La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/05/1988 | FRANCE | N°67472

France | France, Conseil d'État, 10/ 1 ssr, 13 mai 1988, 67472


Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 4 avril 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 31 janvier 1985 par lequel le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à verser à M. Alex X..., inspecteur des impôts, le montant de l'indemnité d'éloignement prévue à l'article 6 du décret du 22 décembre 1953 et a renvoyé l'intéressé devant ledit ministre pour être procédé à la liquidation de son indemnité ;
°2) alternativement, décide de surseo

ir à statuer dans l'hypothèse où l'annulation dudit jugement serait prononcée...

Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 4 avril 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 31 janvier 1985 par lequel le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à verser à M. Alex X..., inspecteur des impôts, le montant de l'indemnité d'éloignement prévue à l'article 6 du décret du 22 décembre 1953 et a renvoyé l'intéressé devant ledit ministre pour être procédé à la liquidation de son indemnité ;
°2) alternativement, décide de surseoir à statuer dans l'hypothèse où l'annulation dudit jugement serait prononcée pour avoir rejeté l'exception de prescription quadriennale, afin que le ministre puisse recueillir l'avis du comité du contentieux auprès de l'agent judiciaire du Trésor et opposer valablement lesdites prescriptions ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret °n 53-1266 du 22 décembre 1953 ;
Vu la loi du 31 décembre 1968 ;
Vu le décret du 23 février 1981 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fougier, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Lenoir, Commissaire du gouvernement ;
Sur le droit de M. X... à percevoir l'indemnité d'éloignement :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret °n 53-1266 du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des fonctionnaires de l'Etat en service dans les départements d'outre-mer : "Les fonctionnaires de l'Etat domiciliés dans un département d'outre-mer, qui recevront une affectation en France métropolitaine à la suite de leur entrée dans l'administration, d'une promotion ou d'une mutation, percevront, s'ils accomplissent une durée minimum de services de quatre années consécutives en métropole, une indemnité d'éloignement non renouvelable. Les taux et conditions d'attribution de cette indemnité sont identiques à ceux prévus par les articles 2, 4 et 5 du présent décret" ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 2 du même décret : "L'indemnité d'éloignement est payable en trois fractions : la première lors de l'installation du fonctionnaire dans son nouveau poste, la seconde au début de la troisième année de service et la troisième après quatre ans de service" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X..., originaire du département de la Guadeloupe, est venu en métropole en 1965 pour y poursuivre des études supérieures ; qu'à l'issue de ses études, pendant lesquelles il a participé aux frais d'éducation de son frère demeuré en Guadeloupe et dont il était le tuteur légal, M. X... est entré, le 1er novembre 1972, à l'Ecole Nationale des Impôts ; que, titularisé en qualité d'inspecteur des impôts le 1er novembre 1973, l'intéressé a aussitôt demandé à être affecté dans son déartement d'origine ; que l'administration n'ayant pu donner une suite favorable à cette demande, il a été affecté, à compter du 1er mai 1974, à la disposition du directeur des services fiscaux de Rennes ; qu'ainsi, et alors même qu'il aurait, postérieurement à cette affectation, acquis un logement à Rennes et n'aurait pas renouvelé auprès de son administration sa demande d'affectation à la Guadeloupe, M. X... doit être regardé comme ayant conservé, au moment de son entrée dans l'administration, le centre de ses intérêts matériels et moraux dans son département d'origine ; qu'il devait, dès lors, être regardé comme domicilié dans ce département pour l'application des dispositions de l'article 6 du décret du 22 décembre 1953 et, de ce fait, avait droit à l'indemnité d'éloignement prévue par les dispositions susmentionnées du même décret ;
Sur la prescription quadriennale :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi °n 68-1250 du 31 décembre 1968 : "Sont prescrites, au profit de l'Etat ... toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis" ;
Considérant que, si l'indemnité d'éloignement constitue une indemnité unique payable en trois fractions, chacune de ces fractions constitue pour son bénéficiaire une créance liquide et exigible à partir du moment où les conditions fixées à l'article 2 du décret du 22 décembre 1953 se trouvent remplies pour chacune d'elle ; que, par suite, les droits au versement de l'indemnité d'éloignement ont été acquis par M. X... le 1er mai 1974, date à laquelle il est entré dans l'administration, en ce qui concerne la première fraction de cette indemnité, au 1er mai 1976 en ce qui concerne la deuxième fraction et au 1er mai 1978 en ce qui concerne la troisième fraction ; que l'intéressé n'a présenté sa demande tendant à l'octroi de ladite indemnité que le 20 avril 1981 ; que, par suite, c'est à bon droit que le ministre de l'économie, des finances et du budget a opposé, tant en première instance qu'en appel, la prescription quadriennale au paiement des deux premières fractions de l'indemnité d'éloignement à laquelle avait droit M. X... ; qu'il l'a opposée à tort, en revanche, pour la troisième tranche de cette indemnité à l'égard de laquelle la prescription n'était acquise que le 31 décembre 1982 ; que, par suite, le ministre est fondé, dans cette mesure, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à payer à M. X... l'intégralité de l'indemnité d'éloignement ;
Article 1er : La condamnation de l'Etat à payer à M. X... l'indemnité d'éloignement des départements d'outre-mer de l'article 6 du décret du 22 décembre 1953, est limitée au paiement de la troisième fraction de cette indemnité.
Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 31 janvier 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre del'économie, des finances et du budget est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation.


