture et de la forêt ; que, dès lors, les organisations syndicales requérantes ne sauraient soutenir que les décrets attaqués portent atteinte aux garanties d'indépendance du personnel de l'inspection du travail dans l'agriculture stipulées par l'article 8-1 de la convention ;
Considérant, enfin, qu'aucune disposition des décrets attaqués ne peut être regardée comme ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à l'application des stipulations de l'article 15 de la convention selon lesquelles les autorités compétentes doivent donner aux inspecteurs du travail dans l'agriculture les moyens matériels nécessaires à l'exercice de leurs missions, ni à l'application des stipulations de l'article 20, c), relatives au respect du caractère confidentiel des plaintes que reçoivent lesdits inspecteurs ;
Sur les autres moyens :
Considérant qu'aucune disposition du décret précité du 21 avril 1975 portant statut particulier de l'inspection du travail ne fait pas par elle-même obstacle à ce que des membres de ce corps interministériel se trouvent placés sous l'autorité de fonctionnaires qui ne sont pas eux-mêmes membre dudit corps, ni à ce qu'ils soient éventuellement chargés de missions autres que l'inspection et le contrôle de la législation du travail ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les organisations syndicales requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation des décrets attaqués ;
Article 1er : Les interventions de la Confédération générale du travail des ministères de l'agriculture, de la consommation et d'établissements publics, de la Fédération nationale CGT des travailleurs des affaires sociales et de la Fédération nationale agro-alimentaire et forestière CGT sont admises.
Article 2 : Les requêtes du syndicat CGT-FO des personnels du service et de l'emploi, de la Fédération nationale des syndicats de l'inspection du travail et la Fédération nationale des personnels de l'inspection des lois sociales en agriculture sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Syndicat CGT-FO des personnels du service du travail et de l'emploi, à la Fédération nationale des syndicats de l'inspection du travail et à la Fédération nationale des personnels de l'inspection des lois sociales en agriculture, au Premier ministre et au ministre de l'agriculture et de la forêt.