Synthèse
Formation : 10/ 1 ssr
Numéro d'arrêt : 67472
Date de la décision : 13/05/1988
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPTABILITE PUBLIQUE - DETTES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES - PRESCRIPTION QUADRIENNALE - REGIME DE LA LOI DU 31 DECEMBRE 1968 - POINT DE DEPART DU DELAI - Dettes d'une collectivité publique à l'égard de ses agents - Indemnité d'éloignement des fonctionnaires servant dans les D - O - M - ou domiciliés dans les D - O - M - et affectés en métropole.

46-01-09-06-04(1) M. M., originaire du département de la Guadeloupe, est venu en métropole en 1965 pour y poursuivre des études supérieures. A l'issue de ses études, pendant lesquelles il a participé aux frais d'éducation de son frère demeuré en Guadeloupe et dont il était le tuteur légal, M. M. est entré, le 1er novembre 1972, à l'Ecole Nationale des Impôts. Titularisé en qualité d'inspecteur des impôts le 1er novembre 1973, l'intéressé a aussitôt demandé à être affecté dans son département d'origine. L'administration n'ayant pu donner une suite favorable à cette demande, il a été affecté, à compter du 1er mai 1974, à la disposition du directeur des services fiscaux de Rennes. Ainsi, et alors même qu'il aurait, postérieurement à cette affectation, acquis un logement à Rennes et n'aurait pas renouvelé auprès de son administration sa demande d'affectation à la Guadeloupe, M. M. doit être regardé comme ayant conservé, au moment de son entrée dans l'administration, le centre de ses intérêts matériels et moraux dans son département d'origine. Il devait, dès lors, être regardé comme domicilié dans ce département pour l'application des dispositions de l'article 6 du décret du 22 décembre 1953 et, de ce fait, avait droit à l'indemnité d'éloignement prévue par les dispositions susmentionnées du même décret.

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE DANS LES DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE AUX FONCTIONNAIRES SERVANT DANS LES DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER - REMUNERATION - INDEMNITE D'ELOIGNEMENT (1) Conditions d'octroi - Notions de fixation ou de centre des intérêts matériels et moraux - Droit à l'indemnité - Inspecteur des impôts originaire de Guadeloupe affecté en métropole mais ayant conservé le centre de ses intérêts matériels et moraux dans son département d'origine - Droit à l'indemnité d'éloignement (article 6 du décret du 22 décembre 1953) - (2) Modalités d'octroi - Paiement de l'indemnité en trois fractions - Délai de prescription quadriennale courant de manière séparée pour chaque fraction d'indemnité.

18-04-02-04, 46-01-09-06-04(2) Si l'indemnité d'éloignement constitue une indemnité unique payable en trois fractions, chacune de ces fractions constitue pour son bénéficiaire une créance liquide et exigible à partir du moment où les conditions fixées à l'article 2 du décret du 22 décembre 1953 se trouvent remplies pour chacune d'elle. Par suite, les droits au versement de l'indemnité d'éloignement ont été acquis par M. M. le 1er mai 1974, date à laquelle il est entré dans l'administration, en ce qui concerne la première fraction de cette indemnité, au 1er mai 1976 en ce qui concerne la deuxième fraction et au 1er mai 1978 en ce qui concerne la troisième fraction. L'intéressé n'a présenté sa demande tendant à l'octroi de ladite indemnité que le 20 avril 1981. Par suite, c'est à bon droit que le ministre de l'économie, des finances et du budget a opposé, tant en première instance qu'en appel, la prescription quadriennale au paiement des deux premières fractions de l'indemnité d'éloignement à laquelle avait droit M. M.. Il l'a opposée à tort, en revanche, pour la troisième tranche de cette indemnité à l'égard de laquelle la prescription n'était acquise que le 31 décembre 1982.


Références :

Décret 53-1266 du 22 décembre 1953 art. 6, art. 2 al. 2
Loi 68-1250 du 31 décembre 1968 art. 1


Publications
Proposition de citation : CE, 13 mai. 1988, n° 67472
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Ducamin
Rapporteur ?: M. Fougier
Rapporteur public ?: Mme Lenoir

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:67472.19880513
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award